Covid-19, des étudiants du monde témoignent #1 : Au Brésil, la lente prise de conscience
Le Brésil est le 19e pays le plus touché par la pandémie de Covid-19, en nombre de personnes infectées. Avec 3.477 cas, 93 morts et six personnes guéries au 28 mars, mais surtout une augmentation rapide des cas depuis mi-mars, la situation est de plus en plus inquiétante.
Pas assez inquiétante néanmoins pour Jair Bolsonaro, président du pays, qui accuse les médias de répandre l’hystérie. Il refuse d’imposer le confinement ainsi que la fermeture des écoles, mesures cependant déjà adoptées dans plusieurs États du pays. Mardi 24 mars, J. Bolsonaro s’est exprimé à la télé : “le groupe à risque, c’est celui des personnes de plus de 60 ans, alors pourquoi fermer les écoles ?” Le président, qui compare le Covid-19 à une “petite grippe”, redoute les effets d’un confinement sur l’économie du pays. Le gouvernement a déjà annoncé plusieurs plans de soutien pour certains secteurs, comme celui de la santé. Mais la population du pays dénonce son inaction. Nous avons contacté deux étudiants dont les établissements ont été fermés à cause de la pandémie. Breno, étudiant en défense et gestion stratégique internationale à l’Université fédérale de Rio de Janeiro et habitant de Niterói. Et Lile, étudiante en cinéma et audiovisuel à l’Université fédérale de Pernambuco et habitante de Recife.
“Le président a été inefficace dans la lutte contre le virus à l’échelle nationale”
En réponse à l’inaction du gouvernement, les gouverneurs de certaines villes ont mis en place des mesures pour contrôler la pandémie. “Le président a été inefficace dans la lutte contre le virus à l’échelle nationale. C’est pourquoi les gouverneurs ont pris leurs propres initiatives sans attendre”, explique Breno. Il se réjouit : “dans la ville où je vis, Niterói, c’est là qu’il y a la meilleure réponse de combat de tout le pays. Dès que les premiers soupçons [de cas de contamination, ndlr] ont été confirmés, la ville a décidé de prendre des mesures”. Plages interdites, centres commerciaux et restaurants fermés, création d’un bureau de crise, suspension des cours, distribution de paniers de nourriture à certaines familles… “Restez à la maison et aidez à sauver des vies !”, écrit la préfecture de la ville sur Twitter le 18 mars. La ville de Recife n’a pas encore pris ces mesures de confinement total : “Les bars, restaurants, centres commerciaux doivent simplement réduire leur capacité d’accueil à 50%”, détaille Lile. Mais la préfecture de Recife décourage ses habitants d’aller dehors et se positionne contre J. Bolsonaro : “Le Covid-19 n’est pas une petite grippe. […] Restez à la maison.”
Les cours en ligne, la solution ?
Les écoles s’organisent et cherchent d’autres moyens de donner les cours. L’université de Breno propose certains cours par Skype, mais les professeurs ne sont pas habitués à donner des cours en ligne et ont du mal à tout organiser. Pour Lile, la situation est différente : “Nous n’avons aucun cours en ligne pour le moment.” Breno ne pense pas que les cours en ligne soient la bonne solution. “Ce n’est pas très efficace parce que tout le monde n’a pas Internet ou un ordinateur”. Cette nouvelle manière de travailler ne convient pas à l’étudiant : “C’est difficile car à la maison, il y a beaucoup de distractions et je ne peux pas me concentrer sur le cours.” Il n’est pas le seul à penser cela : “Personne n’est d’accord avec ce mode d’enseignement”, confie-t-il.
“Quelques camarades de classe ont peur que la situation leur fasse rater leur année”, raconte Lile. Les universités tentent de donner des informations aux élèves, mais tout reste peu clair. “Rien n’est sûr”, s’inquiète l’étudiante. Breno aussi redoute les conséquences de la crise sanitaire sur ses résultats. “J’ai peur que ça me prenne plus de temps pour obtenir mon diplôme. Et à la maison, je n’aurai pas la performance que j’ai habituellement en classe.”
Une situation bien partie pour durer
Breno s’inquiète de l’évolution de la pandémie au Brésil. “Les chiffres montrent que nous ne sommes pas différents de l’Italie.” Pour lui, la population ne prend pas cette situation assez au sérieux. Il raconte : “Nous, les Brésiliens, prenons tout en plaisantant. C’est bon et mauvais en même temps. Certaines personnes respectent la décision de rester en quarantaine, mais beaucoup de gens ne suivent pas les recommandations.” Lile s’inquiète, elle aussi : “Certaines personnes sont encore du côté du président. Heureusement, les médias relaient des informations sur le virus tout le temps et alertent la population”. Alors en attendant que J. Bolsonaro se réveille – ou soit destitué comme le demandent déjà des députés et des pétitions – on espère pouvoir compter sur le bon sens des gouverneurs de chaque ville du Brésil pour lutter contre le Covid-19.