L’athlétisme à l’heure du confinement #5 : Dans l’œil du coach
L’entraîneur : chef d’orchestre de toute une carrière. Sans lui, l’athlète n’est rien. Partons à la rencontre de Nicolas Vi, coach du Lille Métropole Athlétisme, spécialisé dans le sprint. Lui aussi est affecté par le confinement et se démène, chaque jour, pour amener ses athlètes à leurs sommets respectifs. L’adaptation sera le maître mot.
Pépère News: Comment arrivez-vous à gérer et à suivre les entraînements de l’ensemble des athlètes de votre groupe ?
Heureusement que nous avons à disposition tous les moyens de communication actuels. Je me dis que si la crise avait eu lieu dans les années 80, communiquer avec tout le monde n’aurait pas été une mince affaire. J’utilise donc une application de communication groupée, ainsi les séances sont envoyées une fois et pour tout le monde.
PN : Avez-vous adapté les séances ? Quelles difficultés rencontrez-vous ?
Oui, car faire une séance de sprint sur piste avec des pointes, ce n’est pas la même chose que sur béton et en running. Je leur en fais faire moins, je réduis les temps de récupération, ou je change totalement ce que j’avais prévu tout en essayant de rester dans la même optique. On a pas tout le matériel qu’on a quand on est au stade (haies, starting-blocks) et surtout on ne peut pas travailler les techniques de course en virage.
PN : Quel est l’impact du confinement sur vos athlètes ?
J’ai un groupe d’une vingtaine d’athlètes. En temps normal, à l’entrainement, ils s’entrainent ensemble, s’encouragent, se motivent, souffrent ensemble… Même si l’athlé est un sport individuel, les entrainements en groupe sont une source de réussite pour chaque athlète, et se retrouver seul d’un coup a été plus ou moins difficile pour certains ou certaines.
PN : Comment l’annonce de la Fédération française d’athlétisme, concernant la suspension des compétitions nationales jusqu’à fin juillet, va-t-elle impacter la saison ?
D’après ce que j’ai compris, les compétitions de niveau national et les différents Championnats de France sont décalés et seront reprogrammés à partir du mois d’août. Toutes les compétitions de niveau départemental ou régional sont à la charge des différents comités ou ligues, qui pourront décider de caler des compétitions avant le mois d’août. Nous avions deux ou trois compétitions prévues, dont la finale du Championnat de France des clubs qui devait se tenir le 17 mai. C’est un moment fort pour le club qui, malheureusement, n’aura pas lieu cette année. Nous avons la chance d’être frontaliers avec la Belgique, et je surveille étroitement ce qu’il se passe au niveau de leur ligue. Il vaut mieux rester en forme plutôt que de couper complètement pendant cinq mois. Mais c’est encore un peu dans le flou. Je vais, du coup, modifier les plans d’entraînement pour viser des échéances plus tardives.
PN : Comment motiver ses athlètes dans de telles circonstances ? Restez-vous en contact avec eux ?
Je reste en contact avec eux bien sûr, c’est important ! Au début, certains m’ont fait part de leur peur de sortir pour s’entrainer ou les peurs des proches qui les voyaient sortir. Je ne leur en ai pas voulu s’ils ne voulaient ou ne pouvaient pas sortir s’entrainer. Ils ont été sincères avec moi et j’essayais de les rassurer comme je pouvais.
Concernant les compétitions, je leur ai répondu la même chose qu’à la précédente question : tant que rien n’est officiellement annulé, ça aura lieu. Il faut garder en tête les mêmes objectifs. Bien sûr le déconfinement ne se fera pas du jour au lendemain, mais il faut rester optimiste.
PN : En tant que coach, qu’est-ce qui continue à vous motiver ?
C’est la passion qui anime ma motivation. J’ai la chance d’avoir des athlètes qui s’entendent bien entre eux et avec qui je m’entends bien. C’est comme une seconde famille pour moi. En général, si un coach est motivé, les athlètes le sont également et l’inverse est valable aussi. Je suis de nature optimiste, je ne suis pas du genre à dépenser de l’énergie pour rien, à m’inquiéter pour quelque chose qui ne va peut être pas arriver, pour la suppression d’un championnat ou d’un meeting par exemple. Si l’annulation devait arriver et bien tant pis, on passera à autre chose. Si ça n’arrive pas, au moins il y aura eu une préparation derrière.
PN : Qu’en est-il de la préparation effectuée avant le confinement en vue de la saison estivale ? Y a t-il un risque que les efforts fournis soient vains ?
J’aime beaucoup cette citation d’Henry David Thoreau : « Si vous avez construit des châteaux dans les nuages, votre travail n’est pas vain ; c’est là qu’ils doivent être. À présent donnez leurs des fondations. » Elle m’inspire beaucoup en ces temps compliqués.
PN : L’annonce du report des Jeux a-t-elle des conséquences sur la préparation de certains de vos athlètes ?
J’ai actuellement un athlète qui a été finaliste sur 100 mètres lors des derniers Championnats du monde d’athlétisme handisport et qui visait une qualification pour les Jeux Paralympiques [Dimitri Jozwicki, ndlr]. Il la vise toujours mais, du coup, on a un an de plus. Je dirais qu’on est plus serein pour atteindre l’objectif.
PN : Quel conseil donneriez-vous aux athlètes confinés ?
Si vous devez vous entrainer en extérieur, privilégiez les horaires les plus calmes comme tôt le matin ou tard le soir, afin de croiser le moins de personnes possible. Gardez contact avec vos proches, vos partenaires d’entraînement, votre coach. Vous avez de la chance de pouvoir communiquer en vidéo, profitez-en ! Gardez espoir ! » L’avenir peut s’éveiller plus beau que le passé » dit George Sand.