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Le romantisme 2.0 par Mèmetau

Le romantisme 2.0 par Mèmetau

Tinder

Un swip à gauche, un autre, un autre… Et enfin, comme une évidence, le pouce fonce vers la droite et le rictus s’installe. Bienvenue en 2019. Le « romantisme » de proximité, Tinder, Grindr, AdopteUnMec, Taimi, je ne vous fais pas un dessin.

Bon évidemment, romantisme c’est un grand mot… Ce dont je parle se rapproche plus des draps qui volent en même temps que les culottes avec un type avec qui on a à peine partagé un demi-café, un type dont on connaît pas vraiment la vie, pas vraiment le prénom, pas vraiment la tête non plus d’ailleurs étant donné que les photos étaient bien plus vendeuses que la réalité…

Alors oui, aujourd’hui, si nous ne l’avons jamais utilisé, Tinder reste une application dont on entend parler, nos potes l’utilisent et chacun a sa petite anecdote sur le sujet.

A première vue, rien de très glamour là-dedans, pourtant, l’auteur Richard Mèmetau y trouve du romantisme, ou du moins une relation qui ne se résume pas seulement au sexe. Son essai Sex Friends : Comment bien rater sa vie amoureuse à l’ère numérique ? paru en Mai 2019 m’est tombé dans les mains par hasard et il y a de quoi réfléchir… Aujourd’hui, serait-ce le sexe qui mène à l’amour ?

Interview d’un philosophe… pas comme les autres

Le prof de philo nous explique à travers quelques questions ce qu’il pense des changements amoureux et sexuels de notre génération.

Pépére News : Quels sont les changements que vous avez observés sur les rapports amoureux et sexuels de notre génération en comparaison à celle de nos parents ?
Richard Mèmetau : Il y a eu de nombreux changements, qui font suite aux luttes féministes et LGBTQ et à la prise de conscience de vivre dans une culture qui n’est pas racialement neutre. Les applications ont proposé, sans le vouloir, une sorte de synthèse de tous ces problèmes, en donnant une interface où l’on doit systématiquement se présenter, et décliner son identité.

Je dirai donc d’abord que nous sommes moins naïfs que nos parents sur le fait que nos modes de rencontres peuvent favoriser des comportements sexistes, bénéficier d’asymétrie de pouvoir, prolonger des stéréotypes raciaux. Mais aussi nous sommes concrètement en train de voir, à travers la mosaïque de profils des applications de drague qu’il y a bien une drague permanente, diverse, variée, qui ne se résume pas à une seule norme ou un seul schéma.

Pépére News : Le premier chapitre évoque le fait que les réseaux sociaux de rencontres soient des labyrinthes dans lesquels on se perd facilement, quels sont pour vous les plus gros pièges que représentent Tinder, Grindr et toutes ces plateformes ?
Richard Mèmetau : Je trouve leur labyrinthe formidable. Je suis content qu’on s’y perde. Car on se rend compte qu’aucune sexualité n’est automatiquement épanouie. On doit apprendre à vivre avec les défauts inhérents à toute sexualité.

Notre désir est idiot et stéréotypé donc on a intérêt à l’être moins en dehors du lit. On découvre qu’on doit être honnête pour que l’autre le soit aussi, et que la confiance est essentielle. En fait, on découvre surtout qu’on a intérêt à savoir qui l’on est et ce qu’on veut.

Pépére News : Le sexfriend a une image particulière dans notre société, en quelques mots, pourquoi vous a-t-il semblé important de revaloriser l’image plutôt négative renvoyée par cette pratique ?
Richard Mèmetau : Le sexfriend est au mieux une pratique sexuelle qu’on peut tolérer pour une période de sa vie (quand on est jeunes, qu’on fait des études loin de nos parents). Mais au pire, il est la preuve qu’on est incapable de s’engager pleinement avec quelqu’un, c’est-à-dire d’avoir sacrifié une partie de sa libido pour ne la concentrer que sur l’objet de son amour.

Bref, le sexfriend est la marque d’une certaine juvénilité et d’un certain égoïsme. Alors qu’en réalité, non seulement la sexualité adulte a toujours trouvé des compromis pour ne pas tout sacrifier sur l’autel du mariage romantique. Mais surtout, les maîtresses ou les amants secrets des époques passés n’avaient pas le droit d’être traité à égalité du supérieur légal qu’était l’époux et l’épouse. Le sexfriend offre bien plus d’égalité, d’honnêteté et de plaisir.

Pépére News : Et vous dans tout ça, qu’est-ce qui vous charme le plus dans le système tel qu’il est aujourd’hui ?
Je connais moins directement le côté hétéro de la Force, mais ce que je trouve d’assez amusant dans la drague en ligne, c’est deux choses : d’abord, vous pouvez gratuitement dire à presque n’importe qui sur le globe qu’il est sexy, qu’il est marrant sur son profil et commencer une conversation du type “Tu as vu la dernière saison de Mindhunter sur Netflix ? Elle déchire…”

Evidemment il sera sans doute question de cul à un moment, mais on est beaucoup plus libre dans les conversations que si on se draguait en boîte dans un contexte précis. Ensuite, je trouve que le fait qu’on aime en réalité des profils atypiques, précis, plutôt que des profils génériques laisse un assez bon espoir qu’on ne soit pas tous de sombres connards sur les applications.

Pépére News : Et puis entre nous… C’est quoi votre chapitre préféré ?
Celui sur la syphilis. On a oublié comment cette maladie mortelle (avant le traitement par la pénicilline) avait rendu la sexualité dangereuse et folle. Pendant 500 ans, le sexe c’était Aliens. C’était laisser l’autre entrer en nous, nous détruire doucement, porter la marque de l’infamie…

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