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Les Fatals Picards : “C’est difficile de nous donner une étiquette”

Les Fatals Picards : “C’est difficile de nous donner une étiquette”

Les Fatals Picards sont de retour. En tournée dans l’hexagone, le groupe de Rock’ n’ Roll déjanté sera au Splendid le 21 mars. En attendant, les quatre phénomènes qui composent ce groupe ont pris le temps de répondre à nos questions lors du festival Du Rock Chinon Rien à Chinon. Entre blagues, bières et anecdotes, les artistes nous parlent de leur longévité, de leur style unique et de leur vision du rap.

De gauche à droite : Laurent Honel (guitariste), Paul Léger (chanteur), Yves Giraud (bassiste), Jean-Marc Sauvagnargues (batteur). Crédit photo : Les Fatals Picards

Pépère News : Vous fêtez vos 20 ans de carrière cette année, pourquoi la scène vous attire toujours autant ?

Paul Léger (chanteur) : Le pognon (rires). En vrai, on y réfléchit même pas. On fait de la musique, on en fait devant des gens et on gagne notre vie en faisant des concerts. Si ça nous faisait chier, on ne le ferait plus.

Yves Giraud (bassiste) : On adore ça et puis de toute façon on ne sait rien faire d’autre. J’ai donné des cours de maths en 3ème et fait un peu de plomberie, c’est tout (rires).

Laurent Honel (guitariste) : Ce soir c’est complet, ce qui veut dire qu’il y a 800 personnes qui viennent écouter un truc que l’on a fait dans notre coin en rigolant. C’est hyper gratifiant pour l’ego.

PN : Mais vous auriez pu en avoir marre de faire de la scène à un moment ?

Yves : Il faut aussi savoir se gérer, faire des pauses à certains moments par exemple. Mais tant que l’on se marre, on continuera.

Yves. Crédit photo : Manu Hoorelbeke

PN : C’est le côté humain de la musique, finalement, qui vous a maintenu si longtemps ensemble ?

Paul : Oui c’est ça. On aime notre vie, on éprouve des émotions fortes chaque fois que l’on monte sur scène, ça n’a pas de prix. Puis il y a les gens surtout. Si les gens se déplacent à chaque fois en masse pour voir nos créations, ça donne envie d’écrire et de continuer.

Yves : C’est aussi l’histoire de notre groupe qui veut ça. On n’est pas des copains de lycée qui se sont rencontrés par hasard. On a été tous embauchés par quelqu’un donc on se retrouve à tenir cette boutique “Fatals Picards” mais on n’a pas décidé ensemble de monter ce groupe là.

Paul. Crédit photo : Grégory Cherrier

Paul : Qui plus est dans un groupe qui avait déjà un nom, un petit répertoire et même une ligne directrice. On vient tous les quatre d’univers différents. On est obligés d’écrire en fonction de cette contrainte. Mais on a appris à se connaître et à se respecter. Ce qui fait que l’on continue à jouer, c’est le public qui nous suit. Écrire des chansons que tu adores mais qui font juste kiffer tes potes devient vite lassant. Si tu sais que tu écris des chansons qui vont être enregistrées puis écoutées par des milliers de gens en concert notamment, c’est motivant.

Laurent : La chanson est un phénomène collectif. Ce qui est génial, c’est que l’on écrit une chanson dans notre coin puis on l’entend lors d’une manifestation par exemple. Le pouvoir de la musique est assez magique là-dessus.

PN : Vous avez composé des morceaux plus déjantés récemment comme “Goldorak est mort” ou encore “La ferme”, pourquoi ce choix ?

Paul : Les Fatals Picards c’est ça. Il y a des sujets un peu farfelus et d’autres plus politiques et sociétaux. Tout est fait sur la base de la chanson humoristique mais il y a des textes où le fond est sérieux voir engagé. C’est ce mélange qui fait notre ADN. Comme ça, je peux chanter des trucs débiles comme d’autres plus profonds et sensibles. Tout dépend de la thématique du son. Si on veut aborder la notion de pédophilie, on ne peut pas faire de l’absurde par exemple. Par contre, si on fait une chanson sur le petit chien de Chantal Nobel [mort lors d’un accident de voiture en 1985], on est dans une autre logique d’écriture.

PN : Est-ce que le terme “Rock rigolard” vous dérange ?

Paul : Qui a dit ça ? (rires). On fait du Rock humoristique. Au niveau du son, nos créations rejoignent la grande famille du Rock’ n’ Roll mais c’est vrai que c’est difficile de nous donner une étiquette. L’énergie est Rock et la chanson rejoint la variété française. Même Rock humoristique c’est un peu péjoratif en fait. On n’est pas dans la blague cul-cul. De toute façon, si ta musique n’est pas clairement identifiée dans un bac de la Fnac comme le Rap ou le Metal, les gens ne savent pas où te mettre, comme s’il y avait besoin d’être dans une case.

Laurent : Ce qui est bien, c’est que l’on a créé ce genre. Les gens viennent nous voir parce que l’on joue de cette manière.

Laurent. Crédit photo : Grégory Cherrier

PN : Parce qu’il y a une âme autour de votre groupe..

Laurent : Oui, on a un ADN spécifique et très peu de gens en France font comme nous. On ne fait pas de meeting ni de sujets binaires. C’est du “Fatals Picards”.

PN : Comment vous mettez-vous d’accord sur les thématiques abordées ?

Paul : Les idées émergent d’un commun accord et on bosse par la suite.

Laurent : Par exemple, hier, on était en train de discuter de tout et de rien. Et à un moment, Jean-Marc, qui normalement n’écrit pas de chansons, a dit “dans le monde des Balkany”. Je me suis dit que l’expression sonnait bien et de là a peut-être émergé un titre d’une future chanson. On veut juste essayer de trouver un sujet sympa et marrant. Il y a des chansons codes [référence au petit chien décédé de Chantal Nobel qui est “l’oublié” de l’accident selon eux ou à leur délire de licornes présents dans le dernier album, ndlr] mais on trouve des billets pour parler de vrais sujets. On parle beaucoup aujourd’hui de la manière dont on doit considérer l’animal. Et sous couvert d’avoir une chanson totalement débile, on traite ce sujet-là finalement. On a fait une chanson de sept minutes sur le chien de Chantal Nobel qui est la composition la plus arrangée de l’album avec un vocabulaire riche et les gens la kiffent.

Crédit photo : Grégory Cherrier

PN : Lorsque l’on écoute vos titres, on ressent une très grande liberté d’écriture et de composition. Est-ce que vous vous fixez des règles ?

Paul : Ce qui nous permet d’avoir cette liberté, c’est que l’on est indépendant. Il n’y a personne qui nous bloque dans notre progression. Notre seule limite, c’est de ne pas faire de la peine. On peut faire des vannes mais pas de la peine gratuitement. Dans un premier temps, on se dit que si ce que l’on est en train de composer n’est pas drôle, on ne le fait pas. Si ça va être mal compris ou ça va tomber dans le relou, on ne le fait pas. Il faut que l’on se dise que la composition fonctionne, c’est à dire qu’elle nous fait marrer. Dans un deuxième temps, il y a des sujets que l’on ne traitera jamais. Je ne veux pas que l’on fasse de chansons sur le Front National par exemple. Je les déteste mais ils ne le méritent même pas. C’est trop facile.

Laurent : Alors que Marine est fan (rires). Sur le dernier album, “Rebecca” est une chanson sur le porno dans les années 80. On a essayé de trouver l’équilibre entre les souvenirs de notre adolescence et le côté business sordide de ce milieu. C’est un sujet qui peut potentiellement se casser la gueule mais on a réussi à le traiter.

PN : En se penchant sur vos textes, on peut y trouver des ressemblances au rap avec des jeux de mots, des punchlines, des allitérations…

Paul : Effectivement, on est de la vieille culture rap. Du coup, on a pas les codes de la production de musique urbaine d’aujourd’hui parce qu’on est trop vieux. Ce qui nous a intéressé dans le rap des années 90, c’était le côté politique, violent que l’on peut retrouver chez IAM, NTM ou encore chez La Rumeur. Je pense que la mécanique d’écriture est la même pour toutes les chansons françaises. Il faut chercher des sons qui vont bien ensemble, des rimes, des allitérations.

Laurent : Lorsque l’on écoute Nekfeu, on retrouve la même manière de travailler que Boby Lapointe [compositeur et interprète des années 50 connu pour ses jeux de mots, ndlr].

Jean-Marc et Laurent. Crédit photo : Grégory Cherrier

Paul : Le système d’écriture de musique en français existe depuis très longtemps. Tout le monde se base sur les créations d’avant. C’est pour cette raison qu’il y a des ressemblances. Lorsque l’on écrit un texte, il faut que ça sonne. Le sens du mot a son importance mais aussi le rythme et le bruit du mot. Les rappeurs, tout comme nous, sont assez à cheval là-dessus. Mais il y a des caractéristiques dans le rap dans lesquelles je ne me retrouve pas. Lorenzo par exemple. C’est un mec intelligent mais il s’est créé un personnage. J’ai une petite fille qui va avoir 14 ans et quand on entend des textes de ce gars, c’est dégueulasse. Avant, le rap était underground donc les artistes étaient revanchards et en colère contre le système. C’était un moyen de s’exprimer pour revendiquer quelque chose. Maintenant, c’est le rock qui est la musique “underground”.

Laurent : Sinon, SkyRock ne s’appellerait pas SkyRock.

PN : Est-ce que vous êtes déçus que le rock’ n’ roll se soit fait dépasser par le rap ?

Jean-Marc Sauvagnargues (batteur) : On va y revenir. C’est cyclique. Toutes les modes sont cycliques.

Yves : Il y a encore plein de groupes de rock. Si tu aimes bien, tu trouves. C’est pas à la mode et il y a moins de place dans les médias mais ce n’est pas plus mal.

Laurent : Il y a un phénomène musical qui reflète son époque, dans un contexte social en plus. Le rock est né dans un certain contexte, le rap aussi. Il se trouve que l’on est de plus en plus urbain, que le rapport à la musique a évolué et que de générations en générations la culture [rock] se perd.

Crédit photo : Manu Hoorelbeke
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