La fondation Le Refuge accusée de gestion défaillante, personnel et pensionnaires prennent la parole
Le président et fondateur de la fondation Le Refuge, Nicolas Noguier, a démissionné le jeudi 18 février. Les résultats de l’audit mené par le cabinet indépendant Boston Consulting Group ont dévoilé une gestion défaillante et un dysfonctionnement structurel au sein de la fondation. Retours et témoignages de pensionnaires et membres du personnel.
La fondation Le Refuge qui héberge et suit des jeunes LGBT+ a rendu publiques ce jeudi 18 février sur son compte Twitter les résultats de l’audit mené par un cabinet extérieur et indépendant. Ce diagnostic fait suite et confirme les révélations de Mediapart de décembre dernier sur les dysfonctionnements au sein de l’association, dénonçant des prises en charges défaillantes de jeunes, des pressions et des menaces sur les bénévoles et les salariés.
Ni blanc ni noir
Implantées dans les principales villes de France et en Outre-mer, les 20 délégations départementales de la fondation Le Refuge ont permis à ce jour d’accompagner 8.503 jeunes. Il leur est proposé un hébergement, un accompagnement social, médical, psychologique et juridique. Cela permet aux jeunes LGBT+ en détresse et en rupture familiale d’être suivis, de ne pas rester seuls et d’éviter de dormir dans la rue. Cette mission entreprise a été reconnue d’utilité publique par l’État. Pourtant, derrière ce rôle précieux et admirable que joue la fondation, le bilan est parfois plus contrasté quand nous nous intéressons à la gestion et la prise en charge des jeunes. Des pensionnaires des Hauts-de-France, d’Île-de-France et de Nouvelle Aquitaine ont accepté de répondre anonymement à nos questions concernant leur suivi et leur ressenti au sein de la fondation. Les témoignages sont variés et les avis diffèrent. Mais tout ne semble pas si noir.
Quelques points très positifs sont d’abord relevés quant à la qualité du suivi administratif des jeunes pris en charge. “On a une assistante sociale et une psychologue qui nous suivent chaque semaine”, “chez nous, on a chacun un référent qui nous accompagne individuellement dans toutes nos démarches”, ou encore “je vois mon psy une fois par semaine et ça m’aide beaucoup parce que normalement c’est super cher de voir quelqu’un”.
Néanmoins, un premier problème est rapidement évoqué, celui de l’accompagnement par les membres du personnel. “Il y a des lacunes dans le suivi car il s’appuie sur des bénévoles qui changent souvent et qui ne connaissent pas vraiment les jeunes”, explique un jeune pensionnaire transgenre de la délégation bordelaise. Ce manque de continuité entre les jeunes et les bénévoles a parfois des conséquences dramatiques sur les relations au sein de la fondation : “Comme on ne crée pas de lien avec elles, il peut y avoir des personnes exilées.” Malgré le “manque de dialogue” déploré par certains jeunes et les problèmes rencontrés sur place, Le Refuge reste pour eux “la seule association de ce type à pouvoir accueillir les LGBT+”.
Un jeune nous confie que la fondation a “le mérite d’avoir mis en place quelque chose au moins, même avec ses défauts, mais qui sauve quand même des vies”.
Liberté partielle
Être hébergé au sein du Refuge nécessite en retour de participer aux permanences tenues plusieurs fois par semaine, de respecter le couvre-feu établi par la fondation (hors couvre-feu national actuel), et de suivre une première thérapie avec le psychologue attribué. Pour certains, et notamment les rares étudiants qui y sont hébergés, ces concessions sont difficiles : “C’est une vie contrastée car on a besoin d’être hébergé mais on doit tout le temps rendre des comptes.” “Moi qui suis étudiant, j’ai souvent des problèmes parce que je ne peux pas forcément assister à toutes les permanences aux heures prévues avec mon emploi du temps.” Pour certains, mêler vie étudiante et vie à la fondation demeure complexe.
“On n’est pas toujours super à l’aise car on sait qu’on peut être viré très vite sans qu’il y ait d’avertissement au préalable” – Un pensionnaire du Refuge
Parallèlement, certains jeunes évoquent leur peur constante d’être renvoyés de la fondation pour manquement au règlement. “On a une pression qui plane sur nous”, décrit un jeune hébergé en Île de France. Un sentiment lourd qui pèse sur certains et une réelle crainte de devoir retourner chez leurs parents ou de dormir dans la rue. La fondation étant pour eux souvent leur seul vrai refuge : “On n’est pas toujours super à l’aise car on sait qu’on peut être viré très vite sans qu’il y ait d’avertissement au préalable.” Cette angoisse de l’expulsion nous a été rappelée plusieurs fois. Elle soulève les mêmes problématiques de manque de dialogue, de mise en garde ou de rappels concernant le comportement des pensionnaires à avoir vis-à-vis de la fondation.
Inquiétudes
Quelques jours après l’annonce du départ du président de l’association suite aux révélations accablantes de l’audit mené en janvier, les employés et les bénévoles sont sous tension. Il devient très dur d’avoir le retour de membres du personnel sur le sujet. Certains refusent de répondre aux questions, d’autres ne nous confient que quelques phrases. “En ce moment, ceux qui parlent sont virés”, nous avoue l’un des membres de l’association qui souhaite rester anonyme.
Quand on évoque le changement de direction et la démission de Nicolas Noguier, les paroles sont sans ambages : “Je suis effondré par les événements, sa démission n’est pas quelque chose de naturel, on l’a poussé à la porte.” Pour tout ce qui concerne le “futur” de la fondation, on déplore que tout cela “va devenir politique. Les jeunes vont servir de vitrine uniquement pour amasser du fric.” Des idées confuses, pas d’explications. À l’aube d’une enquête saisie par le parquet de Montpellier, le personnel semble très inquiet.