« 14 x 8000 Au sommet de l’impossible » ou la prouesse de Nirmal Purja sur le toit du monde
Le 29 novembre 2021, le documentaire 14 x 8000 Au sommet de l’impossible est sorti sur la plateforme de streaming Netflix. Retraçant l’univers et l’incroyable aventure de Nirmal Purja, alias Nims, dans son projet « Possible Project », il montre à travers de somptueuses images ce qu’a été, pour un petit groupe inconnu de népalais, l’ascension des quatorze sommets les plus hauts du monde.
À la tête de la troupe, le leader, Nims, avec un objectif : grimper les quatorze sommets de plus de huit mille mètres en seulement sept mois. Inspiré par sa mère puis transporté par sa foi et son envie de montrer au monde ce que peuvent faire les Népalais, le jeune homme, patriote, lance ses dés dans une course folle, à laquelle très peu de gens ont concouru.
Un projet complètement fou
Des projets fous, il en existe beaucoup, mais celui-ci est complètement déjanté. Gravir les sommets de plus de huit mille mètres ça a déjà été fait. Le premier était Reinhold Messner en 1986, puis ont suivi le polonais Jerzy Kukuczka, et le suisse Erhard Loretan. Le record du monde établi par le coréen Kim Chang-ho de l’ascension des 14 sommets qui trônait jusque là, s’était fait en 7 ans, 10 mois et 6 jours. Quand Nims décide de créer son projet, l’ambition est de la réaliser en seulement 7 mois. De nombreux alpinistes lui ont rabâché que c’était certes ambitieux et prestigieux mais tout bonnement « impossible« . Entêté, il a donc répondu à cela en créant son projet « Possible project ».
Son idée a été de construire son expédition en 3 phases, en filmant chacune de ses ascensions pour montrer au reste du monde ce qu’il était capable de faire. Caméra sur la tête, il débute la première phase le 23 avril 2019, regroupant l’ascension de six sommets népalais, l’Annapurna, le Dhaulagiri, le Kanchenjunga, l’Everest, le Lhotse et le Makalu. Dans un deuxième temps il s’attaque aux cinq sommets pakistanais : le Nanga Parbat, les Gasherbrum I et II, le K2 et le Broad Peak, puis termine par la troisième phase en septembre, entre le Népal et la Chine pour gravir le Cho Oyu, le Manaslu et finalement le Shishapangma.
Réalisé par Torquil Jones, le documentaire dévoile la réalité de l’alpinisme de haute altitude, sa beauté, ses dangers, la splendeur des paysages et l’ivresse des hauteurs qui crée la convoitise. Pourtant la nature reste intraitable, et pour reprendre une phrase du film, « on ne change jamais la montagne ». Les grimpeurs sont confrontés à une dure réalité, les températures glaciales, l’imprévisibilité des évènements, la fluctuation de la météo, les morts. Si certains films ont inspiré des rêves de grandeur quant aux ascensions des plus hauts sommets, ce documentaire rappelle à quel point la mort est présente dans ces altitudes.
Au delà de 8000 mètres, on entre dans ce qu’on appelle la zone de la mort – Nirmal Purja
Il faut un mental d’acier et un sang froid redoutable pour tenter l’expérience, quand on sait qu’à cette hauteur, on inspire trois fois moins d’oxygène qu’au niveau de la mer et « qu’au delà de 8 000 mètres, on entre dans ce qu’on appelle la zone de la mort ». L’équipe de Nims a fait l’ensemble des ascensions avec des bouteilles d’oxygène dans leur sacs. C’est d’ailleurs ce qui a pu être reproché par les puristes qui critiquent cet exploit.
Une sous-médiatisation frappante
Quand on entre dans le vif du sujet et que l’on prépare de telles expéditions, les premières questions qui se posent sont, des questions de santé et de capacité d’abord, mais également de financement. Difficile de rassembler des dizaines de milliers d’euros quand on est inconnu et que le projet semble irréalisable auprès de potentiels sponsors. Une partie du documentaire met en lumière le travail et les sacrifices que Nirmal Purja a dû faire, aussi bien sur le plan personnel que familial pour entreprendre son projet. À 35 ans, il est un inconnu népalais qui se lance dans la grande aventure. Personne ne s’intéresse à son cas. Personne ne croit en lui.
Si ça avait été des alpinistes européens ou occidentaux, ça aurait fait 10 fois plus de bruit– Nirmal Purja
Et cela le suit encore aujourd’hui. Son origine népalaise a complètement influencé sa sous-médiatisation. Comme il l’explique devant les journalistes locaux à la fin de son expédition, « si ça avait été des alpinistes européens ou occidentaux, ça aurait fait 10 fois plus de bruit ». Avec la diffusion de son film sur Netflix, l’alpiniste a pu être mis en lumière mais encore aujourd’hui, très peu de monde connaît son nom alors même qu’il a battu à travers son projet, six records d’alpinisme. Encore plus surprenant, l’ensemble de la toile médiatique a utilisé et diffusé massivement l’une de ses photos – mondialement connu aujourd’hui pour parler des embouteillages sur l’Everest- mais personne n’a évoqué son nom.
N’étant pas particulièrement influencé par ce que le monde avait à dire de lui, il a de son côté toujours maintenu une activité très forte sur les réseaux sociaux en publiant fréquemment du contenu sur Instagram, Twitter, Facebook, TikTok… C’est ce qui l’a d’ailleurs aidé pour l’une de ses expéditions, quand ce dernier a dû faire face à l’interdiction du gouvernement chinois, de grimper au sommet du Shishapangma.
L’homme ou le surhomme
Aujourd’hui, Nims est sponsorisé par RedBull et on se doute qu’il a pu rembourser ses dettes de départ. Même si le népalais n’a toujours pas rencontré tout le succès qu’il devrait avoir, la reconnaissance des plus grands alpinistes internationaux du monde est assurée. Il a été maintes fois félicité et applaudi pour ses exploits.
Depuis la fin de ses quatorze ascensions, ses ambitions ne se sont pas taries, il a effectivement réussi un nouvel exploit le 16 janvier 2021. Pour la première fois au monde, il a fait l’hivernale du K2 et qui plus est, sans oxygène. Cette prouesse, il est le seul à l’avoir accomplie. Les autres membres des expéditions ont eu recours à l’assistance respiratoire. Qui sait quels seront ses projets pour les prochaines années… quand on lui demande quelle est la suite, il répond : « je n’en suis même pas au début ».