Eruptions solaires et tempêtes géomagnétiques : quand les aurores boréales sʼinvitent dans le ciel du plat pays
Des aurores boréales à Lille ? Juste après la Braderie, la ville reste illuminée et témoin dʼun spectacle naturel rare à une latitude si basse. Cet évènement grandiose sʼétait déjà produit quatre mois auparavant pour le bonheur de nos yeux, nous laissant impatients à l’idée dʼen revoir. Quand les lumières du grand nord viennent rendre visite au pays des Chʼtis : explications de ce phénomène exceptionnel et rarissime.
Les compteurs Kp sʼaffolent à Lancaster au Royaume-Uni, le signe dʼune activité solaire hors normes. Qui dit activité solaire importante dit forcément aurores boréales, cette fois observables jusque dans le sud de lʼAngleterre et par conséquent dans le nord de la France. Alors pourquoi ce phénomène pourtant typiquement polaire vient-il de plus en plus souvent se frotter à nos frontières, et parfois même plus loin encore ?
Un Kp décapant
Dans la nuit du lundi 16 au mardi 17 septembre, le SAMNET (Sub-Auroral Magnetometer Network) basé à Lancaster a relevé un indice Kp de sept entre minuit et six heures du matin. L’indice Kp est un indicateur utilisé en météorologie spatiale pour mesurer l’activité géomagnétique de la Terre. En termes simples, il nous aide à comprendre à quel point les aurores boréales pourraient être spectaculaires et calcule la probabilité dʼen voir selon lʼendroit où l’on se trouve. Un Kp de sept relevé à une latitude si basse (50.6292° Nord) est absolument rarissime. Cela fait suite à la multiplication des éruptions solaires cette année.
En effet, depuis plusieurs mois, la Terre fait face à une activité solaire éruptive importante. Comme le dit Alexis Rouillard, chercheur au CNRS à Toulouse: “Tout part du soleil […] Ce sont des éruptions à la surface du soleil, des champs magnétiques très intenses qui vont produire des orages [géomagnétiques]. Ces orages vont ensuite se propager dans lʼespace jusquʼà la Terre”. Lorsque les vents solaires générés par ces éruptions rencontrent le champ magnétique de la haute atmosphère terrestre, autrement appelée ionosphère, cela donne lieu à un spectacle naturel grandiose: les aurores boréales. Cʼest “quand ces particules vont interagir avec des particules dʼoxygène ou dʼazote présentes dans lʼatmosphère que cela va produire ces couleurs par excitation de ces molécules. Ces couleurs vertes et rouge-mauve correspondent à ces interactions”. Habituellement observables aux pôles, lʼintensité exceptionnelle de ces éruptions solaires permet lʼobservation des aurores jusque dans le nord de la France.
La dernière tempête solaire marquante remonte à mai dernier où les compteurs de Lancaster avaient relevé un indice Kp maximal de neuf. Lʼapparition dʼaurores boréales dans nuit du 10 mai avait en effet marqué pour leur intensité exceptionnelle, donnant lʼoccasion à de nombreux amoureux du ciel de capturer ce moment si rare.
Lʼapogée du cycle 25 du Soleil
Notre étoile a déjà connu 24 cycles solaires depuis 1755 et un 25e cycle, débuté en 2019, est sur le point dʼatteindre son pic dʼactivité arrivant à la moitié de sa durée. Chaque cycle solaire durant environ onze ans, le pic dʼactivité solaire arrive généralement au bout de cinq ou six ans. Ces périodes de forte activité, appelées les maximums solaires, sont caractérisées par des éruptions solaires et des tempêtes géomagnétiques plus fréquentes et plus intenses. Au commencement du cycle, les scientifiques prévoyaient lʼarrivée du pic vers le début dʼannée 2025. Cependant, fin 2023, les satellites dʼobservation du Soleil ont constaté une agitation qui a laissé penser aux astronomes que lʼapogée du cycle 25 viendrait plus tôt que prévu. Pour certains spécialistes comme Alexis Rouillard, le pic est passé en mai dernier, mais pour dʼautres, la plus grosse vague dʼactivité est encore à venir. Il est donc impossible pour lʼinstant de dire précisément quand le véritable pic aura lieu. Mais une chose est sûre, les tempêtes solaires vont devenir plus puissantes dans les mois qui viennent. Lʼactivité du 17 septembre est un nouveau réveil de notre étoile, toujours dans le contexte du pic du cycle 25, cependant moins intense quʼen mai.
Un spectacle troublant à plus dʼun titre
Bien que les aurores boréales fascinent par leur beauté et leur rareté, les champs magnétiques qui les génèrent ne sont pas sans effets sur les satellites ou les réseaux électriques. À chaque éruption de cette ampleur, la NASA alerte les opérateurs des risques de perturbations. En effet, les tempêtes magnétiques ont également pour effet de modifier la répartition des électrons dans l’atmosphère, perturbant la propagation des ondes diffusées par les satellites GPS. Les plus importantes perturbations remontent au mois dʼoctobre 2003 et ce quʼon appelle les “Tempêtes dʼHalloween”. Les fameuses tempêtes avaient provoqué des coupures de courant en Suède (jusquʼici tout va à peu près bien) mais avaient également endommagé des transformateurs en Afrique du Sud. Plus récemment, en 2022, la société Space X, lʼentreprise dʼElon Musk spécialisée dans la recherche spatiale, a perdu 40 satellites de télécommunication Starlink pendant leur mise en orbite. Même si lʼentreprise nʼa pas précisé les raisons de ce dommage, il y a de grandes chances quʼil soit dû à une tempête géomagnétique.
Bien que le pic dʼactivité géomagnétique du Soleil soit quelque peu redescendu depuis la Braderie, Lancaster relève toujours une activité irrégulière avec des indices Kp qui tendent vers quatre plutôt que trois en temps “normal”, et une activité géomagnétique qui connait quelques perturbations. Ces pics sont bien présents mais ne demeurent pas assez forts pour que des aurores soient de nouveau observables. Vous pouvez cependant prêter un œil au ciel dans les prochains jours, tant que lʼactivité nʼest pas totalement retombée. Dans votre quête d’aurores boréales, patience et insomnie seront vos meilleurs alliées. Cependant, pour les avoir déjà contemplées, je peux vous assurer que la magie du spectacle compense largement chaque instant d’attente.
Les sites prévoient une forte probabilité d’aurores boreales pour cette nuit et la nuit prochaine entre 21h et 6h. Tempête de catégorie G3, kp de 5 à 7.
Super article, qui marie science et poésie et donne envie! Et puis, moi qui ne suis absolument pas scientifique, j’ai tout compris. Merci!