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Entretien avec Bernard Magrez, riche homme d’affaire bordelais

Entretien avec Bernard Magrez, riche homme d’affaire bordelais

Homme d’affaire international, mécène, épicurien, figure incontournable de la ville de Bordeaux, Bernard Magrez est un éternel insatisfait. A 83 ans, rien ne l’arrête. Ni l’âge, ni les obstacles, et encore moins la vie. Un businessman dont l’élégance n’a d’égal que la force de caractère. Nous l’avons rencontré.

Pépère News : Pourriez-vous nous résumer votre parcours en quelques mots ?
Bernard Magrez : J’ai quitté l’école à 13 ans, parce que mon père m’a foutu dehors. J’ai atterri dans un CAP spécialisé dans le bois, avant de chercher des petits boulots. À 19 ans, je suis rentré dans une maison de vin très puissante. Étant responsable de la dégression des coûts, deux directeurs généraux sont allés se plaindre de moi au patron, et lui ont dit : « C’est lui, ou c’est nous ! ».

PN : Et c’est vous qui êtes resté ?
BM : (rires) Non bien entendu, c’est moi qui ai été foutu dehors, une fois n’est pas coutume. Mais un banquier m’a aidé, et c’est grâce à lui que j’ai pu reprendre une petite entreprise de vente de spiritueux. En raison notamment de l’essor des supermarchés, mon entreprise s’est considérablement développée. J’ai créé un whisky, le William Peel, mais aussi une Tequila, la San José, entre autres. Un jour, j’ai revendu tous mes spiritueux à un fonds de pension anglais à un très bon prix. Et je me suis mis à faire l’acquisition de grands crus classés à Bordeaux, puis de vignobles dans le monde entier. Mais rien n’a été facile, loin de là.

PN : Vous êtes actuellement 130ème fortune française, selon le magazine Challenges. Intégrer le top 100, ce serait un accomplissement professionnel de plus ?
BM : Je ne cherche pas ça, moi. Et puis normalement, je ne suis plus sur Challenges. Depuis que je me suis fait agresser à mon domicile, j’ai demandé au magazine de me retirer de ce classement. Je n’ai aucun intérêt à montrer que l’entreprise se porte bien, et moi par définition, puisque j’en suis propriétaire à 100%.

PN : Je suppose que, plus jeune, vous n’auriez jamais imaginé faire carrière dans le vin et les spiritueux ?
BM : Effectivement, ça a été un concours de circonstances. Je ne suis pas rentré dans le vin car le produit me plaisait particulièrement. Si ce banquier ne m’avait pas aidé à reprendre cette petite société de vin, je n’en serais pas là. Mais c’est ça la vie.

PN : Et vous rêviez de quoi quand vous étiez enfant ?
BM : J’avais tellement souffert d’être mis dehors de chez moi que je rêvais de devenir le meilleur médecin du monde, le meilleur torero du monde, le meilleur footballeur du monde… Je m’endormais avec ce projet d’être le meilleur. J’avais faim de m’en sortir. Si j’étais resté chez moi, si je n’avais pas souffert, je ne serai pas là aujourd’hui. Mon truc, c’est « Never give up ». Je n’ai jamais renoncé.

PN : Est ce qu’il existe encore un nouveau domaine dans lequel vous aimeriez vous lancer ?
BM : L’hôtellerie internationale ! Pas une chaîne, mais plusieurs hôtels, surtout à l’international. Dans les centre-villes ou en bord de mer. L’avenir aujourd’hui, c’est le monde !
Il y a quelques années, j’avais investi dans le CABBG (NDLR : club de rugby de top 14, désormais dénommé UBB) à hauteur de 40%. Mais les choses se sont mal passées, et j’ai tout revendu.

PN : Et aujourd’hui, comment trouvez-vous encore la force de continuer ?
BM : Vous savez, dans la vie, soit on est passionné, soit on ne l’est pas. Si votre travail vous passionne, vous ne sentez pas la fatigue. Celui qui est fatigué, c’est celui qui va à son boulot en marche arrière. C’est d’ailleurs ça qui tue les entreprises : des collaborateurs qui n’ont pas faim, ou pas de potentiel.

PN : Et vous, vous êtes toujours passionné ?
BM : À fond ! Même à mon âge, je suis à fond. Je suis en train de reprendre des affaires au Brésil, en Italie, en Espagne… Et si une nouvelle affaire se présente, j’y vais sans hésiter !

PN : Dans le secteur professionnel, notamment dans le commerce, quelles sont à votre sens les 3 qualités fondamentales pour réussir ?
BM : Rêver d’amener son entreprise au plus haut niveau, se donner la mission d’être numéro un. S’entourer de bons collaborateurs, ensuite. Et la passion, enfin. Quand vous êtes vraiment passionné, vous y arrivez.

PN : Vous avez accueilli de nombreuses expositions dans l’Institut culturel qui porte votre nom. D’où vous vient ce goût prononcé pour l’art contemporain ?
BM : J’ai commencé à 30 ans dans les bronzes animaliers, avant de passer à l’art classique, puis à l’art contemporain, et aujourd’hui presque exclusivement du street art. C’est indispensable pour « calmer la bête », car je suis très nerveux. Et une fois au travail, j’ai des rendez-vous toute la journée. La nuit, je ne dors pas trop. Je lis beaucoup la presse, et les biographies de gens qui ont réussi.

PN : Et la vôtre, c’est pour quand ?
BM : Je l’ai déjà écrite, mais je n’ose pas la sortir. En France, on n’aime pas les gens qui réussissent. Quand vous avez une entreprise prospère, soit vous avez volé, soit vous avez hérité… C’est 1789, c’est la Révolution Française ! Par contre, ils sont bien contents d’aller à Bergonié, l’hôpital où j’ai fait des dons qui s’élèvent à plus de 3 millions d’euros. Et une autobiographie, ça vous engage, c’est votre vie ! Par conséquent, elle ne sortira jamais.

PN : La politique, ça ne vous a jamais intéressé ?
BM : Non, parce que je ne suis pas du tout diplomate, et que si je me présentais quelque part, j’aurais ma voix et c’est tout ! Je ne pourrais pas dire à des gens : « oh que vous êtes bien, que vous êtes beau », je leur dirai ce que je pense. Et je n’ai aucune envie d’avoir de comptes à rendre à quiconque. Dans mon entreprise, je n’obéis à personne. Depuis que le monde est monde, la politique est un métier où on habille la vérité. Ce n’est pas pour moi.

PN : Vous avez récemment sauvé vos récoltes viticoles grâce à des drones. Justement, quel est votre rapport aux nouvelles technologies ?
BM : Pour gagner dans une entreprise, il n’y a pas de secret. Il faut être fort en innovation, très fort en digital, et fort en robotique. Voilà les trois grands pôles d’avenir. Parce le consommateur aime les innovations, la robotique arrive, elle, à travailler mieux que l’humain, et le digital parce que c’est indispensable.

PN : Vous étiez intervenu à Polytechnique sur le sujet « Comment réussir dans la vie ». Vous pensez avoir réussi la vôtre ?
BM : J’ai encore du chemin à faire. Mais je vais faire comme Abraham : je vais vivre jusqu’à 120 ans, alors vous comprenez… (rires)

PN : Sur les réseaux sociaux, la société Bernard Magrez est plus que présente. C’est important pour vous ?
BM : On n’est pas assez bons. On y travaille intensément, car avoir une visibilité sur ces nouvelles plateformes est fondamentale. Je contrôle régulièrement l’activité de mes comptes, même si ce n’est pas moi qui les alimente. Les réseaux sociaux, ça fait bien longtemps que c’est l’avenir.

PN : Le mot de la fin ?
BM : Foncez, n’abandonnez pas, et surtout : n’ayez pas peur !

Pierre Gagnaire, le chef doublement étoilé de La Grande Maison, et Bernard Magrez, propriétaire du restaurant.
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