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Covid-19, des étudiants du monde témoignent #3 : un train de retard en Biélorussie

Covid-19, des étudiants du monde témoignent #3 : un train de retard en Biélorussie

Située aux portes de l’Union européenne, l’ex-république soviétique compte à ce jour 94 cas positifs au Covid-19 sur 24.000 tests effectués. Malgré ce bilan dressé par les autorités biélorusses, l’épidémie semble bien loin des préoccupations. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décrété l’état “d’urgence sanitaire mondiale” depuis le 20 janvier, et que la France a fait de même deux mois plus tard, la Biélorussie serait-elle l’invincible et l’irréductible village d’Europe ?

Depuis le 26 mars 2020, les ressortissants français doivent s’isoler quatorze jours à leur arrivée dans le pays. Pourtant, le président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, l’affirme : “Il n’y a pas de virus ici”. Après avoir pris part à un match amical de hockey, il ajoute dans une interview traduite par The Guardian : “En avez-vous vu flotter dans les airs ? C’est un congélateur ici. Les sports, particulièrement ceux qui se jouent sur la glace, c’est le meilleur anti-virus possible.” Côté football, L’Équipe titrait le 28 mars dernier : Coronavirus : la Biélorussie presque comme si de rien n’était”. À ce jour, le Bélarus est le seul pays européen à maintenir ses championnats. Illustration du déni dont a fait preuve Loukachenko jusqu’alors, les Biélorusses ont pu recevoir un petit conseil venant de leur président : boire de la vodka pour éviter la panique.

Artem (Артём), jeune Biélorusse de dix-sept ans, a accepté de témoigner pour le Pépère News. Ses réponses ont été traduites de l’anglais.

Déni, sous-information ou contrôle de la situation ?

Pourquoi penser qu’une population toute entière nierait l’existence d’une épidémie mondiale et de ses conséquences ? La Biélorussie, au vu du bilan annoncé par les autorités, aurait-elle raison de ne pas s’inquiéter ? Lors d’une rencontre avec l’ambassadeur de Chine, A. Loukachenko aurait assuré que son pays “contrôle très sérieusement” la situation. De par son histoire et sa tradition, serait-elle aveuglée ou fortement influencée par les dires de son chef d’Etat ? Ou ne serait-elle pas assez ou bien informée ? En 2019, Reporters Sans Frontières publiait un nouveau classement mondial sur la liberté de la presse. Sur un total de 180 pays, le Bélarus n’atteint que la 153ème place.

Reportage réalisé par Le Parisien et l’AFP.

Pour Artem, nul besoin d’avoir peur de ce virus dont “beaucoup de gens s’inquiètent et ont peur”, mais qui “est dangereux pour les personnes âgées.” Selon lui, “plus de personnes meurent d’autres maladies et les gens n’ont pas peur du cancer, des problèmes de cœur, etc.” L’épidémie, qualifiée de “psychose” par le président du pays, serait due aux “médias de masse [qui] montrent ce virus comme un problème très dangereux”, assure le jeune homme.

Changement de ton : pas trop grave, pas trop aiguë

“Je ne connais personne qui s’est confiné”, avoue Artem. “Beaucoup de gens continuent de sortir dans le centre-ville [de Minsk, capitale biélorusse; ndlr] et de visiter les lieux publics.” Une vie bercée d’insouciance ?

Depuis plusieurs jours pourtant, les choses commencent à évoluer. Les journaux, radios et télévisions nationales – majoritairement publiques – commencent à parler de l’épidémie. “Quelques personnes portent des masques et essaient d’éviter les contacts”, explique l’adolescent. “Beaucoup travaillent chez eux car les entreprises tentent de protéger leurs employés.” Aujourd’hui, dans la capitale, les séniors sont désormais invités à rester chez eux et les élèves sont autorisés à ne pas venir à l’école. Mais y a-t-il réellement eu un changement de ton de la part du Président qui encourageait les Biélorusses, il y a quelques jours encore, à continuer de travailler dans les champs ? “Pour être honnête, la vie n’a pas tant changé que cela”, nous confie l’adolescent.

En Biélorussie, le tracteur est un symbole. Le pays détient l’un des plus grands producteurs de machines agricoles du monde.

Responsables politiques, seuls en mesure de trouver une solution ?

Alors que la situation tend à s’améliorer en Chine mais qu’elle empire en Europe, nouveau foyer de l’épidémie, que pense le Bélarus de ses voisins de l’Ouest ?

“Je ne peux pas te dire s’ils font quelque chose de bien ou s’ils se trompent“, poursuit Artem en désignant les pays qui ont pris des mesures drastiques afin de ralentir l’épidémie. “Je pense que c’est une bonne idée d’isoler les citoyens dans les villes où il y a beaucoup de personnes malades (spécifiquement où se trouvent beaucoup de personnes âgées)”.

Pour lutter contre l’épidémie, seule la répression semble être la solution. Pas de petits gestes, pas de petites mesures. Le Gouvernement devrait dire et montrer aux gens ce qui se passerait s’ils ne se confinent pas. Si des gens pensent qu’il est fun de sortir dans la ville, là où il y a des milliers de personnes infectées, le Gouvernement devrait les arrêter. Je ne sais pas ce qu’ils [les autorités, ndlr.] pourraient faire d’autre”, ajoute Artem.

Cette croyance en un Etat tout puissant guidé par un culte de la personnalité, en une idéologie communiste ancrée, fait garder la Biélorussie en confiance face à l’épidémie. Artem espère, lui, que le coronavirus ne se répandra pas dans son pays. “Je veux croire que tout est sous contrôle.” Avec un brin d’ironie, il ajoute : “Mais si le coronavirus devenait un véritable problème au Bélarus, je sauverai ma peau. Mais je n’en ai pas peur. J’ai peur des gens qui ne comprennent pas le vrai problème de ce virus. Peut-être qu’il est temps pour les gens d’être eux-mêmes, sans partis politiques, etc. ? Si tu as peur de l’épidémie, alors tu peux rester chez toi. Mais sinon, tu devrais prendre soin de toi et suivre les conseils des médecins.”

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