Les hirondelles de Kaboul : un espoir d’envol ?

© Memento film distribution

Été 1998, le régime des talibans sème la terreur à Kaboul, capitale afghane. Au cœur de cette oppression, quatre personnages aux destins liés qui ont bouleversé 600 000 lecteurs en France. L’adaptation du roman au cinéma par Zabou Breitman et Éléa Gobbé-Mévellec suit cette lignée avec plus de 13 000 entrées en quelques jours. 

Un roman engagé 

En 2002, l’écrivain algérien Mohammed Moulessehoul se lance dans un pari en dénonçant, à travers son roman Les hirondelles de Kaboul, une cause qui lui est chère : l’émancipation des femmes musulmanes. Il utilise divers pseudonymes pour contrecarrer la censure militaire puis opte en 1997 pour Yasmina Khadra, le nom de son épouse. Les hirondelles de Kaboul est l’un des romans d’une trilogie composée de L’attentat (2005) et Les Sirènes de Bagdad (2006). Elle illustre les conflits entre l’Orient et l’Occident. 

Règne de la terreur, obligation du port du tchadri et interdiction de porter des chaussures blanches pour les femmes, lapidations, exécutions en public… tous les éléments sont réunis pour démontrer le mécanisme de la peur instauré par les talibans. Ce régime assujettit les individus de manière plus ou moins profonde. Dans ce récit, deux couples symbolisent les plus récalcitrants d’entre eux. 

Atiq entouré de femmes portant le tchadri
Copyright Memento Films Distribution

Mohsen et Zunaira, fous amoureux, rêvent d’un retour à un Kaboul passé où régnait la liberté. Mussarat, atteinte d’un cancer, et Atiq qui dirige une prison pour femmes, forment le second couple. Bien que son métier l’oblige à faire preuve de dureté, Atiq ne peut rester insensible face à l’injustice du régime dans lequel les femmes sont traitées comme de simples objets. Après un drame, Zunaira se retrouve enfermée dans la prison d’Atiq. Ce dernier, épris d’amour pour la jeune femme, se bat corps et âme pour qu’elle évite d’être injustement tuée.  

Une adaptation originale

D’abord reprit au théâtre en 2013 par la compagnie de marionnettes Nomades, le roman est adapté en septembre 2019 en film d’animation par Zabou Breitman et Éléa Gobbé-Mévellec. 

Pour sa première réalisation d’un film d’animation, Zabou Breitman pose ses conditions:

Zabou Breitman, lors d’une interview pour Le Monde

 

“Avant de voir un film d’animation, on voit d’abord un film. Je faisais le film d’animation à cette condition : que les personnages jouent bien, qu’ils aient la tête des acteurs et qu’ils soient tellement incarnés”.

 

 

 

C’est une méthode inédite, où les comédiens inspirent les animations. 

Zita Hanrot, Swann Arlaud, Simon Abkarian et Hiam Abbas se lancent alors dans un jeu d’acteur impressionnant mélangeant parfaitement terreur et espoir d’envol. La question “rester ou fuir ?” tourmente les protagonistes tout au long du film.

L’auteur du roman n’a pas mis son grain de sel en laissant carte blanche aux réalisatrices. En lisant le scénario, il a remarqué une modification de certains aspects tels que la profession de Zunaira: avocate dans le livre mais dessinatrice dans le film. Un choix loin d’être anodin puisque le régime interdisait le dessin de corps humains.

Un graphisme hyper-réaliste

Ce film reprend le mécanisme de la peur instauré à Kaboul à travers une violence omniprésente et bouleversante. Le graphisme d’Éléa Gobbé-Mévellec sublime cet obscurantisme tout en contrastant avec la brutalité du régime. L’utilisation de l’aquarelle et le style épuré nous donnent une image pleine de sensibilité, loin de la violence et des sons terrifiants. Le récit devient alors plus supportable pour le spectateur.

Une scène douce et intime renforcée par un style épuré

Les illustrations évoquent à la perfection l’ambiance de la capitale afghane, entre espoirs et désillusions. Leur réalisme est frappant aussi bien graphiquement qu’historiquement. La méthode utilisée par Zabou Breitman permet une retranscription parfaite des émotions et des gestes des personnages. Le spectateur s’imprègne de l’ambiance de Kaboul à travers cette méthode.

Une adaptation réussie ?

Ce film est salué par la critique : il a notamment reçu le Valois de diamant au 12e Festival du film francophone d’Angoulême mais a aussi été sélectionné dans la section “un certain regard” au festival de Cannes. Un travail à la hauteur du résultat puisque les deux réalisatrices ont travaillé sur ce projet six années durant.

Preuve de son audace, cette adaptation suscite une réflexion profonde, tant sur le manque d’humanité du régime des Talibans que sur le comportement des hommes. Certains adhèrent au régime tandis que d’autres s’y opposent ou du moins n’y participent pas. Le désir de rébellion est fort mais il ne peut se faire, l’opposition se manifeste par un simple attentisme. Ce film évoque aussi les répercussions psychologiques du régime. La banalisation des comportements opprimants envers les femmes crée une participation mécanique, sans véritable conviction, de la part des autres hommes.

On peut néanmoins reprocher au film un manque de contextualisation historique et géopolitique. L’auteur raconte l’histoire à travers le regard de quatre personnages créant de l’empathie voire de l’identification. Bouleversement et émotion vous submergeront tout au long de la projection…

La bande annonce

Maxence Grunfogel

Lise Pruvost

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