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Festival de Cannes 2020 #1 : un air de fin du monde

Festival de Cannes 2020 #1 : un air de fin du monde

Séléction 1 Festival de Cannes 2020

Pas de compétition cette année pour les longs-métrages au Festival de Cannes qui se contente de récompenser les courts métrages du 27 au 29 octobre. Cependant, les salles héritent de 56 films arborant le prestigieux label “Sélection officielle”. Le Pépère News a choisi d’en décortiquer quelques-uns. Entre attente, surprises et déceptions, voici le premier article de notre série consacrée au Festival de Cannes 2020.

Cataclysmique, c’est un adjectif qui peut qualifier cette année 2020. La pandémie de coronavirus n’a épargné personne. Pas même les cinéastes de Cannes qui semblent avoir été affectés par cet épisode dont on n’a pas fini d’entendre parler. Deux visions hétéroclites de l’apocalypse proposées par Yeon Sang-ho (Peninsula) et Jonathan Nossiter (Last Words).

Peninsula, le grand gâchis

Le réalisateur sud-coréen Yeon Sang-ho avait déjà fait forte impression sur la croisette en 2016 avec Dernier Train pour Busan. Les péripéties d’un groupe d’individus tentant d’échapper à une invasion de zombies. Même décor pour Peninsula. Cela fait quatre ans que la péninsule coréenne a été évacuée. Jung-Seok, ancien Marine réfugié à Hong-Kong, se voit confier une mission : retrouver un camion abandonné contenant 20 millions de dollars à Incheon, non loin de Séoul. Lui et ses trois coéquipiers sont débarqués sur un champ de ruines infesté de zombies, qui sont loin d’être les créatures les plus hostiles de la région. Un groupe de militaires occupe toujours les lieux et s’adonne à une vie de débauche.

Dans ce qui reste d’Icheon, l’Unité 631 sombre dans la folie. © RedPeter Film

La base de travail que constituait Dernier Train pour Busan aurait pu donner lieu à une excellente suite. Le résultat est assez décevant et plusieurs interrogations restent un suspens. Le scénario choisi est trop faible et se prend les pieds dans les rouages hollywoodiens. Cet échec est en grande partie imputable au choix des personnages. Le groupe de mercenaires appelé Unité 631 est constitué de membres plus fous les uns que les autres. À leur tête, un capitaine ivre enfermé dans son bureau et un sergent masochiste. Ils ne vivent que de la chasse aux zombies et des “jeux d’arène”. De l’autre côté, Jung-Seok est sauvé par deux jeunes sœurs qui vivent dans un refuge avec leur mère et leur grand-père. Ayant fui la compagnie de l’Unité 631, ils sont en contact avec les casques bleus dans l’espoir d’être secourus. Les trois filles sont devenues des machines de guerre dans le but de survivre.

Ces deux entités bourrées de clichés vont se retrouver face à face sans aucune raison valable tant leurs objectifs sont éloignés de ce butin qui leur tend les bras. Le dernier personnage pouvant éviter le naufrage sombre aussi dans la facilité. Jung-Seok, après avoir tout perdu, trouve une nouvelle raison de se battre en découvrant que la famille qui l’a sauvé est celle qu’il avait laissée sur le bord de la route avant de quitter le pays.

Le réalisateur se dédouane de ses protagonistes pour se pencher sur le sensationnel. Initiative qu’il avait déjà prise dans Dernier Train pour Busan, mais qui était justifiée tant l’enjeu dépassait les intentions des personnages. Plusieurs incohérences viennent enfin se greffer à ce scénario déjà bancal. Des courses-poursuites en voiture plus improbables que celles de Mad Max : Fury Road et Fast and Furios réunies. Mais avec quelle essence ? Des fusillades en veux-tu en voilà et des munitions à volonté alors que l’armée a tout emporté quatre ans auparavant. Tant de petites imperfections qui plongent le long-métrage dans la démagogie du film d’action dont le seul enseignement que l’on tire est : l’Humanité a quitté la péninsule coréenne.

Last Words, il était une fin

En 2086, la Terre est devenue un immense désert dépourvu de tout ce qu’elle a abrité jadis. Un jeune homme déambule à travers l’Europe et fait la connaissance d’un vieillard qui se meurt au fond d’une grotte à Genève. Il ne lui reste plus que son projecteur et une collection de films. Ensemble ils décident de se rendre à Athènes où se trouve le dernier endroit fertile sur Terre. Là bas, au milieu de ce qui constitue l’ultime communauté de l’humanité, ils fabriquent une caméra pour capter ses derniers instants.

Peu connu du grand public, mais déjà habitué des prestigieux festivals (Deauville, Toronto, Cannes), l’Américain Jonathan Nossiter délivre son 7ème long-métrage. Avec Last Words, il s’adonne à une représentation onirique de la fin du monde. Les derniers humains se dirigent inexorablement vers un sort funeste et c’est ce qui les pousse à partager sans retenue leurs derniers moments malgré leurs différences. Un invité surprise les rassemble, le cinéma. Toutes les nuits,un des personnages active son projecteur et diffuse, sur une grand toile suspendue aux ruines d’un temple, des films. Le cinéma ici n’a rien d’un art mais exalte les sens de chacun. Un sourire s’imprime sur tous les visages, motif d’ultime espoir. Tous oublient leur destin et tuent le temps qui leur est imparti.

Le cinéma comme dernière évasion pour ce qui reste des humains. © Rai Cinema

C’est d’ailleurs l’un des enseignements du travail de Nossiter. Laissant de côté les grands espaces qui traduisent ce que l’Homme a laissé derrière lui, il se concentre sur les gros plans en donnant de la valeur à ce qu’il reste de plus précieux. On est bouleversé par la longue poignée de main entre Stellan Skargard et Nick Nolte qui s’accompagne d’une émotion indescriptible. Puis il y a encore et toujours cet adolescent (joué par le jeune Français Kalipha Touray) qui nous illumine de son sourire. Caméra en main, il capte les dernières images des humains et surtout leur histoire dans un ultime volonté de partage.

Last Words est une drôle de fable sur la mort dont on ressort plein de vie. On a envie d’y croire et on signerait sans doute pour une telle fin.

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