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Civilisation, Orelsan enfin au milieu de ses semblables

Civilisation, Orelsan enfin au milieu de ses semblables

album Civilisation Orelsan

Ce 19 novembre, le nouvel album d’Orelsan était révélé à minuit. Après une campagne de communication languissante, Civilisation vient rappeler pourquoi cet artiste réussi à remplir quatre stades de France avant même qu’on n’en connaisse les mélodies déjà classiques.

Trois ans d’attente et trois jours d’impatience après la sortie de son clip “L’odeur de l’essence”, c’est ce que ses fans auront dû endurer pour découvrir les nouveaux textes d’un album déjà dénommé “classique”. Avec peu de featuring mais un éventail de sujets à porter dans la plaie, Orelsan nous dépeint dans Civilisation le portrait d’un homme perdu dans la foule, avec ses pensées lui tournant autour.

Aux instants des retrouvailles, Orelsan grandit

Il est coutumier pour les idoles du chanteur de dire que chaque album est une retrouvaille. Depuis 2009, chaque CD d’Orelsan s’inscrit dans sa sensibilité, celle de son âge et des moments de vie qu’il traverse. Alors que San ouvrait La fête est finie en affirmant qu’Aurélien avait grandi,  Civilisation s’ouvre lui aussi sur une note nippone. Dans Shonen, le jeune homme sage et lucide que nous avions laissé dans Epilogue refait surface. On y retrouve un Orel à son habitude, perdu, mais rêveur et résigné, ayant besoin “de devenir meilleur”.

Malgré les années défilant, Orelsan ne revient pas avec un renouvellement total. L’adolescent en colère, épuisé et cynique refait surface au fil de morceaux tels que Du propre qui nous rappellent des classiques du chanteur. Cette hargne, on la retrouve dans Casseurs Flowters Infinity, où les références à Ils sont cool s’emmêlent à la voix de Gringe. Plus qu’un ultime symbole de retrouvaille, c’est un cadeau que font Orel et Gringe dans ce titre qui donne l’impression de retourner à l’époque de Bloqué et de l’adolescence révoltée. Un retour, c’est aussi par la présence de Skread, fidèle, remettant l’amitié du chanteur au centre de son monde.

Les retrouvailles, c’est aussi avec un environnement. Seul avec du monde autour, elle, aura fait résonner nostalgiquement des échos de La terre est ronde ou bien Dans ma ville on traine. Caen, la vie de province et la lenteur de la mer sont toujours un sujet que l’auteur se doit de ressasser, comme un phare pour nous rappeler d’où il vient, et où il va.

La pochette du nouvel album d'Orelsan, Civilisation
La pochette du nouvel album d’Orelsan, Civilisation © Orelsan

Du pauvre gars au mec sensible

Bien que bientôt quarantenaire, l’auteur reste perdu. Au fil de ses rimes et de sa voix si identifiable, on retrouve sa plus grande force : sa sensibilité qui nous rassure, nous et lui. Que ce soit dans Rêve mieux, Jour meilleur ou La quête, est-ce à nous ou à lui qu’Orelsan essaie d’apprendre des leçons ? Qu’importe. Il est là pour nous, avec son optimisme en demi-teinte, d’une génération désabusée mais fleur bleue. Ses autoportraits en douceur contre-balancent la puissance du reste de l’album, créant un équilibre qui explique le succès de Civilisation. Orelsan se livre, nous ressemblant plus que jamais, fragile mais souriant. 

Le chanteur apparait alors humain, blasé, en plein espoir, faisant des erreurs mais les admettant. Et dans l’expérience humaine, l’amour trouve finalement sa place, malgré l’entrée en scène de Bébéboa. Athéna sublime le sentiment d’attachement d’une relation qu’on aimerait voir toujours durer. La mention spéciale revient tout de même à Ensemble, que Skread porte avec génie par une production puissante qui soutient le propos d’un jeune homme qui s’en veut de ruiner un amour si beau. Définitivement, Orelsan est bien devenu ce mec sensible qu’il critiquait plus jeune et sa résilience en ce romantisme nous pousse à y croire aussi.

2022, la politique et nous au milieu

Ce n’est un secret pour personne, Orelsan est politique. La couleur est annoncée dès les premières images de L’odeur de l’essence et est confirmée toute l’heure d’écoute. Certains lui reprocheront d’être dans son confort, de se révolter pour rien et contre tout. Mais Orelsan n’est plus ce gamin au regard jugeur de Suicide Social. Désormais, il l’a compris, il est avec nous dans le même avion. Car c’est avec “lui” qu’il nous encourage à lutter dans Civilisation. C’est de “nous” qu’il parle dans l’Odeur de l’essence. Ce sont ses pensées divergentes qu’on entend dans Baise le monde. C’est au milieu de la manifestation qu’il Manifeste.

© JohannKnipper
Orelsan prépare une tournée dans toute la France, et sera au Zénith de Lille le 20 janvier 2022 © JohannKnipper

Plus qu’un spectateur, Orelsan porte haut la voix sur des sujets qui l’inquiètent, lui, citoyen d’un monde qui est dénoncé par une jeunesse sur les réseaux sociaux et un peuple dans la rue. Apeuré, il dénonce cette France qui se mutile lors de son slam plus que réel de Manifeste. Se voulant insouciant, il nous confesse lors d’une fête qu’il se soucie de l’environnement dans Baise le monde. Désespéré, il se bat contre GAFAM, 2022, clichés et dépression dans Civilisation

Mais aujourd’hui, ce tableau ne se dresse pas pour rien. Cette fois, il est un miroir, avec un but, une destinée, une raison : changer les choses. Civilisation, chef-d’œuvre au titre éponyme de l’album, se présente alors comme une conclusion à toutes les pensées qu’Orelsan nous a partagées : il ne veut plus agir seul. “Aide-moi, Marche, Marche avec moi, apprends-moi […] avant, j’rêvais d’quitter la France, j’vais rester, j’préfère qu’on la change”. Et alors que les paroles de la chanson se mêlent à la première de l’album, Shonen, nous ne faisons plus qu’un : son Shonen se mêle à nous, la Civilisation. 

“J’ai fait un album qui ne parle que de ma meuf et de la société”

Orelsan est revenu, plus politique et personnel que jamais. C’est ainsi que, bien que grandi, différent, toujours révolté et amoureux, Orelsan, au-delà d’une grande performance artistique, se révèle le plus sincèrement possible : en tant qu’être humain. Passé par des déboires, des prises de conscience, des engagements et beaucoup de passion, le Caennais nous ressemble, plus que jamais. 

Sa sensibilité aura déjà su toucher des cœurs, mais cet ultime album est ici pour prouver autre chose. Orelsan n’a pas disparu. Il n’est pas non plus au-dessus de la foule. Il s’y jette. Tête la première. Il est nous, nous sommes lui, et de cette identification commune ne ressort alors qu’une idée : même maladroitement humain, la résilience et la lucidité nous animent. Et ce que nous voulons, c’est changer. Changer le monde qui nous entoure, nos relations, et nous-mêmes, pour ne jamais cesser d’espérer. Car du haut de ses 39 années apeurées, une chose semble sûre : tout est toujours à améliorer, malgré, envers, et contre tout.

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