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Les femmes puissantes gênent-elles ?

Les femmes puissantes gênent-elles ?

Lecture de l'ouvrage de Léa Salamé: Femmes puissantes

Le 9 septembre 2020, Léa Salamé sort un livre relatant des interviews passées avec des “femmes puissantes”, qui feront le titre de son œuvre. Au travers de douze femmes toutes aussi différentes les unes que les autres mais unies par l’adjectif “puissance”, la journaliste franco-libanaise nous fait découvrir les récits de ces dernières, dans ce recueil infiniment féministe.

Après Simone de Beauvoir, Simone Veil et tant d’autres qui ont su contribuer à l’affaiblissement de la doxa patriarcale et à la conscientisation populaire, cet ouvrage relate des expériences de femmes d’une nouvelle génération prenant désormais la relève dans une France où les écarts de rémunération hommes-femmes se pérennisent, parmi tant d’autres inégalités. Cet écrit nous livre un destin féminin, parfois empreint de la couleur de peau, de l’orientation sexuelle ou de la religion. Loin d’ébranler leurs convictions, les femmes s’en sont servies pour déjouer ce à quoi leur sexe féminin les contraignait, à des fins d’égalité avec leurs congénères masculins.

Des chemins différents, une même cause

Elles ont atteint le zénith du pouvoir dans leur domaine professionnel, et pour cela, on met en doute et questionne leur qualité de mères. Acculées à être de bonnes génitrices, de bonnes épouses, de bonnes ménagères mais jamais à faire carrière, ces femmes ont contrecarré l’androcratie, à leur échelle. Comme le déclare l’éditrice Sophie de Closets dans ce livre : “Tant que nous ne serons pas libérées de cette obligation de perfection dans tous les domaines, on ne sera pas émancipées de cette culpabilité permanente, qui nous fait constater toutes les cases qu’on n’arrive pas à cocher.”

Dans leurs styles parfois lapidaires, loquaces, intimidés ou modestes, de Leïla Slimani à Delphine Horvilleur, lesdites femmes puissantes sont féministes à leur façon, selon leurs interprétations de ce terme éminemment équivoque. Leurs différentes perceptions sur le mouvement #Metoo le démontrent : être féministe mais penser le mouvement #Metoo comme une incitation au puritanisme ? C’est possible, bien que cela s’avère être une aporie pour d’autres.

“Tant que nous ne serons pas libérées de cette obligation de perfection dans tous les domaines, on ne sera pas émancipées de cette culpabilité permanente, qui nous fait constater toutes les cases qu’on n’arrive pas à cocher.” – Sophie de Closets

Nonobstant des métiers différents, de rabbine à joueuse de tennis, en passant par cheffe d’entreprise, au-delà d’idéaux disparates, voire antinomiques, souvent imprégnées de leur sensibilité politique, elles ont toutes en commun le fait d’avoir su niveler l’égalité avec leurs pairs masculins. Si certaines d’entre elles sont nées bien loties, d’autres ont su grimper l’échelle sociale, en partant de rien, hormis de beaucoup de livres.

Et les autres ?

Les réussites professionnelles de ces femmes sont semblables aux représentations universelles que l’on se fait du succès professionnel, à l’exception peut-être de Delphine Horvilleur qui exerce la profession de rabbine. De surcroît, elles jouissent toutes d’une certaine notoriété – on ne peut nier le renom d’Elizabeth Badinter ou encore de Christiane Taubira. Sans remettre en cause ces figures incontournables, aucune femme sans profession ou dont la profession “banale”, peut-être aliénante, sans doute invisible, ne fait l’objet d’une interview dans cet ouvrage. Où sont présentes celles qui n’ont pu bénéficier de l’ascension sociale ? Ne sont-elles pas aussi puissantes ?

Malgré cela, cet ouvrage est porteur d’espoir pour celles qui sont nées au mauvais moment, au mauvais endroit, pour celles qui pensent leur trajectoire toute tracée, pour celles qui se pensent acculées à leur rôle de fille, puis de femme, pour celles qui estiment que leur religion entrave leurs libertés en tant que femme, pour celles qui espèrent ne pas tomber un jour dans le repli identitaire, pour celles qui souffrent du syndrome de l’imposteur, pour celles qui ne croient pas en elles, pour tout le monde, même les hommes, dont le patriarcat s’est érigé en loi d’airain.

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