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Covid-19, des étudiants du monde témoignent #9 : La terre promise tiendra-t-elle ses promesses ?

Covid-19, des étudiants du monde témoignent #9 : La terre promise tiendra-t-elle ses promesses ?

La drapeau d'Israël flotte dans les airs (covid-19)

Alors que “l’accord du siècle” sur le conflit israélo-palestinien par le président américain Donald Trump est en cours de réflexion, le coronavirus s’est désormais frayé une place dans l’État hébreu. 

Dans l’État d’Israël, on dénombre le 13 avril 11 235 Israéliens testés positifs et 110 morts du Covid-19. Et malheureusement, la quantité de contaminés ne va qu’en augmentant sur la “terre promise”. Benjamin Netanyahou, le Premier ministre qui entame sa douzième année au pouvoir, a lui-même été placé en quarantaine après avoir été en contact avec le ministre de la Santé testé positif.

« Les israéliens confrontés à leur plus grand défi depuis l’Holocauste »

Titrait le Haaretz – l’un des quatre plus grands quotidiens nationaux d’Israël, en début de semaine dernière.

Ethan, un jeune Israélien, nous a éclairés sur la situation de son pays. “En Israël, l’État a réagi super vite par rapport au Covid-19. Dès début mars, tous ceux qui revenaient d’un pays étranger ont dû rentrer en confinement chez eux durant 14 jours. Peu après, les premières restrictions ont commencé. Interdiction de plus de 100 personnes dans un même espace, puis 20, puis 10. Donc peu à peu les universités ont fermé, les cafés, cinéma, etc.. Par contre il n’y avait pas encore de confinement général.” Le gouvernement israélien a appelé les citoyens à porter des masques en public pour mieux se protéger et protéger les autres du virus. Onze avions remplis de matériel médical, notamment des respirateurs, sont aussi en cours d’acheminement depuis la Chine.

Ça fait maintenant 17 jours que le confinement a été imposé. Sauf pour ceux qui doivent absolument continuer de travailler. Plusieurs interdictions comme se balader à plus de 100 mètres de chez soi, faire du sport en extérieur, être dehors dans un autre but que faire ses courses, ont été énoncées” précise Ethan. Des barrages routiers à Jérusalem – ville la plus touchée par le virus – et des points de contrôle ont été mis en place. Certains villages ont même été fermés et déclarés zones dangereuses. Du mardi 7 au vendredi 10 avril et le soir de Pessa’h (équivalent de Pâques), la liberté de mouvement, pour quelque raison que ce soit, était interdite en Israël, a annoncé Netanyahou. Alors les Israéliens, comme certains le font déjà, ont prié depuis leur balcon.

Une réaction anticipée avec sévérité

Ethan salue la réaction rapide des universités. “Des cours en direct avec Zoom, ont été mis en place très rapidement ce qui a permis de maintenir les cours et donc de ne pas rater ce semestre.” Comme le commun de l’Europe, Israël tente d’anticiper, malgré les incertitudes, avec une quelconque sévérité. “Vu que personne ne sait jusqu’à quand on sera dans cette situation, l’université nous a informés que si la situation reste la même, les examens se feront en ligne avec un système spécial pour empêcher les fraudes.” 

De son côté la police israélienne a quémandé un logiciel permettant d’identifier les rassemblements de plus de 50 personnes en “temps quasi-réel”. Par ailleurs, les services de sécurité intérieure israéliens devraient se servir des données mobiles des patients atteints du Covid-19 pour retracer leur parcours et identifier les personnes avec lesquelles ils ont été en contact.

En temps normal, Ethan effectuait son service militaire obligatoire. Il en arrive bientôt au bout, ce qui lui permet de faire une “sorte de prépa pour les concours de l’Université” et d’être chez lui. Le service militaire, obligatoire en Israël, dure deux ans et huit mois pour les hommes. Avec le virus, la situation des jeunes en service militaire est quelque peu bouleversée. Ethan nous explique les deux cas de figure. “Ceux qui sont dans des bases fermées, c’est-à-dire qui rentrent chez eux toutes les deux semaines comme les combattants, sont obligés de rester dans leur base pour encore un mois, sans pouvoir sortir. Et pour ceux qui sont dans des bases ouvertes, c’est-à-dire qui rentrent chez eux tous les soirs – ceux qui s’occupent de la logistique, qui sont dans le domaine de l’informatique, etc. – il y a un système de roulement entre les soldats. Ils viennent chacun leur tour et sont formellement interdits de se rencontrer.

Les orthodoxes religieux victimes de leur désobéissance

La mentalité des gens est assez partagée. Certains ont peur, d’autres sont rassurés au vu des chiffres“. Et d’autres comme certains ultra-orthodoxes ou Haredim n’ont pas pris le confinement au sérieux. Ce qui a provoqué depuis jeudi 2 avril le confinement total de la ville de Bnei Brak” [à l’est de Tel Aviv, à environ 5-10 km].

Si au début de l’épidémie, les juifs ultra-orthodoxes rigolaient au nez du Covid-19, ils font aujourd’hui figure basse. Cette communauté, qui représente 12% de la population du pays, vit principalement à Jérusalem, Beth Shemesh et Bnei Brak. Les Haredim, originellement anti-sionistes « ne craignent que dieu » (Haredim signifiant “craignant Dieu” en hébreu). Ainsi, les maladies, loin d’égaler Dieu, ne semblent pas les tracasser plus que ça. Certains fidèles écoutent davantage le rabbin référent de leur communauté que les ordres du gouvernement. Alors mal s’en fait, les orthodoxes ont mis du temps à percevoir sérieusement le Covid-19 comme un possible danger. Pour ne pas arranger les choses, les ultra-orthodoxes ont l’interdiction de posséder une télévision. Difficile alors de se tenir au courant des avancées et des mesures prises. “Plus personne ne peut rentrer ni sortir là-bas [à Bnei Brak]. C’est gardé par la police et l’armée” précise Ethan.

Dimanche dernier, France Inter rappelait qu'”une personne hospitalisée pour coronavirus sur deux est issue de la communauté ultra-orthodoxe en Israël”.

Pas d’œufs pour Pessa’h

Les œufs, denrée originellement grandement consommée en Israël et particulièrement prisée à l’approche des fêtes de Pessa’h, viennent à manquer dans les supermarchés. La ruée inattendue des consommateurs dépassent les producteurs qui n’arrivent pas à suivre. Alors les prix augmentent, les œufs se font de plus en plus rares et des marchés noirs s’organisent.

De plus, des centaines de milliers d’Israéliens passant habituellement la Pâque juive à l’étranger ont été contraints de rester chez eux cette année. Ils ont ainsi entraîné une demande encore plus forte pour les produits de base. Désormais, la Terre Sainte n’est plus ce “pays où coulent le lait et le miel”.

Selon le Times of Israël, des parachutistes de Tsahal devaient distribuer près de 1 000 tonnes de nourriture et des produits d’hygiène aux habitants de Bnei Brak dans le besoin avant le soir de Pessa’h. Aussi, Netanyahou a promis une subvention “spéciale Pessa’h” aux familles, en attente d’approbation au Parlement.

La question de Gaza

Pour l’instant ça fait plusieurs mois qu’il ne se passe rien” quant au conflit israélo-palestinien raconte Ethan. “Le coronavirus n’a rien changé par rapport au conflit. À Gaza il y a eu je crois deux cas de coronavirus et c’est tout.” Des agences spécialisées de l’ONU et plusieurs organisations humanitaires ont multiplié les mises en garde sur la situation dans la bande de Gaza. “La propagation du Covid-19 dans la bande de Gaza sera un désastre massif, fruit des conditions exceptionnelles créées par plus d’une décennie de blocus”, avertit B’Tselem, l’organisation israélienne des droits humains dans les Territoires occupés.

L’armée israélienne elle-même considère la situation comme très critique. “En ce qui est question de la Cisjordanie, Israël donne toutes les ressources possibles aux hôpitaux palestiniens. Certains patients palestiniens sont également pris dans des hôpitaux israéliens” développe Ethan. L’Israël a ainsi facilité l’importation par le gouvernement de Ramallah de 10 000 kits de détection. Naftali Bennett, chef de file de l’extrême droite israélienne, a suggéré l’échange du transfert de l’aide étrangère contre la remise par le Hamas des dépouilles de deux soldats israéliens tués dans l’intifada de 2014. De son côté, l’Autorité palestinienne a décrété l’état d’urgence le 5 mars, pour une durée de trente jours.

Dans un de ses rapports, Amnesty International constate que les frappes israéliennes de 2014 avaient détruit 17 hôpitaux et dispensaires dans la bande de Gaza. La question de la levée du siège de Gaza, en vue des conséquences qu’il peut avoir sur l’avenir des palestiniens, est donc au cœur de la gestion de crise de coronavirus pour Israël. Une occasion de paix à saisir, ou une entaille plus profonde à creuser dans le conflit de longue date ?

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