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EXIL. À Calais, “Faim aux frontières” occupe la place de l’hôtel de ville

EXIL. À Calais, “Faim aux frontières” occupe la place de l’hôtel de ville

Jean-Yves, citoyen occupant la place de l'hôtel de ville de Calais

Depuis le 15 janvier, les membres du collectif “Faim aux Frontières” occupent tour à tour la place de l’hôtel de ville de Calais. En soutien aux personnes exilées, ils manifestent leur mécontentement et espèrent ouvrir un dialogue citoyen avec les autorités publiques.

Sept degrés. Par ce temps hivernal, Laurence, installée depuis le début de la matinée, passe le flambeau. Jean-Yves la relaye le temps de l’après-midi. Au même moment, Anaïs et Ludovic les rejoignent, ils expliquent vouloir exprimer leur mécontentement “de façon simple”. Toute la journée, pancarte autour du cou et dans un quasi-mutisme, les citoyens se succèdent devant l’hôtel de ville de Calais. 

Si “Faim aux frontières” fait un “sitting”, c’est pour sensibiliser les Calaisiens et redonner de la visibilité aux exilés qui ne sont “plus que des meubles dans le paysage”. Occuper la place de l’hôtel de ville, juste devant les Bourgeois de Calais de Rodin, est un choix aussi stratégique que symbolique. Ici, les passants défilent, au rythme des voitures de CRS qui se croisent. Faisant suite à la grève de la faim menée par Anaïs et Ludovic du 11 octobre au 17 novembre dernier, l’occupation a pour but de montrer que “ce n’est pas parce que [la grève] s’est arrêtée qu’il n’y a plus d’action”.

Des expulsions tous les deux jours

Lorsque Jean-Yves prend le relais de Laurence, une expulsion de différents camps de réfugiés touche à sa fin. Le collectif s’exaspère de leur récurrence, “il y en a tous les deux jours”. “Ça en serait presque comique, s’il n’y avait pas cette fin tragique,” plaisante Ludovic à demi-mots. Toutefois, aucun d’entre eux ne semble en vouloir aux forces de l’ordre chargées des expulsions. C’est la politique de l’État qui doit être punie, pas la personne qui l’applique”, affirme Anaïs.

Ludovic, militant du collectif Faim aux frontières
Ludovic, militant du collectif “Faim aux frontières” © Nephtys Bodet

La suspension de ces expulsions et des démantèlements de campements pendant la trêve hivernale, c’est la première revendication de “Faim aux frontières”. Également, ils réclament l’arrêt sans condition des confiscations. D’après le collectif, l’expulsion des personnes exilées se double souvent d’une saisie de leurs biens personnels. “À Calais, les tentes dorment à l’intérieur, mais pas les gens”, fulmine Anaïs. La militante raconte qu’au moment des expulsions, les policiers et gendarmes en mission embarquent les affaires des réfugiés à quelques kilomètres de leur lieu de vie, “ensuite, les exilés ont quelques heures pour les retrouver”.

“À Calais, les tentes dorment à l’intérieur, mais pas les gens” – Anaïs Vogel, membre de “Faim aux frontières” 

Guidé par un espoir de changement, le collectif souhaite ouvrir le dialogue avec les autorités publiques. Tous sont d’accord pour dénoncer une inaction de l’État et de ses représentants locaux. Malgré tout, Anaïs affirme avoir encore confiance en la France. Ludovic est nourri par la même flamme, “la majorité est solidaire, mais ce n’est pas elle qu’on entend” tente-t-il de se convaincre. Heureux de constater que certains Calaisiens intrigués par le “sitting” viennent discuter avec eux, les membres du collectif espèrent tenir l’occupation jusqu’au 31 mars, la fin de la trêve hivernale.

Dialogues de sourds

Les pourparlers sont au point mort avec la mairie de Calais, “selon eux, on n’existe pas”, confie Anaïs. Les membres du collectif reprochent à la maire Natacha Bouchart, de fermer les yeux sur la situation migratoire et regrettent une accumulation de dialogues de sourds avec la préfecture, représentante de l’État. Ludovic et Anaïs soupçonnent le gouvernement de vouloir “garder le contrôle là-dessus”. Ils soutiennent que les expulsions systématiques orchestrées par le préfet ne font pas avancer la situation. Anaïs en dénonce la violence : “moins ils ont de solutions, plus ils utilisent la force”. Malgré l’immobilisme des autorités, la militante garde courage “j’ai espoir, sinon je ne le ferais pas”, se rassure-t-elle.

Lorsque des politiciens se rendent à Calais, ils laissent des souvenirs amers aux militants. Marlène Schiappa, en visite le 1er décembre 2021 ne les avait pas convaincu. Anaïs et Ludovic considèrent ces déplacements comme de pures opérations de communication. Tous deux récusent les personnalités politiques quel que soit leur bord, “ils viennent créer du buzz sur des gens qui dorment dehors”.Éric Zemmour, candidat en campagne pour la présidentielle de 2022, est à Calais ce mercredi pour donner sa vision de l’Europe. Anaïs préfère “ne pas donner d’importance à cette personne” et qualifie sa venue de “dérisoire”.

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