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Covid-19, des étudiants du monde témoignent #2 : La Sardaigne, le refuge des continentaux

Covid-19, des étudiants du monde témoignent #2 : La Sardaigne, le refuge des continentaux

Depuis le début de la pandémie, l’Italie s’est sinistrement démarquée des pays contaminés. Dépassant la Chine, elle est le pays le plus touché en nombre de victimes. On dénombre au 30 mars 97.689 cas, 10.779 décès et 13.030 personnes guéries. Quant aux espoirs d’une stabilisation de la situation, ils ont été occultés par le bilan du 27 mars : 1.000 décès en 24 heures. La Sardaigne, île italienne située juste en-dessous de la Corse, n’est pas isolée du phénomène. 

La Sardaigne dénombrait la semaine dernière 206 cas positifs au coronavirus pour une population de 1,6 million d’habitants. Bien que le bilan semble relativement positif, la courbe d’infectés ne ralentit pas, doublant tous les deux jours. Et la mauvaise gestion de la situation par les hôpitaux, arguée par la presse locale, semble annoncer une montée en flèche du nombre de victimes. Le Pépère News est entré en contact avec un étudiant sarde, Mohammed Karim Harchi, habitant à Iglesias, dans le sud de l’île. Scolarisé en ingénierie mécanique à l’Université de Cagliari, il apprend qu’à partir du 11 mars il va devoir se confiner jusqu’au 3 avril au moins.

“Si tu as accepté de mener un pays, tu dois être préparé à faire face à une telle crise”

Karim l’affirme, la Sardaigne aurait pu et dû agir plus vite face à cette crise. “Il aurait fallu agir plus tôt. Ils n’ont pas su être stricts dès le début de la pandémie et n’ont pris de réelles décisions qu’une fois le virus implanté sur l’île.” Lors de l’arrivée du virus en Italie, la Sardaigne a continué d’accueillir les continentaux sur l’île au lieu de limiter le flux de voyageurs. Plus inquiétant encore, ces Italiens étaient en majorité en provenance des zones septentrionales de l’Italie où la pandémie s’est développée encore plus que sur d’autres territoires. Ne prévenant pas les autorités, ces “touristes” n’ont adopté aucun comportement adapté à la situation, se promenant non loin de leur résidence secondaire. Cette attitude irresponsable est toujours d’actualité, ce que Karim déplore : “Tout le monde ne respecte pas la quarantaine.”

L’arrivée de Lombards, venant de l’épicentre de la pandémie en Italie, et d’étrangers, inquiète les autorités locales. Le 13 mars, le quotidien sarde Il Fatto Quotidiano titrait sa une “Coronavirus, l’exode dangereux (et occulte) du continent vers la Sardaigne“. En effet, l’attitude dont les nouveaux arrivants font preuve contribue à la propagation de la maladie. L’inquiétude grandit dans les centres sanitaires. L’île n’est en capacité de gérer que ses résidents à l’année. Une telle affluence met donc en péril une gestion efficace de la pandémie et précarise encore plus le personnel médical.

Des mesures, mais peu efficaces

Des mesures ont néanmoins été prises. Le président de la région Sardaigne Christian Solinas a mobilisé la guardia forestale pour assister les forces de l’ordre dans le maintien de l’ordre public. Des contrôles sont menés sur l’île régulièrement. Et depuis le 17 mars, plus personne ne peut entrer en Sardaigne ou en sortir, les liaisons maritimes et aériennes ayant été suspendues, tout comme en Sicile. La colère est tout de même présente chez les habitants qui demandent à ce que les continentaux soient renvoyés chez eux avant qu’ils ne propagent la maladie.

Comme les 60 millions de confinés italiens, Karim a adopté un nouveau rythme de vie. Afin de valider son année, il dispose de cours en ligne mis en place par son université. Mais la qualité ainsi que le temps d’apprentissage sont drastiquement réduits. Selon lui, l’encadrement mis en place est inefficace : “on se débrouille énormément par nous-mêmes.” Passant d’un emploi du temps rempli, il se retrouve désormais avec énormément de temps libre, démuni d’un bon apprentissage. “J’ai des sujets très difficiles et techniques qui ont besoin d’être démontrés, mais seul c’est très compliqué.”

Certes, des visioconférences et un dialogue avec les professeurs ont été mis en place mais “ce n’est pas assez”, confie-t-il. Sa préoccupation principale réside dans la validation de son année : “Les étudiants en ingénierie sont habituellement évalués sur des examens écrits de calculs, mais l’Université a décidé de nous évaluer à l’oral.” Cet examen va être un challenge. “Comment faire des calculs à l’oral ? Comment l’Université compte-t-elle structurer l’examen pour 340 élèves ? On est perdus.”

Un espoir en demi-teinte

Le samedi 28 mars, Karim attendait avec tension que les chiffres du nombre de victimes recensés par la protection civile tombent. A 18 heures, la télévision annonce que l’Italie dépasse le seuil des 10.000 morts, alors que le gouvernement avait affirmé que le nombre de contaminés se stabilisait. Une illusion vite balayée par ce sinistre constat, remettant en cause l’espoir de l’étudiant. “Cette situation m’effraye un peu plus chaque jour, surtout en sachant qu’on est en quarantaine depuis plus de 20 jours et que la contagion ne cesse de s’accélérer.”

Karim tente tout de même de relativiser. “La quarantaine commence à devenir très longue, mais je préfère ça plutôt qu’être malade.” De plus, la situation géographique particulière de la Sardaigne l’amène à imaginer plusieurs scénarios. Celui qu’il espère est que la fermeture des liaisons puisse limiter la propagation du virus. “On a les mêmes mesures qu’en Italie, et le virus est arrivé plus tard, donc je pense qu’on est mieux préparés que le continent.” Dans ces conditions, il espère que la crise se stabilisera dans sa région. Mais cet isolement a un double tranchant. Si comme l’annoncent les prévisions le nombre de contaminés augmente, les hôpitaux vont très vite être débordés et la contagion s’accélérera.

Néanmoins, les mesures de confinement commencent à produire des résultats encourageants après trois semaines terribles pour le pays. Dans les hôpitaux, on enregistre une réduction des arrivées de patients. Entre doute et espoir, l’étudiant essaie de se rassurer comme il le peut. “Ils finiront bien par trouver un vaccin, je ne vois que ça comme solution. Pour l’instant soulageons la tâche des hôpitaux : restons chez nous.”

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