Dans le Nord, un revenu universel pour la société post Covid-19 ?
Dans le contexte de crise sanitaire lié au coronavirus, des membres de Génération.s ont rédigé une tribune qui demande la mise en place d’un revenu universel dans le Nord. Ils écrivent : “Il nous faut repenser aujourd’hui un nouveau modèle de société durable, juste et solidaire.” 19 présidents de Conseils départementaux avaient eux aussi rédigé une tribune le 11 avril, se disant favorables à l’expérimentation du revenu de base – autre nom du revenu universel – sur leur territoire.
Le revenu universel, qu’est-ce que c’est ?
Contacté par le Pépère News, Laurent Perin, co-coordinateur du comité Génération.s à Lille, définit le revenu universel comme une somme “autour de 1.000 €, inconditionnelle et individuelle, qui ne dépend pas de la nature des autres revenus, pour tous les citoyens”.
La question de son financement n’est pas encore tout à fait résolue, mais le mouvement propose quelques pistes : “Nous avons plusieurs marges de manœuvre fiscales qui ne sont pas explorées à fond aujourd’hui, comme l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur la fortune. Et on ne part pas de rien : des dispositifs existent aujourd’hui, comme le RSA, qui seraient intégrés au revenu universel.“ Un projet encore à construire donc. Mais L. Perin souligne l’urgence de la situation : “Un certain nombre de citoyens est en grande difficulté. Le revenu universel semble être une réponse à la hauteur d’une situation comme celle que nous sommes en train de traverser.“
Des expérimentations encore rares
Quelques pays ont déjà expérimenté le revenu universel, “mais jamais avec un dispositif de grande ampleur ou à long terme” regrette Laurent Perin. En France, Benoît Hamon en avait fait le thème central de sa campagne présidentielle en 2017, et une consultation citoyenne avait été lancée en 2019, mais aucune expérimentation concrète n’a encore été menée sur le territoire. Néanmoins, une ville se démarque dans le Nord : à Grande-Synthe, l’ancien maire écologiste Damien Carême a fait voter le Minimum Social Garanti (MSG), mis en place depuis 2019. “Ce n’est pas un revenu, mais une allocation en plus”, précise Karim Laidouni, collaborateur de cabinet de la ville contacté par le Pépère News. Cette aide permet aux personnes vivant sous le seuil de pauvreté – 855 € par mois pour une personne seule – de compléter leurs revenus et de bénéficier d’un accompagnement individuel. “Le MSG est financé par le budget de fonctionnement de la ville” explique K. Laidouni, notamment grâce à des économies réalisées sur la rénovation de l’éclairage public.
Mis en place depuis plus d’un an déjà, le MSG a permis “à beaucoup de personnes qui n’avaient pas ouvert certains droits de les faire valoir” alors qu’ils effectuaient les démarches pour être éligibles à la nouvelle aide, se réjouit K. Laidouni. Aujourd’hui, environ 600 personnes bénéficient du Minimum Social Garanti dans la ville. Ce projet est-il un pas vers un revenu universel à Grande-Synthe ? Le maire actuel, Martial Beyaert, confie au Pépère News être “très favorable au revenu universel”. Pour lui, qui était un soutien important de Benoît Hamon en 2017, le revenu universel “verra le jour”, car il s’inscrit parfaitement dans la réflexion de “la nouvelle société de demain”.
Qu’en dit le département ?
Laurent Perin se dit déçu de la réponse de Jean-René Lecerf, président du Conseil départemental du Nord à qui était adressée la tribune de Génération.s. “Nous n’avons pas eu de réponse directe” mais seulement droit à une réponse via un article, dans lequel J.-R. Lecerf déclare ne pas adhérer au projet qui, selon lui, amènera “un certain nombre de personnes parfaitement aptes à travailler à recourir au système D, revenu universel et travail au noir.” Génération.s réagit à ces propos dans une nouvelle tribune : “Cette réponse illustre – malheureusement – une vision de la pauvreté faussée et pleine de préjugés.” Laurent Perin ajoute : “Nous sommes convaincus que la majorité de la population est responsable et respectueuse des lois. Le revenu universel est une réponse humaniste à la situation actuelle.”
Ce rejet du revenu universel en tant que tel semble être national. Le gouvernement d’Emmanuel Macron a étudié la question en 2019, et a créé le Revenu Universel d’Activité (RUA). Mais attention, le nom est trompeur : le RUA est très différent du projet présenté par Benoît Hamon en 2017. Adressé aux personnes ayant des revenus “en dessous d’un certain seuil”, il fusionne des prestations sociales déjà existantes et exige en contrepartie des “devoirs supplémentaires” comme la recherche d’une activité. Cela soulève beaucoup de questions pour l’association ATD Quart Monde, qui craint qu’une fusion des aides entraîne une diminution de ces dernières, ou encore une rupture des droits.
Le “Revenu Universel” imaginé par Benoît Hamon et Génération.s ne semble donc pas être pour tout de suite. En tout cas, le projet fait à nouveau parler de lui, trois ans après avoir fait du bruit sur la scène politique française. La société post-Covid-19 acceptera-t-elle enfin d’expérimenter un tel revenu ?