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EDITO – Informer est mon devoir

EDITO – Informer est mon devoir

Jeudi soir, Baptiste Hermant, étudiant à l’Académie de l’ESJ Lille, est envoyé en garde-à-vue alors qu’il prend des photos avec son collectif à la manifestation contre la réforme des retraites. Deux heures plus tard, c’est son camarade Quentin Saison, venu dénoncer cette arrestation et afficher son soutien devant le commissariat, qui le rejoint en cellule.

19h de garde-à-vue et une enquête préliminaire pour “dissimulation de visage” et “violence contre personne dépositaire de l’autorité publique” ; 17h de garde-à-vue pour “refus d’obtempérer” lors d’un rassemblement pacifiste et un rappel à la loi. Voilà ce à quoi s’exposent en France les journalistes, étudiants ou citoyens qui veulent exercer leur métier, l’apprendre ou simplement faire vivre le principe du droit à l’information au sein de manifestations.

Baptiste Hermant arrêté par les CRS.
Crédit photo : Pascal Bonnière/La Voix du Nord

Un mutisme coupable

Cet événement ne doit pas nous faire oublier l’ensemble des personnes victimes de violences policières. Cependant, il a le mérite de mettre un coup de projecteur médiatique sur la manière dont notre gouvernement considère la presse aujourd’hui. La France est 32ème au classement RSF et les alertes sont nombreuses depuis le début des manifestations des Gilets Jaunes. Aujourd’hui, avec tant de signaux, le mutisme (si ce n’est le soutien) de l’exécutif quand il s’agit de répression violente et d’atteintes à la liberté de la presse de la part des forces de l’ordre est coupable.

Ici, le symbole est fort parce que la liberté d’informer est un principe fondamental de notre République. Il est garant de l’équilibre et de la bonne tenue de notre société. Lorsqu’un régime s’oppose frontalement à la presse ou ferme les yeux sur des attaques, il envoie un signal très alarmant quant à sa conception de la démocratie. Ces deux jours sont d’autant plus forts que l’arrestation concerne des étudiants. C’est symboliquement l’avenir du journalisme qui est attaqué, son futur qui s’en trouve menacé. Nous sommes la génération à venir et ces intimidations résultent d’une volonté de s’en prendre directement à l’existence d’un métier qui dérange.

La mauvaise foi des forces de l’ordre, comme ses exactions, ne sont aujourd’hui plus à prouver. Les vidéos des arrestations de jeudi sont révélatrices d’un décalage. Celui entre les situations décrites par la police pour justifier ses actions arbitraires et la réalité des faits :

Informer, à tout prix

Le but n’est pas de pointer du doigt toute une profession qui a une place primordiale dans notre société. L’enjeu est de condamner une dérive préoccupante. C’est celle d’une fraction du milieu policier vers des comportements miliciens disproportionnés, notamment pendant l’encadrement de manifestations, et tant vis-à-vis de civils que de journalistes. 

J’ai été insulté de “fils de pute” et ils m’ont dit : “Si tu bouges, on te casse l’épaule”.

Insultes et leçons, menaces et violences physiques ne sont qu’autant d’exemples de cet arsenal répressif. Ces moyens sont justifiés par le sacro-saint « monopole de la violence légitime ». Cet argument, lu ici et là, est une illusion. L’usage de la force n’est pas l’usage de la violence. La première est proportionnée et juste, la seconde arbitraire et illégale.  Rien, aucun argument, aucune figure rhétorique ou esquive communicante, ne saurait justifier l’arrestation d’une personne qui prend des photos en manifestation. Et ce, qu’elle soit journaliste ou pas. Fait assez marquant pour être noté, ce principe fondamental sera défendu par une action commune des 14 écoles de journalisme reconnues par la profession le lundi 16 décembre à midi. Cette unanimité est révélatrice de l’urgence et de la nécessité de protéger la liberté de la presse :

 

En attendant, dans le sillage de Baptiste et Quentin, nous sommes nombreux à vouloir envoyer un signal fort : nous continuerons d’être là. Nous serons là tout le temps. Pour prendre des photos. Pour nous battre pour la profession que nous aimons et voulons exercer. Et surtout pour faire vivre la maxime qui nous anime : “Informer est mon devoir”.

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