Carton rouge, le mouvement des footballeuses de Sciences Po contre le sexisme
Le 3 mai 2020, un collectif d’étudiantes de tous les Instituts d’études politiques (IEP) de France, Carton rouge, poste son premier communiqué sur les réseaux sociaux. Les fondatrices de ce mouvement, inscrites dans l’équipe féminine de football de leur école, y dévoilent leurs intentions : dénoncer le sexisme qui règne dans ce sport, et condamner les insultes et les remarques qui leur sont adressées au quotidien. Le Pépère News est allé à la rencontre des fondatrices.
“On se lève et on tire.” Voilà la phrase qui reste en tête après la lecture du communiqué. Reprenant la formule d’indignation de Virginie Despentes après la dernière cérémonie des César, le collectif Carton rouge met des mots sur l’oppression et la discrimination que subissent les femmes dans leur sport. Elles revendiquent leur droit à jouer au foot sereinement, et condamnent les hommes qui “pensent que le terrain leur est réservé”.
Une collaboration à grande échelle
Cette idée leur est venue alors qu’elles préparaient, entre footballeuses de Sciences Po, un tout autre projet. Mais très vite, leur discussion s’est tournée vers le sexisme qu’elles subissent toutes. Elles ont alors compris qu’il fallait le dénoncer. C’est là que le collectif Carton rouge est né. Il est le fruit de la collaboration d’étudiantes des IEP de toute la France. Lucy Bartz, depuis Grenoble, nous explique qu’il est d’ailleurs “bénéfique que l’on soit plusieurs dans l’équipe car c’est en parlant avec d’autres personnes que l’on peut s’améliorer”.
À Lille, Justine Defosse nous explique qu’elles sont quatre à faire partie de l’organisation du collectif. Leur initiative a par ailleurs reçu le soutien des coachs masculins et féminins des équipes sportives des écoles. Ainsi, grâce à leur lien étroit avec les équipes féminines de football de tous les IEP, elles récoltent des témoignages quotidiennement.
“Fatiguées de se battre pour faire du sport”
À l’origine, le message de Carton rouge, c’est ça. Emma Nougarede, une des meneuses du collectif, basée à Saint-Germain en Laye, nous explique que, bien souvent, on discrédite les femmes dans le football. Elle nous parle d’un sentiment de manque de légitimité, alors qu’elles en ont autant que quiconque. Le regard désapprobateur de certains hommes ou même de certaines femmes aboutit alors à un manque de confiance chez les jeunes sportives. Emma nous affirme que cela n’a pas lieu d’être.
“L’objectif, c’est que les lecteurs et lectrices se rendent compte de la réalité”, explique Julie Tatin, en première année à Science Po Lille. Leur combat, c’est donc de faire évoluer les mentalités, de faire comprendre aux gens à quel point la situation est difficile et décourageante pour les femmes dans le sport, surtout à l’école.
Par ailleurs, les témoignages visibles sur la page Facebook du collectif ne se limitent pas qu’au football : les joueuses de basket, de badminton ou encore de rugby dénoncent anonymement le climat sexiste qui est ancré dans leur sport.
Sciences Po, un tremplin pour leur message
“Même à Science Po, on ressent ces discriminations.” Emma Nougarede s’étonne de l’état d’esprit des étudiants de son école. En effet, dans un établissement enseignant des thèmes sociaux et politiques, on pourrait penser que la pratique du sport féminin ne devrait pas poser problème. Et pourtant, les remarques et les insultes sont nombreuses, et elles proviennent souvent des étudiants. Le collectif Carton rouge a alors décidé d’utiliser la réputation de leur école en faveur de leur cause, comme pour dire : “Le sexisme, il prend racine même chez nous.” Lucy Bartz partage cette vision en expliquant qu’elles “bénéficient d’un grand réseau, autant l’utiliser”.
Qu’en est-il alors des retours des étudiants, de toutes les personnes touchées par le message de Carton rouge ? Emma Aumasson, étudiante à l’IEP de Rennes, nous dit qu’ils sont “vraiment positifs. Ils montrent qu’il y avait un réel besoin de dénoncer les problèmes de sexisme dans le sport.” Qu’ils soient individuels ou collectifs, les remerciements et témoignages étaient nombreux. En près de 40 jours, la page Facebook a déjà atteint les 1000 mentions “J’aime”. Un début prometteur pour une cause aussi importante, et nécessaire au vu du nombre de témoignages recueillis.
La suite, elle se passera sur Facebook mais aussi sur la page Instagram de Carton rouge qui arrive prochainement.