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Les Bleues, un fiasco pour l’histoire

Les Bleues, un fiasco pour l’histoire

C’était leur année, l’occasion ou jamais. Ou plutôt celle à ne pas manquer. Alors que la France recevait chez elle la huitième édition de la Coupe du Monde féminine, les tricolores se sont fait prématurément éliminées en quarts de finale de « leur » mondial.

Au delà des enjeux sociaux et humains évidents qu’impliquait un tel événement, avec la mise en lumière de joueuses féminines dans un sport traditionnellement masculin, cette Coupe du Monde était surtout un défi sportif. L’opportunité, pour la sélection féminine, de montrer au monde entier et surtout à leurs compatriotes qu’elle était aussi capable du meilleur. Après le sacre mondial en juillet dernier, les Bleues de Corinne Diacre avaient à cœur de suivre les pas de leur homologues masculins. C’est raté.

Entre épopée guerrière et fiasco monumental, le sentiment est partagé. Le débat, lui, est lancé !

L’Equipe, premier quotidien sportif en France, s’était montré confiant avant le match contre les USA.

Le début d’un rêve

Il suffisait d’écouter Eugénie Le Sommer au micro de la chaîne YouTube de la fédération, avant le coup d’envoi du tournoi, pour comprendre à quel point le destin des 23 sélectionnées était particulièrement tortueux. Pour chacune d’elles, devenir professionnel a été un chemin long et sinueux. Une réussite aujourd’hui inestimable expliquant leurs ambitions débordantes dans ce tournoi : ramener la coupe à la maison, tout simplement. Durant les 22 jours de compétition, la détermination de nos féminines leur a fait honneur. Elles ont montré un visage conquérant, guerrier, téméraire et vaillant. À défaut d’avoir l’expérience et une concentration explosive de stars mondiales dans leur effectif, elles ont utilisé les armes qui étaient les leurs : un esprit d’équipe exemplaire, une combativité modèle et une détermination monstrueuse. Surprenant pour ceux qui s’imaginaient bien naïvement qu’une bande de 11 filles en short et crampons ne pouvaient pas faire preuve de férocité sur le pré. Ils ont vite déchanté.

Sans leader, une équipe ne peut fonctionner. Celle sur le terrain a joué son rôle jusqu’au bout, fidèle à son tempérament de guerrière. Amandine Henry, véritable hyène chaussée de crampons et seconde mère pour ses coéquipières, a grandement contribué à faire en sorte que « ce groupe vive bien » (salut DD). Mais la véritable meneuse, la cheffe d’orchestre de cette magique symphonie, c’est sans nul doute Corinne Diacre, l’autoritaire sélectionneuse des Bleues. Un caractère sévère et exigeant mis au service du collectif, afin de faire de ce dernier une machine à gagner. Bien loin des stéréotypes qui touchent encore la discipline, affublée trop souvent de « sport loisir » pour des filles qui s’amusent. Là aussi, une erreur grossière que les Bleues n’ont pas manqué de corriger.

Le parcours n’aura pas été parfait, loin s’en faut. Mais il fut honorable. Une qualification en huitièmes de finale sans embûche, avec trois victoires en trois confrontations lors des phases de poule. Puis un succès au bout du suspense, dimanche dernier, contres les Brésiliennes. Une affiche de légende qui en aura fait vibrer plus d’un, et qui a tenu nombre de ses promesses. Comme une preuve supplémentaire, s’il en fallait encore une, de la capacité du football féminin à initier une ferveur populaire. Mais alors qu’elles commençaient tout juste à faire fantasmer tout un peuple, le rêve a été brisé.

Mission exploit, résultat Berezina

Vendredi 28 juin, sur TF1, il ne fallait pas allumer sa télévision en retard pour savourer le macabre spectacle qui nous a été proposé. Dès la cinquième minute, les Américaines ont rafraîchi tout un pays qui souffrait de la canicule, par l’intermédiaire de l’intenable Megan Rapinoe. Un coup-franc direct entré par inadvertance, première bévue d’une longue série. La catastrophe a d’abord duré 60 minutes, une heure durant laquelle on s’est demandé si les françaises étaient bien présentes au Parc des Princes. Zéro tir cadré durant cette période, une statistique révélatrice. Le début d’un fiasco monumental, achevé d’une main de maître, ou plutôt d’un plat du pied, par l’inévitable Rapinoe (65ème). La tête rageuse de Wendie Renard, survenue à la 81ème minute pour réduire l’écart, n’y aura rien changé. Un sursaut d’orgueil qui ne sera parvenu en aucun cas à jeter un voile pudique sur la performance catastrophique des Bleues ce soir-là. Un match calamiteux, marqué côté tricolore par des lacunes techniques évidentes et un manque de réalisme criant. En clair, la recette d’une déroute.

Les Bleues abordaient pourtant ce match avec une confiance certaine, emmagasinée par les joueuses de Corinne Diacre durant les matchs de qualification et le début du tournoi. Comme cette victoire 3 buts à 1 face à ces mêmes Américaines, en janvier dernier. De toute évidence, la désillusion est cruelle. Face à une équipe tenante du titre pourtant brouillonne et en méforme, les Bleues ont multiplié les ballons perdus, les occasions manquées et les erreurs défensives. La plus grossière restant celle conduisant au second but américain, lorsque le second poteau français est laissé complètement vacant, permettant à Rapinoe de crucifier les Françaises. Un score serré de 2 buts à 1, qui ne reflète en rien l’ultra domination étasunienne et l’inefficacité effrayante des tricolores. Avec un match d’un tel niveau, le grain est donné à moudre aux détracteurs du football féminin, qui pourront affirmer une fois de plus (avec raison) que le niveau de jeu est encore bien loin de celui proposé par leurs homologues masculins. Une comparaison systématique à laquelle elles n’échapperont pas, tant que la qualité du jeu pratiquée ne changera pas de dimension. Aux filles de montrer, comme elles le font depuis des années, que leur football finira par mériter qu’on s’y intéresse de plus près.

Les réactions n’ont pas tardé. Celles des protagonistes de ce revers, d’abord, avec en première ligne la sélectionneuse Corinne Diacre. Celle qui a pour habitude de ne pas mâcher ses mots s’est montré très timorée : « nous avons manqué d’efficacité dans ce match, mais j’espère que ça va quand même aider notre discipline« . Difficile d’y voir un clair manque de lucidité, ou bien l’expression de la conscience qu’au-delà de ce quart de finale, c’est l’avenir du football au féminin qui se joue. En tout cas, la patronne de la sélection a encore beaucoup de travail. Le week-end précédent l’élimination, elle est tout de même sortie du silence radio qui s’était instauré depuis l’élimination, en se confiant au Parisien et à Téléfoot. Elle y a pointé du doigt les performances de ses joueuses, collectivement ou individuellement, remettant notamment en cause le manque de récupération des Bleues de l’Olympique Lyonnais. Comme l’expliquait L’Equipe dernièrement, elle s’est montrée plus dure dans ses propos qu’elle ne l’avait été à chaud. Le quotidien sportif nous apprend que la sélectionneuse est en froid avec plusieurs cadres du vestiaire, dont là capitaine Amandine Henry et l’ancienne Wendie Renard. La défenseur s’est exprimée elle aussi au micro de TF1 le soir de l’élimination : « Il aurait fallu un peu plus d’efficacité« . Si le goût de la défaite n’était pas aussi amer, cela prêterait à sourire. Effectivement, avec 5 tirs cadrés sur 20 côté français, pour 8 sur 10 côté américain, c’est un doux euphémisme !

Théâtre d’un rêve brisée, l’antre du PSG n’est décidément pas propice aux quarts de finale. L’équipe de France féminine, elle, doit se ressaisir. À la jeune génération, désormais, de prendre le relais. Il faudra se relever de cet échec, en retenir les leçons et aller de l’avant. Objectif 2023 !

Bien que courageuses et déterminées, les Bleues n’ont pas pu éviter un fiasco qui risque de faire parler. L’organisation de la compétition dans l’hexagone et le développement prometteur des tricolores version féminine vont pourtant grandement contribuer à l’essor de la discipline, qui a bien besoin de reconnaissance et de ferveur, et qui le mérite ! En espérant que cette déconfiture ne soit que l’aube d’une nouvelle ère pour le foot féminin.
Les femmes écrivent leur histoire. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle est belle. Et qu’assister à un match des Bleues, c’est être témoin de son temps. Rien que ça !

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