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Illusions perdues : les rêves s’égarent au cœur du vieux Paris

Illusions perdues : les rêves s’égarent au cœur du vieux Paris

Le 28 septembre dernier, Xavier Giannoli était venu présenter à l’UGC de Lille son nouveau bijou en avant-première. Illusions perdues, une adaptation du roman divisé en trois livres d’Honoré de Balzac. Une épopée passionnante où la réussite est atteignable, à condition de ne pas se perdre en cours de route…

Dans sa province à Angoulême, Lucien Chardon nourrit des rêves d’écritures et couche ses pensées sur papier par le biais de poèmes. Repéré par Madame de Bargeton qui reconnaît son talent, elle l’introduit dans la bonne société. Amoureux d’elle, il lui écrit un recueil “Les Marguerites” et une relation naît entre eux. Cette liaison est découverte par Monsieur de Bargeton et les amoureux partent s’installer à Paris. Lucien y voit l’occasion d’y connaître la gloire en tant que poète mais, à force d’écarts, il termine par emprunter un tout autre chemin.

Adaptation d’un roman qui le hante

Le film, disponible en salle depuis le 20 octobre, est si prenant qu’on en oublie sa durée de 2h30. Lors de l’avant-première lilloise d’Illusions Perdues, Xavier Giannoli avoue n’avoir jamais quitté totalement l’histoire qu’il a lue quand il avait 20 ans. L’œuvre originale étant divisée en trois parties, le réalisateur a préféré se concentrer sur la deuxième (et la plus longue), Un grand homme de province à Paris, qui observe la déchéance de son personnage qui touchait pourtant le succès du bout des doigts. Xavier Giannoli savait qu’il adapterait un jour ce roman. Ce jour, aussi certain que la chute de Lucien, est venu — et c’est une réussite !

Lucien (Benjamin Voisin) et Madame de Bargeton (Cécile de France) au début de leur relation. © Gaumont

Cela est en partie dû au casting finement choisi, qui réunit de nombreux acteurs et actrices très appréciés du public français. Pour interpréter le rôle principal, le réalisateur s’est arrêté sur Benjamin Voisin (récemment vu dans Le Bal des Folles et Été 85), qui a un visage très “sale gosse” selon Xavier Giannoli. Et pour cause, l’audace dont Lucien Chardon fait preuve est un trait que nous l’avons déjà vu jouer dans Été 85. On retrouve également une Cécile de France sensible et touchante, ainsi qu’un Xavier Dolan se séparant de son accent pour s’adonner à la narration. Gérard Depardieu fait aussi son retour à l’écran, fidèle à lui-même dans le rôle de Dauriat aux côtés d’un Vincent Lacoste intrépide. Un casting qui fait envie, et qui joue la comédie comme on aime la regarder.

Immersion dans le Paris d’antan

Illusions Perdues plonge complètement le spectateur dans l’ambiance du Paris des années 1830, durant la Restauration. Costumes, décors et enjeux, ce drame historique dépeint fidèlement la vie parisienne de l’époque, tiraillée entre deux partis politiques soutenus par les royalistes ou les républicains. La capitale voit alors affluer nombre de jeunes provinciaux ambitieux, à la recherche de la gloire. Lucien Chardon fait partie de ces derniers, comme le journaliste dont il va rapidement faire la rencontre : Étienne Lousteau. Les deux jeunes hommes vont rapidement sympathiser, et Lucien, qui était jusque là sans le sou, va alors faire ses premiers pas dans le monde du journalisme.

Lucien célèbre sa réussite en tant que journaliste. © Gaumont

Balzac, dont l’objectif est de décrire la société, retrace également une petite partie de l’histoire de la presse, que l’on retrouve aussi dans le film. Était-elle si différente de celle que nous connaissons aujourd’hui ? Lors de l’avant-première, de nombreuses questions sont posées concernant l’influence des médias dans la politique, notamment auprès de l’opinion publique. En pleine période de campagne électorale, le film fait un parallèle que le réalisateur, ayant tourné son film avant le Covid, n’avait pas vu venir. Car, dans Illusions Perdues, la presse est montrée comme corrompue, prêtant ses services au plus offrant. La bonne et la mauvaise critique, couchées sur papier, ne dépendent alors que de la taille du porte-monnaie de celui qui les demandent. Pendant la Restauration, les journaux comme Le Satan -pour lequel écrit Lucien- se servaient également de la littérature pour parler de politique. Le rédacteur se pliait alors au parti que soutenait son journal pour des questions monétaires. Le film dépeint la presse comme pleine de journalistes malhonnêtes, de critiques intéressées et de papiers misant sur le scandale.

“Là où l’ambition commence, les naïfs sentiments cessent.” Honoré de Balzac, Illusions perdues (1837-1843)

Malgré tout, cette histoire reste celle de l’ascension et de la déchéance de Lucien. Avide de réussite, Lucien délaisse rapidement la poésie pour faire carrière dans le journalisme. Comme l’écrivait Balzac, “Là où l’ambition commence, les naïfs sentiments cessent”. Lucien va tenter d’accélérer son ascension mondaine, signant du nom noble de sa mère : “de Rubempré”. En dépit de ses débuts catastrophiques dans la bonne société parisienne, Lucien connaît un succès quasiment immédiat grâce à ses critiques audacieuses teintées d’humour publiées dans Le Satan. Un monde républicain auquel il va tenter de tourner le dos pour récupérer le nom de Rubempré, dans l’espoir de rejoindre les rangs de la noblesse.

Dans cette quête trop envieuse de gloire, il finira par tout perdre et son nom retombera dans les abysses. Illusions Perdues est donc un film dont la fatalité est accablante et ne faisant pas de cadeau à son héros. Son poème pourtant publié, Lucien repartira chez lui sans rien emporter de la folie parisienne dans laquelle il s’est laissé sombrer.

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