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Covid-19, les étudiants du monde témoignent #17 : La Suède sur une autre planète ?

Covid-19, les étudiants du monde témoignent #17 : La Suède sur une autre planète ?

Photo de la Suède

Alors que la moitié de la population mondiale est confinée, la Suède fait bande à part. Le pays n’a pas mis de confinement généralisé en place et mise sur la responsabilité individuelle de ses habitants. À l’heure où le pays de 10 millions d’habitants recense 2 669 morts, faisant de lui le 16ème pays le plus touché, l’absence de confinement strict rime-t-elle avec inconscience ou efficience ?

Prendre un verre en terrasse, jouer aux cartes dans un parc, faire du shopping… Autant de scènes burlesques qui se déroulent bel et bien dans le pays scandinave en ce contexte mondial de pandémie. Les rues de Stockholm sont loin d’être désertes, les terrasses sont remplies et les écoles sont ouvertes. Pour seules mesures, la fermeture des lycées et universités et l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes. Les autorités estiment que cette stratégie est le meilleur moyen d’éliminer le virus pour que la population développe une immunité collective. Autrement dit, une fois que 70% de la population aura contracté la maladie et développé des anticorps, le virus disparaîtra de lui-même. C’est aussi la stratégie qu’ont adopté les Pays-Bas ou encore la Biélorussie.

Elias, en service militaire pour quelques mois, est originaire de Lulea, une petite ville suédoise. Il nous parle de la situation et des précautions prises par les Suédois malgré l’absence de règles strictes.

La Suède opte pour un non-confinement officiel mais pas officieux

Le gouvernement adopte une stratégie différente de la plupart des pays pour faire face à la pandémie de Covid-19. L’absence de confinement strict peut inquiéter la communauté scientifique ainsi que les habitants, mais la liberté n’est pas totale pour autant. “Le gouvernement nous donne beaucoup d’informations concernant le virus et appelle les gens à appliquer la distanciation sociale et à s’isoler.” La stratégie de l’exécutif suédois repose sur la responsabilité individuelle et l’écoute de l’avis des experts.

“Il n’y a pas beaucoup de choses qui sont interdites”, mais il existe certaines règles. Les personnes malades et les personnes âgées sont priées de rester chez elles. Les voyages sont déconseillés mais pas interdits. De même, “les écoles doivent suivre quelques règles”, la distanciation sociale doit être respectée et les mains régulièrement lavées. Le gouvernement agit mais sans jamais imposer. Il utilise es adjectifs “encouragés”, “invités”, “déconseillés”, sans prendre aucune mesure coercitive. Seul le sens civique des citoyens importe.

En appelant à la responsabilité de chacun, de nombreuses choses ont changé. “Beaucoup d’entreprises ont coopéré avec la stratégie gouvernementale en permettant à leurs employés de pratiquer le télétravail.” De plus, passer du temps à l’extérieur n’est pas illégal “mais il y a quand même des règles quant au nombre de personnes qui peuvent être en même temps dans les restaurants et magasins, et la police a fermé certains commerces qui accueillaient trop de gens”. L’école militaire d’Elias a, quant à elle, décidé de confiner ses étudiants. Il y travaille et étudie depuis sept semaines. “Les études ont continué normalement mais nous n’avons pas été autorisés à rentrer chez nous ou à quitter la base.”

Une stratégie qui fait débat

Anders Tegnell, chef épidémiologiste à l’Agence de santé publique, assume la politique du Royaume. Celui que les suédois appellent “M. Corona” estime que la stratégie du non-confinement est durable, elle pourrait être appliquée des mois durant. “Tout pays qui croit pouvoir se prémunir en fermant les frontières, les commerces, etc., se sera probablement trompé à un moment. Nous devons apprendre à vivre avec cette maladie” a-t-il affirmé. Il est devenu une véritable personnalité publique. Anders Tegnell est critiqué par une partie de ses collègues scientifiques, mais plusieurs études révèlent que près de 3 Suédois sur 4 le soutiennent. La plupart sont rassurés de voir un scientifique aux commandes mais surtout de se reconnaître dans son pragmatisme décontracté. 

Elias reste mitigé concernant la stratégie du non-confinement. “D’un côté, c’est bien, car la vie peut continuer de manière plus ou moins normale même si la plupart des activités sont affectées. Mais j’entends aussi que cette stratégie va faire que la situation ne s’améliorera pas avant au moins un an ou même plusieurs années.” De nombreux débats animent les médias du monde entier à propos de la meilleure stratégie à adopter. Mais Elias reste confiant : “De ce que j’ai pu lire d’avis d’experts, beaucoup pensent que la stratégie suédoise est bonne, et je leur fais confiance car je sais que les politiques font de leur mieux.”

Le bilan suédois est moins catastrophique qu’en France, mais il reste plus élevé que celui de ses voisins norvégiens et finlandais qui, eux, sont confinés. “Tout ce que l’on peut lire ou voir dans les médias traite du coronavirus, et beaucoup de personnes pensent que le gouvernement en fait assez tandis que beaucoup d’autres pensent le contraire.” Cette stratégie d’immunité collective est fortement critiquée par l’Organisation mondiale de la santé qui la qualifie “d’expérimentale” et de “dangereuse”

Une atmosphère anxieuse qui pousse au civisme populaire

“Je suis plutôt effrayé. Cette crise montre à quel point nous ne sommes pas préparés à affronter une pandémie de cette ampleur, et cela va laisser des marques sur notre société durant des années.” Beaucoup des amis d’Elias ont été virés de leur travail et peinent à trouver un nouveau job. Il est aussi très inquiet pour ses grands-parents. “Je pense que beaucoup de personnes de mon âge se sentent comme moi. Ils ont peur des conséquences que la pandémie peut avoir plutôt que de la maladie en elle-même, en tout cas pas pour eux-mêmes.”

Le train de vie quotidien d’Elias n’est pas tant bouleversé : “Avec l’école militaire, nous étions plus ou moins confinés puisque c’est un internat. On fait les mêmes choses sauf que, maintenant, c’est 7 jours sur 7”. Néanmoins, il sait que les vies de ses proches ont drastiquement changé. Sa famille se confine et limite ses déplacements. “Mes parents ne vont plus visiter mes grands-parents.” Le lycée de son petit frère est fermé, il suit alors ses cours à distance et sort parfois pour voir ses amis. “Ma mère doit travailler beaucoup plus qu’avant à l’hôpital. Ses journées sont longues, elle travaille six jours sur sept comme tout le personnel hospitalier.”

“Les restrictions ont vraiment bien marché au début.” Elias explique que la population a longtemps été prudente. La plupart des salons de coiffure, des salles de sport ou des restaurants tourne au ralenti. Mais avec l’arrivée du beau temps, les terrasses se remplissent, un spectacle qui fait froid dans le dos. “Les gens commencent à s’ennuyer chez eux et commencent à ne plus respecter les restrictions”. Elias s’inquiète de la situation, et la police ne peut y remédier puisque rien n’est illégal. Des restaurants se sont néanmoins vus fermer en raison d’une affluence trop importante.

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