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A la rencontre de Fodé Sissoko, l’athlète malien de la Métropole Lilloise

A la rencontre de Fodé Sissoko, l’athlète malien de la Métropole Lilloise

Fodé Sissoko, sprinter Malien de 23 ans, champion national des 100, 200 et 400 mètres a choisi le Lille Métropole Athlétisme pour son éclosion. Rencontre avec ce jeune athlète prometteur.

Pépère News : Vous êtes arrivé en France en 2018, pourquoi avoir quitté le Mali pour venir s’installer à Lille ?

Fodé Sissoko : Toutes les conditions n’étaient pas réunies pour atteindre le haut niveau, notamment avec la crise que traverse le pays. J’ai décidé de venir ici avec l’aide de la Fédération et du Comité olympique pour préparer ma carrière.

PN : Comment vous êtes-vous adapté à ce nouvel environnement ainsi qu’à cette nouvelle vie ?

FS : Dès que je suis arrivé en France, j’ai été bien accueilli par les Lillois. En ce qui concerne l’entraînement et mon environnement, tout se passe bien. Je suis arrivé en avril de l’année dernière, il ne faisait donc pas froid, j’ai pu vite m’adapter au climat.

PN : Au vu de l’actualité de votre pays, comment vivez-vous non seulement les événements mais aussi la distance avec vos proches ?

FS : Chaque jour qui passe, je pense à eux. J’utilise cette difficulté comme force pour donner le meilleur de moi-même afin d’atteindre mes ambitions et de représenter mon pays. Ils me font avancer. Dans les starts je pense à eux, à mes parents surtout et à tous les sacrifices que j’ai fait pour arriver là. Après, cette crise c’est surtout politique : le nord du Mali est riche avec beaucoup de ressources minières et pétrolières. La population en est victime.

PN : Comment cela se passe-t-il pour un athlète qui décide de partir s’entraîner à l’étranger vis-à-vis de sa fédération ?

FS : C’est pas facile de quitter son pays pour aller s’entraîner dans un autre. Ça aurait été vraiment difficile si je ne m’étais pas entendu avec les gens qui m’ont accueilli, mais ça n’a pas été le cas. Ma fédé m’aide beaucoup, notamment avec le Comité olympique, et de belles personnes m’aident à mieux m’entraîner.

PN : Avez-vous déjà pensé à courir sous les couleurs de la France ?

FS : Non, c’est quelque-chose de vraiment compliqué. Il faudrait que je change de nationalité, ce qui prendrait des années [tout athlète changeant de nationalité doit attendre deux ans pour concourir avec son nouveau pays, ndlr]. La carrière d’un athlète est limitée donc je préfère courir pour mon pays. 

PN : L’athlétisme n’est pas réputé pour être un sport qui rapporte, vivez-vous de votre pratique à haut niveau ?

FS : Pour faire de l’athlétisme il faut aimer ! Pour l’instant, je vis de ça, c’est vrai que ça ne rapporte pas beaucoup. Il faut atteindre un certain niveau pour en vivre. Actuellement, je peux dire que je ne suis pas totalement satisfait de mes revenus mais j’arrive quand même à m’en sortir avec ce que je gagne. Je n’ai pas de relation avec les sponsors, j’en cherche mais je n’ai pas encore le niveau pour en obtenir.

Fodé Sissoko à l’entraînement.
© Danouma Ismaël Traoré

PN : Les Championnats du monde de Doha ont constitué votre première compétition mondiale, que retenez- vous de cette expérience ?

FS : Je n’étais pas au point [blessé l’été dernier, ndlr], mais cela a été un honneur pour moi d’être appelé par mon pays pour le représenter. Courir avec des gens meilleurs que moi a été une très bonne expérience. J’ai appris beaucoup de choses. Il faut que je retourne bosser.

PN : Quels sont vos objectifs et échéances pour cette saison olympique ? 

FS : J’ai beaucoup d’ambition puisque j’ai déjà réalisé les minima du Mali sur 200 mètres pour les Jeux Olympiques. Aux derniers mondiaux, les finalistes étaient tous aux alentours de 20’’40. Je pense que c’est accessible. Je vais redoubler d’efforts. Mon objectif pour l’été c’est de descendre le chrono, d’être médaillé aux championnats d’Afrique et bien sûr les Jeux. 

PN : Comment préparez-vous la saison estivale qui approche ?

FS : Ma blessure a bouleversé ma saison que j’avais tellement bien débutée mais c’est la loi du sport, ça fait parti du jeu. J’ai commencé la préparation depuis mi-novembre. Je vais faire quelques stages, peut-être au Japon juste avant les JO pour mieux me préparer physiquement et mentalement afin d’atteindre mes objectifs. Je fais l’impasse sur la saison hivernale, je mise tout sur cet été.

PN : Il y a quelques mois vous avez parlé de descendre sous la barre mythique des 20 secondes, l’envisagez-vous toujours ?

FS : Oui, je ne me limite pas à un chrono. Je veux descendre mon chrono pour que ce soit en-dessous des 20 ou pourquoi pas 19 (rires). On va travailler pour y arriver.

 

“Je ne me bats pas pour moi-même mais pour mon pays”

 

PN : Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous à quelques mois des Jeux ?

FS : Je ne dirai pas que je suis stressé. À force de m’entraîner, je me sens de plus en plus prêt. Avec mon coach on est en train de voir les méthodes d’entraînements, si on part plus sur du quantitatif ou du qualitatif. C’est un rêve pour moi et les personnes qui me soutiennent. Un jour un journaliste malien m’a dit : « Fodé tu vends du rêve aux jeunes maliens ». Je ne me bats pas pour moi-même mais pour mon pays.

PN : Il y a quelques années, imaginiez-vous arriver à ce niveau ?

FS : Je savais que j’allais atteindre ce niveau. J’ai traversé certaines périodes qui m’ont découragé et d’autres qui m’ont donné la force. Il y a quelques années, au Mali, j’ai eu une grosse blessure. J’ai eu une discussion avec mon coach, je lui ai dit : « Un jour je serai en Europe et j’irai aux JO ». Tout est une question de volonté et de détermination.

PN : Sur l’athlétisme et ses mutations en général, des questions sur la considération des athlètes se sont posées en lien avec les conditions climatiques extrêmes de Doha. Qu’en pensez-vous ?

FS : Pour moi ce n’est pas un problème. Certes certains athlètes se sont plaints du climat, surtout les coureurs de fond. Mais tout ceux qui ont couru dans le stade [stade climatisé, ndlr] n’ont pas à se plaindre car il fallait y être préparé. À l’inverse, que diraient les athlètes africains si on organisait une compétition dans un pays où il fait très froid ? Il faut s’adapter au climat.

PN : Suite aux dernières révélations sur les violences sexuelles dans le patinage français, des sportifs se sont rassemblés dans une tribune pour faire front face à ces actes. Quel regard portez-vous sur cette affaire et cette mobilisation ?

FS : Je pense que c’est une très bonne chose. Je félicite l’athlète d’être sortie de son silence pour dénoncer ça, ce qui n’est pas facile. C’est vraiment courant dans le milieu sportif, ça l’est d’autant plus en Afrique et rares sont les gens qui en parlent. Ils ont plutôt tendance à se taire pour atteindre leurs objectifs mais au final ça les détruit à l’intérieur. Je pense qu’il est important de se servir du statut d’athlète de haut niveau pour dénoncer ces choses-là et aider les victimes.

Avec Laure Sevrin

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