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Les reporters de guerre, défenseurs des droits de l’Homme

Les reporters de guerre, défenseurs des droits de l’Homme

La 26e édition du Prix Bayeux-Calvados s’est clôturée le 13 octobre avec la distinction de dix reportages en zones de conflit. Les correspondants de guerre primés ont tous en commun la volonté de dénoncer une situation humanitaire insupportable.

Du 7 au 13 octobre, les yeux des reporters de guerre se sont un peu éloignés du Moyen-Orient, du Sahel et de l’Amérique du Sud. Ils étaient rivés sur Bayeux, petite ville de la côte normande connue pour ses tapisseries classées au patrimoine mondial de l’UNESCO et sa proximité avec les plages du Débarquement. La localité accueillait comme chaque année le prix Bayeux-Calvados, unique festival français dédié aux correspondants de guerre. Ce prix récompense dix reportages ou photographies en zone de conflits.

En s’appuyant sur le rayonnement de son événement, Bayeux veut « devenir la capitale mondiale de la liberté de la presse et du journalisme de guerre« . Pour l’occasion, de grands formats macabres habillaient les rues : familles déchirées, combattants mutilés, civils terrorisés… D’autres représentaient au contraire le quotidien d’habitants ne se résignant pas à la destruction de leur lieu de vie.

Des mariés en Afghanistan – Farzana Wahidi / Lou Van Cauvenberghe

Cette année encore, le Moyen-Orient est très représenté dans les distinctions. Les travaux portant sur cette région explosive – et plus précisément sur la chute de Daesh – ont raflé la moitié des récompenses. Des reportages sur le Cachemire, le Venezuela et la République démocratique du Congo ont également été primés. Les personnes immortalisées sont des mères de familles, des enfants, des combattants de milices locales ou des militaires occidentaux. La douleur, la souffrance, la peur, la mort se ressentent à travers l’image.

La guerre et les droits de l’Homme

Dans leurs discours de remerciements, les vainqueurs s’emportent parfois à propos des conditions de vie des populations exposées aux combats. À l’image de Patrick Chauvel, récompensé pour ses reportages sur la chute de l’État islamique à Baghouz en Syrie : « Nous avons trahi les Kurdes, ce qui est irresponsable et dégueulasse. L’histoire se répète, les Kurdes sont devenus les harkis de la région. Il ne faut pas abandonner les gens. » Les journalistes et les photographes révèlent alors un visage différent des grands reporters sans-peur, avec leur gilet pare-balles, stressés lors des transferts en voiture blindée, parcourant les conflits de la planète. Et apparaissent plutôt comme des défenseurs des droits de l’Homme. Professionnels engagés car exposés à la brutalité, à la désolation, à la mort, à l’horreur de la guerre.

Dans son reportage, le journaliste allemand de Der Spiegel Fritz Schaap est tout à fait neutre quand il raconte la situation en République démocratique du Congo. Cette neutralité rend justement révoltante la condition du pays. Des milices attaquent des centres de soins et provoquent propagation du virus mortel Ebola et massacres ethniques. Cet article est à la pointe du grand reportage. Objectif, il dépeint une réalité intolérable. « L’ignorance et la guerre se font les complices du virus. » Là se trouve le talent du journaliste.

Surnaturel, le cliché de Ronaldo Schemidt immortalise la course d’un manifestant d’opposition en flammes au Venezuela. La photographie est fantastique, semble irréelle, cinématographique. Mais sa réalité fait prendre conscience de la violence employée par la police au Venezuela. Les couleurs de feu dépeignent l’enfer. Mais cet enfer est sur Terre,  subi par des citoyens en quête de liberté. Le photographe de guerre possède un don. Comment a-t-il réussi à être au bon endroit au bon moment ?

Reporters et ONG, même combat

L’ONG Amnesty International s’associait au festival dans une conférence intitulée « Raqqa, le prix de la libération ». Conseillère de l’organisation, Donatella Rovera dénonçait le manque de précision des frappes de la coalition : 80% de la ville syrienne est rasée car « la coalition utilise les mêmes obus d’artillerie que lors de la Seconde Guerre mondiale, ils sont imprécis et destructeurs ». La photographe de guerre Laurence Geai faisait remarquer : « Quand on met l’argent pour faire la guerre, il faut toujours prévoir l’argent pour la reconstruction d’après-guerre ». L’ONG s’associait ainsi au rôle des correspondants de guerre : dénoncer les conflits et les situations humanitaires intolérables qu’ils engendrent.

Plusieurs reporters ont dû quitter la cérémonie plus tôt que prévu, rattrapés par leur mission de couverture continue des conflits. Le président turc Erdogan annonçait au même moment que son armée allait envahir le Nord-Est de la Syrie pour combattre les Kurdes. Une décision géopolitique révoltante qui va encore fournir beaucoup de travail aux correspondants de guerre.

Mission permanente et périlleuse

Logiquement, ce travail est extrêmement dangereux. Le 13 octobre dernier, l’équipe de Stéphanie Pérez (grand reporter pour France Télévisions) essuyait une attaque. Elle se trouvait dans un convoi de civils kurdes pris pour cible par l’armée turque. Elle s’en est sortie indemne mais d’autres journalistes étrangers ont péri ou sont dans un état critique.

Plus dramatique, en 2014, la photojournaliste de 26 ans Camille Lepage était assassinée par une milice à Bangui, en plein milieu de la guerre civile qui faisait rage en Centrafrique. Elle couvrait ce conflit intestin pour dévoiler les massacres commis par des factions armées. Le réalisateur français Boris Lojkine a décidé de rendre hommage à cette reporter avec le film « Camille », au cinéma depuis le 16 octobre. Les critiques saluent ce biopic émouvant par sa réalité. La mère de cette journaliste martyre était présente à Bayeux. Son témoignage déchirant a ému toute l’assemblée. Un moment fort du festival.

Avec Lou Van Cauvenberghe

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