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Avec Sign’Ilis, des étudiantes lilloises sensibilisent à la langue des signes

Avec Sign’Ilis, des étudiantes lilloises sensibilisent à la langue des signes

Sign’Ilis, c’est le nom du projet lancé en septembre 2020 par huit étudiantes en première année de licence sciences sanitaires et sociales option santé à la Faculté lilloise d’Ingénierie et de Management de la Santé (ILIS). Ce projet philanthropique qui doit se réaliser sur une année dans le cadre de leurs études, vise à sensibiliser à l’utilisation de la Langue des Signes Française (LSF) en milieu scolaire et professionnel. 

Avec le port du masque entraîné par la crise sanitaire, les personnes sourdes et malentendantes se trouvent démunies. Elles ne peuvent plus s’appuyer sur la lecture sur les lèvres ou s’aider des expressions du visage, désormais caché par ce bout de tissu. Les repères visuels habituels disparaissent, compliquant le quotidien de ces personnes pour qui les moments où la communication est coupée se multiplient. Sensibiliser à la langue des signes est alors plus que jamais d’actualité. C’est le projet porté par ces huit étudiantes, dont Elise et Marine.

Un mot d’ordre : la sensibilisation

Les étudiantes ne sont pas signantes. Elles apprennent les bases de la LSF à titre personnel sur les réseaux sociaux. “On apprend les bases de la politesse, les métiers de la santé, les chiffres pour les seuils de douleur”, indique Marine. Le collectif s’entoure alors de professionnels pour mener à bien leurs actions.

C’est en intervenant en milieu scolaire que les étudiantes ont débuté leur projet, d’abord à l’IFSI de Valentine Labbé à la Madeleine le 31 mars dernier. 90 étudiants étaient répartis en quatre ateliers : apprentissage, sensibilisation, mise en situation et témoignages. Les étudiantes ont tenté d’apprendre les rudiments de la langue des signes à leur public, tout en le sensibilisant.

Sign’Ilis s’est entouré de couturières bénévoles pour confectionner des bandeaux cheveux destinés aux personnes implantées. © Sign’Ilis

La crise sanitaire est venue quelque peu compliquer les interventions en lycées et universités du groupe, qui s’est alors rabattu sur un projet tout aussi important. “Sur les réseaux sociaux on a découvert un problème auquel étaient confrontées les personnes sourdes, celui des bandeaux cheveux classiques qui ne vont pas aux personnes implantées.” Un implant cochléaire aide à fournir un niveau d’audition pour les personnes atteintes d’une surdité profonde ou sévère. C’est en tombant sur le réseau social d’une personne implantée ayant été contrainte de fabriquer son propre bandeau artisanal que l’idée est venue à l’esprit de Sign’Ilis. Les étudiantes se sont entourées de couturières bénévoles pour fabriquer une vingtaine de pièces qu’elles vont ensuite remettre à une association. Elise précise que le projet a été suivi par une couturière mexicaine, “elle en a créé une trentaine qui va également partir dans une association au Mexique”.

Une langue encore trop taboue

C’est de ce constat que sont parties les huit étudiantes pour monter leur projet. La LSF est encore trop peu reconnue, “c’est très récent que les discours officiels soient sous-titrés”, déplore Marine. Aussi, avec la multiplication des discours liés à la pandémie et la traduction en LSF qui les accompagnait, les moqueries ont fusé. “Il y a même eu un #NousNeSommesPasUnDivertissement. C’est un sujet de moqueries alors que c’est une langue comme une autre, au même titre que le français, qui permet de communiquer.”

“C’est un sujet de moqueries alors que c’est une langue comme une autre, au même titre que le français, qui permet de communiquer.” – Marine, étudiante à l’origine de Sign’Ilis

L’objectif de Sign’Ilis est aussi de dédramatiser le fait de se retrouver en face d’une personne sourde. A travers les micro-trottoirs que Sign’Ilis réalise pour ses réseaux sociaux, la plupart des retours, avec lesquels les étudiantes partagent le même avis, préconisent un apprentissage de la LSF au plus tôt. “C’est une langue à part entière. C’est comme apprendre l’espagnol ou l’anglais, avec les mêmes difficultés.” Pour les étudiantes, plus la langue des signes est enseignée tôt, plus elle sera normalisée. Le fait d’en faire une matière à part entière permettrait à l’enfant de normaliser la chose. Les étudiantes déplorent le fait que les personnes entendantes se retrouvent démunies voire affolées devant une personne sourde, “alors que pour elle c’est son quotidien”. Si l’on apprenait la langue des signes dès le plus jeune âge, on pourrait la pratiquer face à une personne sourde, au même titre que l’on pratiquerait l’anglais face à un étranger.

Le but de Sign’Ilis vise à normaliser, dédramatiser et faire en sorte que les gens se renseignent sur la langue des signes, trop peu pratiquée. Les micro-trottoirs servent à mesurer l’état de connaissance de la population entendante. Les étudiantes constatent la persistance de nombreux préjugés. “On essaie de briser les codes en tant qu’entendantes en montrant qu’on peut s’intéresser à la LSF même si ce n’est pas forcément un besoin”, explique Marine.

Un projet enrichissant

“Certes c’est un projet étudiant et on ne cherche pas à révolutionner tout ce qui a déjà été fait pour la LSF, mais on peut agir à notre échelle et faire en sorte que le projet ait un sens”, indique Elise. Au-delà de sensibiliser les personnes entendantes et d’aider les personnes sourdes avec les bandeaux, ce sont aussi elles-mêmes qui ressortent enrichies par leur projet. En s’entourant de professionnels, les huit étudiantes ont appris “les bases de la langue, ce qu’il fallait dire et ce qu’il fallait faire attention à ne pas dire”.

La sensibilisation sur les réseaux sociaux a plutôt bien fonctionné puisque leur compte Instagram a atteint les 600 abonnés. Sign’Ilis est présent sur Facebook et Instragram, “on lance des challenges qui ont permis aux gens d’interagir par exemple en écrivant son prénom grâce à l’alphabet qu’on avait mis à disposition sur nos réseaux ; dire un mot en LSF en se filmant…beaucoup de monde a participé et une récompense était en jeu”, se réjouit Marine.

Les huit étudiantes ont également beaucoup de retours, de personnes entendantes qui les encouragent à continuer et de personnes sourdes qui les remercient et les félicitent. Le projet se termine début mai sur une bonne note puisque “ça plaît, les gens s’abonnent et nous remercient”.

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