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L’Univers, un cinéma singulier où le spectateur est acteur

L’Univers, un cinéma singulier où le spectateur est acteur

Situé dans une petite rue du quartier Moulins, l’Univers est un cinéma qui propose bien plus que le confort de ses sièges rouges. C’est un lieu fort d’un projet culturel et citoyen où, de la programmation à la discussion, en passant par la création, le spectateur est un acteur.

Alors que – depuis le rachat du Métropole et du Majestic – les cinémas indépendants se font discrets dans le paysage urbain lillois, la singularité de l’Univers permet à la ville de conserver un peu de diversité parmi ses salles de projection. Sur la façade du 16 rue Georges Danton, une enseigne indique, très simplement, “cinéma”.

Mais l’Univers n’est pas un lieu de diffusion comme les autres. C’est un “miniplexe” où se conjuguent de nombreuses initiatives autour du septième art, dans un espace qui réunit une salle de projection, une salle d’exposition et même un “Labo”. Depuis les années 1950, le bâtiment est dédié aux images et aux films, d’abord à destination des publics scolaires puis véritable cinéma commercial d’art et d’essai jusqu’en 1993. En 1999, un collectif de sept associations propose à la mairie d’y assurer une programmation régulière : c’est le début de l’Univers, ce lieu où aujourd’hui, les activités autour des images foisonnent.

Un espace d’expression via la programmation

La programmation de l’Univers est singulière mais elle est faite au pluriel. Ce sont environ 60 associations adhérentes qui proposent des séances en fonction de leur sensibilité. De Amnesty International au Goethe-Institut en passant par le Bureau des Arts de Sciences Po Lille, les associations, aussi différentes soient-elles, sont des actrices essentielles du lieu. Elles assurent une programmation “inclassable et métissée, toujours surprenante”. Comme l’explique Marie, chargée d’administration et de coordination du projet global, “il n’y a pas forcément de coordination entre les associations”.

Alors, ce sont trois salariées, un trinôme féminin composé de Marion, Marie et Anaïs, qui coordonnent le tout et accompagnent les associations sans s’imposer. En effet, cette petite équipe n’a pas un programme éditorial strict mais tout de même un cadre, celui de l’éthique et de la légalité : “on ne veut pas de cinéma raciste”. Le cinéma étant hors du circuit classique de diffusion, un film ne peut être projeté qu’un an au minimum après sa sortie officielle en salle. C’est parce que la programmation est particulièrement diversifiée que les 92 fauteuils de l’Univers sont fréquentés par un public lui aussi hétéroclite. “Les programmations associatives, selon les thèmes et les formes abordés, ramènent des publics très différents”, souligne Marie.

La salle de projection, refaite en 2019 grâce à une subvention d’investissement de la région
La salle de projection, refaite en 2019 grâce à une subvention d’investissement de la région. © Olga Poyet / Pépère News

Cependant, le public ne vient pas majoritairement du quartier. Alors l’équipe de l’Univers en a fait une préoccupation. “Dans cette démarche-là, nous avons créé des ateliers de programmation pour donner l’occasion aux habitants de se réapproprier le cinéma”, déclare Marie. Elle explique concrètement comment cela se passe : “l’idée c’est que ceux-ci regardent plusieurs films sur plusieurs séances, et dans ces films en choisissent un pour le présenter au public et, le jour J, sont en charge de l’organisation complète de la séance”. Pour l’instant, coronavirus oblige, seul le groupe senior a pu s’y essayer. Mais l’engouement est au rendez-vous pour un projet qui mêle éducation à l’image et participation citoyenne à la vie du lieu culturel.

La cabine de projection est équipée pour la diffusion en numérique et en pellicule
La cabine de projection est équipée pour la diffusion en numérique et en pellicule. © Olga Poyet / Pépère News

Les séances et les ateliers pour les jeunes de 3 à 16 ans sont particulièrement présents à l’Univers, qui, depuis 2008, a intensément développé son activité d’éducation à l’image. Tandis que les 3-5 ans découvrent le cinéma en tant qu’espace, les plus grands abordent le septième art en tant que mode d’expression et forme artistique. Entre la salle d’exposition et le bar, des dessins d’enfants sont accrochés au mur. “Ça c’est l’atelier d’hier, on a fait une projection qui s’appelaitDans la ville’, précise Marie. Les enfants ont assisté à une séance de courts métrages, puis une intervenante a ramené plein d’objets du quotidien : une chaussure, des entonnoirs… Elle a demandé aux enfants de dessiner la silhouette d’un objet et, une fois la forme découpée, d’imaginer vivre dedans”. Le but, déclare-t-elle, c’est “d’avoir les deux aspects, spectateur attentif et ensuite acteur, soit pour comprendre la technique utilisée soit pour parler d’une thématique. Mais sous deux angles différents, avec deux moyens d’expressions différents : le cinéma et la musique ou l’art plastique, par exemple”.

Le Labo, du regard sur l’image à sa fabrication

Ce qui fait de l’Univers une constellation si particulière, c’est la présence, depuis 2015, du “Labo”. Au moment où le cinéma s’est équipé d’un projecteur numérique, l’équipe a voulu conserver tout un savoir-faire et une histoire autour de l’argentique, qu’il leur paraît important de croiser avec les nouvelles pratiques. Une adhésion annuelle au Labo photo, de 60 euros (pour les étudiants) à 75 euros, permet de profiter des équipements numériques et argentiques. Le Labo est également ouvert aux projets cinématographiques. Le lieu peut accompagner jusqu’à cinq projets par an, majoritairement des courts métrages, de l’écriture jusqu’à la réalisation en passant par la formation technique. Le Labo est un lieu “d’expérimentation collective” qui relie l’observation à la création.

Le Labo photo, pièce maîtresse de l’Univers
Le Labo photo, pièce maîtresse de l’Univers. © Olga Poyet / Pépère News

“Nous ne sommes pas une école, indique Marie, mais un lieu de formation de pair-à-pair. Les adhérents ont tous un niveau de connaissance différent, ils apprennent les uns des autres”. Anaïs, qui a rejoint l’équipe en 2020, s’occupe de coordonner les activités du Labo qui prennent de l’ampleur ces dernières années. Du 25 au 27 juin, se tiendra la 4e édition du festival Traitements Croisés. Les adhérents présenteront leurs réalisations dans une exposition en collaboration avec l’Institut pour la photographie de Lille. Des projections et des ateliers techniques sont également au programme. Dimanche 27 juin, quelque 25 inscrits se feront tirer le portrait à la chambre, entre midi et deux.

Le cinéma a rouvert le 19 mai, mais la fréquence de programmation “accuse un peu le coup de la réouverture au début de l’été” alors que “les associations redémarrent leurs propres activités”, explique Marie. Toutefois, le programme global reste dense : “on essaye de faire en deux mois et demi, une saison de dix mois !” Si le Covid déclare forfait, l’univers du septième art devrait reconquérir de plus belle le lieu en septembre, après une pause estivale en août.

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