La journée internationale des droits des femmes en pancartes
Chaque année, la Journée internationale des droits des femmes mobilise le monde entier. Mais oubliez les réductions sur les fers à repasser et les aspirateurs, le 8 mars ce n’est pas ça. Bien plus qu’une “fête de la femme”, cette journée internationale met en avant la lutte des femmes pour leurs droits et contre toute forme d’oppression et d’inégalités.
Ce samedi, le Collectif 8 mars avait prévu tout un programme : une grande marche, un village associatif et même un concert le soir ! Nous nous sommes rendues à la manifestation qui démarrait à 14 heures place de l’Opéra. La bonne ambiance était au rendez-vous avec des chants, des slogans, de la danse et une batucada endiablée.
Les manifestants n’ont pas lésiné sur les pancartes. Colorées, drôles, percutantes, émouvantes, voici quatre pancartes qui nous ont interpellées, et des explications autour de leur sens.
À bas le vieux monde
C’est la première pancarte qui a attiré notre attention. Elle a peut-être l’air simple, mais le message est fort. Quand on pense au “vieux monde”, on peut penser à un texte, signé en 2018 par une trentaine de militantes féministes, en réponse à une tribune parue la veille dans Le Monde. Dans cette tribune, des femmes, dont Catherine Deneuve, défendaient la “liberté” des hommes “d’importuner” des femmes. Elles s’indignaient de ne “plus pouvoir draguer”, de ne “plus pouvoir rien dire” et d’un “retour du puritanisme”. Pour les militantes féministes, les signataires de cette tribune “méprisent” les victimes de violences sexuelles. La différence entre la drague et le harcèlement “n’est pas une différence de degré”, c’est une “différence de nature.” Elles regrettent que ces femmes utilisent leur visibilité médiatique pour banaliser les violences sexuelles.
Pour les féministes qui s’opposent à la tribune, “les porcs et leurs allié.e.s” s’inquiètent surtout de voir que “leur vieux monde est en train de disparaitre“.
C’est pour cela que cette pancarte est forte. Le « vieux monde » symbolise toute une société conservatrice aux principes dépassés. Au-delà du féminisme, le capitalisme n’est plus à la mode chez les jeunes, la planète s’essouffle, les paroles se libèrent et les codes se cassent. Aujourd’hui, les minorités se font entendre, les jeunes se mobilisent pour leur avenir, la famille classique est bouleversée. Tous ces changements signent la fin du vieux monde, mais cela ne suffit pas. Il faut abattre le vieux monde.
Ras le viol
Sur cette deuxième pancarte est inscrite la phrase « ras le viol », slogan choc que l’on retrouve régulièrement dans les marches du mouvement #NousToutes. En effet, né en septembre et appuyé par plusieurs associations, le mouvement #NousToutes entendait “passer du témoignage à l’action“. Cela, un an après #MeToo, qui a fait bondir de 23% le nombre de cas de violences sexuelles signalées à la police.
“La lutte contre les violences faites aux femmes progresse chaque jour mais notre société part de loin : chacun doit agir et lutter car c’est l’affaire de tous !“, a notamment tweeté le président Macron avec le hashtag #NousToutes.
En effet, la violence envahit les rues, et on légifère. Trop souvent ce sont les victimes qui se remettent en question. Pas les violeurs. Et on laisse faire. Étrange manière de vivre la solidarité, dans une République où égalité rime avec fraternité. Car, rappelons-le, en France chaque année, au-delà du harcèlement sexuel, plus de 86 000 femmes sont victimes de viol ou d’une tentative de viol, selon les chiffres du Collectif féministe contre le viol qui existe depuis 1985. “Près de 80% des agresseurs sont des proches“, souligne le CFCV face à l’ampleur du viol conjugal dans les couples. Seulement 13% des victimes portent plainte, tandis que 1% des plaintes conduisent à une condamnation. Dans la loi française, le viol est pourtant un crime et la peine d’un violeur peut aller jusqu’à 15 ans de prison.
Le plus inquiétant, c’est que peu importe l’origine, le milieu social, la profession, la nationalité, la tenue ou l’âge, le viol touche tout le monde.
“La Honte”
Cette magnifique pancarte représente Adèle Haenel, quittant la cérémonie des Césars avant la fin, criant “La honte”. Elle proteste contre la distinction de « meilleur réalisateur » accordée à Roman Polanski. Pour rappel, ce dernier est accusé d’attouchements et de viols par pas moins de 12 personnes. Pour la majeure partie, les faits sont prescrits et les victimes étaient mineures. La première accusation date de 1977. Accusé de 6 motifs différents, dont fourniture de substance prohibée à une mineure, sodomie ou encore viol, Polanski finira par plaider coupable d’attouchements sexuels sur mineure. Après une quarantaine de jours de prison, il est libéré sous caution et signe un accord avec la jeune fille et la justice. Il s’échappe ensuite au Royaume-Uni puis en France. Il est considéré comme fugitif aux yeux de la loi américaine.
Remarquable pancarte au dessin et slogan percutant, Adèle Haenel apparait enflammée d’horreur, de rage, mais aussi de détermination. La détermination de se battre toujours plus pour lutter contre des instances vieillissantes. Pour lutter contre le patriarcat. Pour lutter contre les violeurs, et ceux qui récompensent le viol.
“Il y a un paradoxe #MeToo en France : c’est l’un des pays où le mouvement a été le plus suivi, du point de vue des réseaux sociaux, mais d’un point de vue politique et médiatique, la France a complètement raté le coche », confie-t-elle dans le New York Times. Elle avait déjà dénoncé avoir subi des aggressions sexuelles de la part du réalisateur Christophe Ruggia. Aujourd’hui, « la honte » exprimée par l’actrice est celle d’une personne qui veut sortir du statut de victime pour construire une résistance collective. En quittant la salle comme elle l’a fait en compagnie de l’équipe du film Portrait de la jeune fille en feu, Adèle Haenel devient une figure forte de la lutte contre les violences faites aux femmes. Sa colère est communicative, sa détermination aussi. L’image forte qu’elle représente est beaucoup reprise, comme sur cette pancarte aussi jolie que juste.
PMA, gratuité pour tou.s.tes
Sur cette pancarte, on retrouve l’inscription “PMA”, “gratuité pour tou.s.tes”, et le slogan de McDonald’s (« venez comme vous êtes »), avec le fameux « M » connu de tous. L’idée est que, peu importe qui vous êtes, la procréation médicalement assistée vous soit ouverte et gratuite. En effet, actuellement, la PMA s’adresse uniquement aux couples hétérosexuels présentant une infertilité médicalement constatée, ou si l’un des membres du couple porte une maladie grave et transmissible. Le 4 février 2020, le Sénat a voté l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, mais en limitant son remboursement aux cas médicaux après constatation d’une infertilité. Les couples lesbiens ou les femmes célibataires ne peuvent donc pas y avoir accès.
Ces indications sont discriminatoires, et il est temps de les faire évoluer : “le corps médical est majoritairement favorable à la prise en charge des femmes seules et des couples de femmes“, explique le docteur Joëlle Belaisch Allart, professeure associée du Collège de Médecine des Hôpitaux de Paris. “On dispose de toutes les données nécessaires pour savoir que les enfants élevés par des couples de femmes sont aussi bien portants que n’importe quel autre enfant.” Quant au coût de l’AMP, selon Agnès Buzyn, il devrait être nul pour toutes les femmes, comme c’est déjà le cas pour les couples hétérosexuels.
L’annonce de l’extension de l’AMP à toutes les femmes a également eu pour effet de relancer le débat autour de la légalisation de la gestation pour autrui (GPA), dans une optique d’égalité entre les sexes face à la procréation. Aujourd’hui, les couples d’hommes peuvent avoir recours à la GPA à l’étranger et faire reconnaitre leur enfant en France. Mais la GPA reste interdite en France. Pourtant, un Français sur deux y serait favorable (sondage BVA de mars 2017). Cela constitue un frein dans le processus de procréation pour les couples d’hommes, et donc un frein à l’égalité.