Contraception gratuite jusqu’à 25 ans, est-ce suffisant ?
Début septembre, le ministre de la santé, Olivier Véran, a annoncé la totale prise en charge de la contraception pour les femmes jusqu’à 25 ans. Si certains jugent cette mesure révolutionnaire, d’autres la qualifient d’insuffisante.
« Il y aura une prise en charge de la contraception hormonale, du bilan biologique qui peut aller avec, de la consultation de prescription et de tous les soins qui sont liés à cette contraception jusqu’à 25 ans » a affirmé Olivier Véran le 9 septembre dernier. Il a ensuite précisé que cette mesure s’appliquera à l’implant, au stérilet, au diaphragme et évidemment à la pilule comme annoncé initialement. Les jeunes femmes pourront se faire prescrire un moyen de contraception et seront remboursées par la sécurité sociale. Néanmoins, cette « bonne nouvelle » fait débat. Que lui est-il reproché ?
Pourquoi cette annonce ?
Cette mesure est avant tout une réponse à la précarité vis-à-vis de la contraception. Beaucoup de jeunes femmes ne peuvent pas se permettre de payer la contraception ainsi que les services de santé nécessaires au préalable.
L’âge « limite » a été fixé à 25 ans puisque « c’est un âge qui correspond, en termes de vie économique, sociale et de revenus » à « davantage d’autonomie » explique le ministre. Auparavant, la gratuité de la contraception était possible de 15 à 18 ans ou via une consultation au planning familial. Or, ce dernier n’est pas facilement accessible géographiquement et les horaires ne concordent pas forcément à l’emploi du temps des jeunes femmes. Il a également été décidé de ne plus établir un seuil de gratuité à 15 ans puisqu’en 2019, le gouvernement a affirmé qu’on comptabilise presque 1.000 grossesses chez les 12-14 ans dont environ 700 aboutissent à une IVG.
Une mesure jugée « insuffisante »
Dans les heures et jours qui ont suivi l’annonce, de vives réactions se sont fait entendre. Premièrement, au sujet de la barrière des 25 ans. Manon Aubry, députée européenne de La France Insoumise (LFI), a vivement réagi en tweetant : « Parce qu’après 25 ans on ne risque plus de tomber enceinte et on roule sur l’or, c’est bien connu. » Ces propos rejoignent ceux de Caroline Rebhi, co-présidente de l’association féministe du Planning familial : « Aller jusqu’à 30 ans n’aurait pas été de trop, car à 25 ans, on n’a pas forcément une stabilité financière, professionnelle, on peut être encore en train de faire des études. » Certains évoquent même une injonction non-verbalisée à faire un enfant après 25 ans.
Parce qu'après 25 ans on ne risque plus de tomber enceinte et on roule sur l'or, c'est bien connu. https://t.co/3XQXUqTvh3
— Manon Aubry (@ManonAubryFr) September 9, 2021
Un autre problème est celui de la charge mentale de la contraception. Dans sa prise de parole, Olivier Véran a expliqué appliquer cette mesure afin de renforcer l’égalité femmes/hommes. Pourtant, parmi les contestations beaucoup reviennent sur le fait que la gratuité soit uniquement pour les femmes. Cela contribue à rendre la gestion de la fertilité comme un « problème de femmes » chose contre laquelle les féministes se battent actuellement. En effet, un homme est fécond 365 jours par an tandis qu’une femme ne l’est environ que 48 jours. Christine Mauget, chargée des questions internationales au Planning Familial, atteste du fait qu’on aperçoit une génération de jeunes garçons étant déterminé à gérer leur fertilité mais il y a, cette fois, un défaut d’informations. La contraception masculine existe, même si elle est peu développée du fait de cet ancrage dans les mœurs de la gestion de la contraception par la femme. Des tests prometteurs ont été faits quant à la possible existence d’une pilule pour hommes, qui a été refusée car ayant des effets secondaires semblables à ceux de la pilule pour femme. Ainsi, nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui jugent cette loi insuffisante dans la mesure où tous les moyens de contraceptions devraient être gratuits peu importe le sexe ou le type de contraception. (A noter qu’uniquement les pilules de première et deuxième générations seront pleinement prises en charge.)
Qu’en pensent les Lillois ?
Nous sommes allés à la rencontre de jeunes étudiants Lillois qui ont répondu à plusieurs questions à propos de la barrière d’âge, du planning familial de Lille, de la possibilité d’obtenir une contraception gratuitement, de la charge contraceptive dans les couples et de la connaissance de la contraception masculine.
Pour résumer, selon eux, cette mesure est nécessaire puisque la gratuité de la contraception au planning familial est assez méconnue. Néanmoins, ils contestent la limite d’âge de 25 ans : Antoine, étudiant en communication, considère que « la précarité n’est pas liée à l’âge » et Chloé, étudiante en école de commerce soutient qu’il serait « préférable de rembourser tout le monde à tout âge ».
Concernant le cliché que la contraception est une « affaire de femmes », les Lillois interrogés affirment que dans leurs couples, la charge contraceptive est une décision réfléchie et concertée plutôt qu’une « norme » qu’ils suivent. En effet, Emma, étudiante en CPGE nous dit : « C’est moi qui porte la charge contraceptive mais nous en avions discuté », Haibane et Yanis, étudiants en économie ont, pour leur part, décidé de porter le poids de la contraception. Cela se rapporte aux dires de Christine Mauget sur la nouvelle génération d’hommes qui veut prendre en charge sa fertilité mais qui ne sait pas comment. En effet, nous pouvons attester d’un problème d’information à propos de la contraception masculine car aucun d’entre eux n’a su citer toutes les contraceptions masculines existantes. Les étudiants Lillois interrogés confirment que cette mesure, qu’elle soit jugée insuffisante ou non, peut être considérée comme une avancée notable même s’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir en ce qui concerne la contraception en France.