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Deuxième confinement, les cours à distance reprennent à l’université

Deuxième confinement, les cours à distance reprennent à l’université

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Après quelques semaines d’effectifs réduits, le deuxième confinement a plongé les universités dans les cours à distance obligatoires. Face à leur ordinateur, professeurs comme élèves se plient aux nouvelles mesures. Examens de mi-semestre, cours magistraux et travaux dirigés, rien n’échappe à la règle. Entre nouvelles organisations et manque de motivation, comment les facultés et leurs étudiants ont appris du premier confinement ? 

La crise sanitaire pousse plus de 120.000 étudiants lillois à suivre leurs cours à distance. Un confinement redouté par les administrations qui font face à la baisse de motivation de leurs élèves. Cet été déjà, 84% des jeunes ont déclaré être en situation de décrochage, selon le président de la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE). À l’automne, si certains se font au distanciel, d’autres ne peuvent ni compter sur leurs camarades, ni sur leurs enseignants.

Une organisation facilitée par le premier confinement

L’Institut d’Etudes Politiques de Lille a déjà su s’organiser en mars dernier et à la rentrée, avec les amphithéâtres à distance. Si ce n’est pas préférable, les étudiants prennent les cours tranquille, depuis leur canapé. Tout est disponible via l’application Zoom d’après Rémi, étudiant en master à l’IEP. Pas de retard, ni de difficultés particulières, “les professeurs sont plutôt bien préparés. Le premier confinement a permis de s’organiser.” En ce qui concerne les élèves absents, qu’ils n’aient pas le matériel informatique nécessaire ou autres problématiques, “les professeurs envoient également les documents et les notes de cours par mail”.

Même l’Ecole Supérieure de Journalisme se démène face aux contraintes exigées à leurs reporters en herbe, suite à une fin d’année compliquée par le premier confinement. Le travail à fournir permet de s’occuper pleinement, et les étudiants s’aident. Une attestation de l’école servira aussi à s’entraîner à la radio et à la télévision dans les locaux de l’école. De quoi profiter sans se mettre en danger sur le terrain, qu’ils regrettent malgré tout.

“Les professeurs sont plutôt bien préparés. Le premier confinement a permis de s’organiser.” – Rémi, étudiant à l’IEP de Lille.

Nicolas Preud’homme, enseignant en histoire ancienne à l’Université de Lille, s’organise même sans Zoom. Il n’apprécie guère les cours en visioconférence qu’il ne propose pas, en partie à cause d’une médiocre connexion à son domicile, mais aussi car “on ne sait pas si les étudiants sont vraiment attentifs. Sur Zoom, les gens n’osent pas participer et sont plus distants”. L’universitaire tient à laisser du temps à ses étudiants pour s’organiser et s’exercer, avançant que “c’est en travaillant soi-même sur le programme qu’on apprend le mieux”, et préfère donc “faire travailler plutôt que de prendre aux étudiants une heure de visionnage sur la journée”.

Comme quelques-uns de ses collègues, il privilégie la mise en ligne sur l’environnement numérique de travail (ENT) des éléments du cours accompagnés de ressources multimédias. Une correction personnalisée des travaux faits à domicile et le contact par courriel au cas où des élèves seraient fragilisés par le manque de lien social sont aussi disponibles. Il n’empêche, pour la concentration comme pour la motivation, “rien ne vaut le présentiel”.

Les limites des outils pédagogiques virtuels

“On sent qu’il y a une réelle organisation derrière. Cependant, et comme toujours, rien n’est parfait.” Si certains établissements soutiennent un rythme quasiment normal, pour Jean*, étudiant en économie à l’Université de Lille, le problème est celui des emplois du temps. “Je n’ai que cinq minutes de pause entre deux cours, voire pas. Toutes mes sessions durent trois heures et les professeurs eux-mêmes s’en plaignent.” Sur des visioconférences Zoom pleines à craquer, les enseignants ne peuvent pas répondre aux questions, ni même les voir sur le chat.

Des jeunes désertent aussi les cours, ou n’y participent pas, ce qui fait craindre un décrochage qui en a menacé en mars dernier. Parfois, des sessions ne peuvent pas accueillir tous les étudiants qui doivent décaler leur visionnage : “Trois heures à rattraper dans une semaine déjà pleine à cause d’un problème internet, ce n’est pas facile.” 

“Je n’ai que cinq minutes de pause entre deux cours, voire pas. Toutes mes sessions durent trois heures et les professeurs eux-mêmes s’en plaignent.” – Jean, étudiant à l’Université de Lille.

Un autre point ne change pas du premier round de confinement : la solitude. Seul dans son appartement lillois, Jean ne peut pas compter sur les autres étudiants de sa promotion. Sans le contact social des cours en présentiel, il devient un écran parmi plus de 200 autres. Pas de quoi trouver une place ou du soutien. “Tout le monde fait sa vie. C’est clairement pesant et ça ne change pas d’avant.” Forte de 72.000 étudiants, l’Université de Lille redoutait ce moment. Malgré les préparatifs en amont cet été, ce “lieu de socialisation“, a du mal à soutenir ses grandes troupes à distance.

Atmosphère pesante, manque de motivation, des points compliqués à gérer

La prise de distance est parfois trop importante. Certains professeurs gèrent moins bien le distanciel. Alors qu’une séance commence sur Zoom, des étudiants n’ont que quelques exercices à rendre via la plateforme de leur faculté, ou aucune nouvelle. Des enseignants, déjà en mal suite aux premières restrictions, n’utilisent pas internet et leurs élèves se retrouvent sans cours.

D’autres ne savent pas s’organiser sur toute l’année. Selon Adélaïde, étudiante à l’Université Catholique de Lille, le confinement ne va rien arranger. Pour un cours particulier, sa classe était censée avoir cours à distance depuis septembre, “à la rentrée on allume tous nos ordinateurs, on attend quinze minutes puis trente, une heure, puis deux… Rien. Le professeur nous dit qu’il mettra les cours sur un Google Drive toutes les semaines. Finalement, nous avons des documents et un audio de lui qui lit les textes”.

“Et là, coup de théâtre : il nous dispute en disant que c’est interdit de lui envoyer des mails et des questions.” – Adélaïde, étudiante à l’Institut Catholique de Lille.

Suite à un devoir peu clair et des notes très basses, les élèves, perdus, souhaitent demander des explications, “et là, coup de théâtre : il nous dispute en disant que c’est interdit de lui envoyer des mails et des questions.” D’après la jeune femme, impossible de compter sur leur enseignant. À un mois des partiels, ils n’ont “qu’une seule séance sur le Drive, aucune explication, aucune chance de lui demander des précisions”. Heureusement, la promotion peut profiter d’un réel soutien entre étudiants.

L’administration déçue de retourner à la case départ

“Dans cet esprit, tout pouvait arriver du jour au lendemain.” Dès la rentrée, les différentes administrations savent qu’une préparation est essentielle. Jean-Baptiste Santamaria, responsable pédagogique de la licence 3 d’histoire à l’Université de Lille, appréhendait car “la situation de mars avait déjà commencé à nous conduire à une adaptation. Tout avait été fait dans une totale improvisation et une absence complète d’information de la part de la présidence de la République et du gouvernement.”

Aux premières annonces de distanciel, l’UFR histoire de Lille 3 se rend à l’évidence, tout se complique. Le confinement balaye les mesures soigneusement prises pour éviter les contaminations et force les cours à distance. Aujourd’hui, M. Santamaria est “absolument certain que des décisions seront encore prises sans aucune préparation, ni cohérence ou respect des délais originellement impartis”.

“L’université s’adaptera au mieux de ses maigres moyens, c’est surtout la démotivation des étudiants qui nous inquiète.” – Jean-Baptiste Santamaria, responsable pédagogique de la L3 d’histoire à l’université de Lille.

S’ils ont anticipé ce type de mesures, ils savaient également “que les autorités, conformément à leurs habitudes, allaient tout décider au dernier moment sans préparer en amont avec les administrations”. Le plus regrettable donc, est le manque de communication avec les facultés, en plus de la difficulté à prendre soin de la santé mentale des jeunes. Le responsable assure que “l’université s’adaptera au mieux de ses maigres moyens, c’est surtout la démotivation des étudiants qui nous inquiète.

Les risques de décrochage augmentent particulièrement en première année de licence. “Avec la crise sanitaire, beaucoup de lycéens ont eu leur baccalauréat alors qu’ils ne devraient pas l’avoir”, confie M. Preud’homme. Leur motivation est plus que jamais à l’épreuve en période de confinement.

 

* Les prénoms ont été modifiés. 

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