Action Maraude : lorsque agir à son échelle devient possible
Février. Dans les rues battues par le vent d’hiver, seuls et emmitouflés dans des couvertures de fortune, ils sont là, les sans-abris. Chaque étudiant en croise, et s’est déjà retrouvé face à cette situation où le désarroi s’empare de lui alors qu’il aimerait changer la situation de ces hommes et femmes mais n’en trouve pas les moyens. Pourtant voilà, la générosité, l’altruisme et la bonne volonté existent bien, et l’association étudiante Action Maraude en est la preuve vivante.
“Les jeunes veulent se mobiliser, les jeunes sont motivés, les jeunes ne sont pas passifs”
Elles sont trois à avoir voulu témoigner. Naïma Bouyahyi, Emilie Pouchelle et Juliette Duminil sont bénévoles et membres actives de l’association de maraude créée depuis 2016 par des étudiants en Droit. À l’origine de cette initiative ? Des étudiants qui décidèrent de se regrouper afin d’aider les personnes dans le besoin. Du pôle logistique à la communication, aujourd’hui Action Maraude se développe autour de plusieurs projets : écriture de témoignages de sans-abris qu’ils rencontrent, préparation de repas, activités sur les réseaux sociaux, vente de crêpes à l’entrée de Lille 2 pour subventionner les maraudes, redistributions de vêtements ou encore création d’une cagnotte (car l’association est en autofinancement total). C’est autour d’une diversité d’actions que Action Maraude, constituée d’une vingtaine d’actifs et de bénévoles, agit face à “une situation affolante qui fait pourtant partie de notre quotidien à tous”.
Majoritairement étudiante, l’association aspire à sensibiliser les jeunes et à leur montrer qu’à notre échelle nous pouvons agir. “Le point fort de l’asso, c’est qu’on est tous des étudiants ou des lycéens, on ne se retrouve pas avec des personnes plus âgées auprès desquelles il est plus difficile de se sentir à l’aise ou légitime. Entre nous il y a un réel lien qui se crée : on est tous novices mais pleins de bonne volonté”. Et cela marche : des événements commencent à prendre racine dans les lycées. Car non, être jeune ne veut pas dire qu’on est incapable d’agir. Au contraire, “les personnes qui se motivent pour les maraudes sont toutes jeunes et s’intéressent vraiment à la situation, elles sont sensibles aux enjeux qu’Action Maraude représente et sont prêtes à s’investir”.
Trajet d’une maraude : à la rencontre de ceux que l’on ne fait que croiser
Marauder, c’est aller à la rencontre de personnes sans domicile fixe, avec pour but de répondre à des besoins immédiats, développer un dialogue et favoriser leur orientation vers des lieux d’accueil ou d’accompagnement. Ainsi, un samedi tous les quinze jours, l’équipe d’Action Maraude se réunit pour organiser une maraude à Rihour, le quartier de la Gare et République.
Une journée type consiste en la préparation d’une centaine de repas le matin à distribuer dans l’après-midi. La journée commence par les courses chez des grossistes en partenariat avec l’asso. La difficulté est de trouver des plats faciles à distribuer : soupes et pastabox sont à privilégier en hiver. Ensuite, rendez-vous aux cuisines de Fives, mises à disposition par la ville aux bénévoles. Il faut alors être efficace : gâteaux, repas, fruits, eau, café, la centaine de sacs doit être prête à être distribuée dans l’après-midi. Des habits sont aussi donnés, mais sans lieu pour les stocker l’organisation s’avère plus complexe. “On est obligés de stocker chez nous, mais l’accumulation peut parfois devenir problématique. En plus il nous manque des vêtements indispensables : on cherche des chaussettes, des gants et des écharpes par ce temps”. Le temps, c’est lui le grand danger du moment. Dès 17h, la nuit tombe, et avec la pluie et le froid, il faut vite commencer la maraude. Par petits groupes, les membres vont à la rencontre des sans-abris pour leur offrir de quoi manger et des oreilles pour les écouter.
© page Facebook Action Maraude
Une leçon d’humanité et d’humilité
Écouter. Toujours. Dialoguer. Offrir un interlocuteur à ceux qui se sentent isolés. Juliette, Naîma et Emilie insistent là dessus : les sans-abris sont si isolés que pouvoir échanger les rends heureux. Être enfin considérés et partager son histoire est nécessaire pour ces hommes et femmes. Très souvent ce sont des rencontres poignantes qui s’offrent aux maraudeurs. Ils se retrouvent face à des personnes faisant la manche mais qui refusent les repas et indiquent une autre personne à aider, sous prétexte “qu’il en a plus besoin que moi”. C’est un constat,“ce sont ceux qui ont le moins qui donnent le plus” assure Emilie. “On apprend en humilité lorsqu’on se retrouve face à ces personnes, c’est une vraie leçon de vie, ils sont bien plus généreux et altruistes que certains”. Mais les sans-abris ne sont pas les seuls à bénéficier des maraudes : on retrouve aussi des personnes en situation de grande précarité ou encore des réfugiés.
Créer un vrai lien social avec ces hommes (car c’est une grande majorité d’hommes que les maraudeurs rencontrent), c’est là l’objectif premier d’Action Maraude. Le but est de pouvoir réellement accompagner sur la durée ces sans-abris, qui sont les mêmes à chaque maraude. Plus qu’apporter une aide temporaire, l’association souhaite développer des projets d’aides administratives et juridiques (comme une “clinique juridique”) ou des événements (comme des repas de Noël Solidaire) afin d’inclure totalement ceux qui se retrouvent isolés dans les rues lilloises.
Agir : exercer une action, une influence sur quelque chose ; avoir une efficacité sur quelque chose
Humblement, à leur échelle, ces étudiants souhaitent pouvoir améliorer la vie des sans-abris et rendre leur situation un peu moins misérable. Car à notre échelle on peut : tout est possible. Ça peut être un vêtement à donner car il ne nous va plus, ça peut être acheter une sucrerie au stand dans le Hall de Lille 2, ça peut être faire de son temps une force en l’offrant lors d’une après-midi à ceux qui ne demandent qu’une situation digne et juste. Ça peut être tenter de lutter contre la fatalité, en offrant ce que l’on peut, sans prétention ou illégitimité, simplement avec toute sa bonne volonté. C’est cela, Action Maraude.
© page Facebook Action Maraude
Pour les retrouver, les rejoindre et marauder :
Insta : @a.maraude, Twitter : @ActionMaraude, Facebook : Action Maraude