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L’Université de Lille distribue des protections hygéniques écolos aux étudiants

L’Université de Lille distribue des protections hygéniques écolos aux étudiants

l'Université de Lille distribue des protections hygiénique écologiques à ses étudiants

Du 11 au 15 janvier dernier, l’Université de Lille organisait une distribution de protections hygiéniques écoresponsables à destination des étudiants. Après avoir réservé un créneau en ligne, s’être muni d’une carte étudiante, les bénéficiaires se sont rendus au campus Cité Scientifique. L’action sera reconduite prochainement. 

Sur place, les étudiants sont accueillis par de jeunes bénévoles. Parmi eux, Gwenola Abelli, en service civique au Développement Durable et Responsabilité Sociale (DDRS), chargée des questions sur l’égalité femme-homme. Leur accueil se veut chaleureux et décomplexant.

Lutter contre la précarité menstruelle étudiante

Pas toujours facile d’accepter de l’aide. La précarité menstruelle étudiante demeure tabou, enfouie sous la honte et le sexisme. Mis en confiance, les étudiants ont alors le choix entre deux serviettes lavables ou une coupe menstruelle. Souvent peu habitués à ces alternatives écolos, ils récoltent un tas de conseils d’utilisation et de lavage. Ils repartent également avec un sac de la part de l’Agence Régionale de Santé des Haut-de-France. À l’intérieur : deux masques lavables, un eco-cup, du gel hydro-alcoolique, un préservatif masculin, un éthylotest à usage unique, des bouchons d’oreilles et des prospectus de prévention contre les risques sanitaires actuels, la consommation de drogue et d’alcool. Tout pour assurer santé et sécurité.

Ce n’est pas la première fois que l’Université de Lille s’engage contre la précarité menstruelle étudiante. Elle organise régulièrement des distributions, financées par la Contribution de Vie Étudiante et de Campus (CVEC). Tout étudiant, excepté les boursiers, a dû s’acquitter de cette participation financière en s’inscrivant en début d’année. Ainsi, les richesses sont redistribuées. Des initiatives pour cultiver la vie étudiante fleurissent. En 2020, l’Université a commandé 1.300 coupes menstruelles et 1.800 serviettes lavables. Les distributions programmées en mars et juin ont été compromises par le confinement. Mais la partie a été remise à Pont de Bois en décembre et à Cité Scientifique en janvier. Environ 500 étudiants se sont rendus à la dernière distribution. L’action sera reconduite dès que le budget 2021 de l’Université sera validé, et le nouveau stock commandé. Selon Loïs, étudiant à Lille 3, l’initiative est une porte d’entrée qui pourrait être améliorée et élargie. Selon Solène, étudiante à Lille 1, les formulaires d’inscription sont un moyen assez impersonnel de procéder, face à des étudiants souvent isolés dans leur précarité. Un contact au préalable, plus humain, serait le bienvenu.

https://twitter.com/univ_lille/status/1346804927541227520?s=20

Un exemple de convergence des luttes 

La question des règles est à la croisée de problèmes de société, que la crise sanitaire a cristallisés. L’accès aux protections hygiéniques coûte cher, pollue, et enfonce des personnes déjà discriminées ou en difficulté.

L’instabilité financière touche un quotidien entier, jusqu’aux temps les plus intimes : les règles. À l’échelle d’une vie, une personne menstruée dépense en moyenne 1.750 euros. La précarité menstruelle, c’est quand ces produits de première nécessité deviennent un luxe. Les plus modestes sont confrontés à des choix impossibles, faute de moyens. Dilemme entre acheter un paquet de pâtes ou de tampons. 1,7 million de Français sont concernés. Les étudiants, en précarité accrue depuis la crise sanitaire, sont durement touchés. Loïs estime son budget à 30 euros par cycle. Malade chronique, il doit acheter protections, médicaments, bouillotte et autres antidouleurs, dans un budget étudiant déjà serré. Pour lui, chaque cycle est “un gouffre financier” et représente “une charge mentale énorme”.

Une récente enquête IPSOS commandée par la FAGE – Fédération des Associations Générales Etudiantes – montre qu’un tiers des étudiants a eu des difficultés à s’acheter des protections périodiques pendant le premier confinement. Loïs confirme. N’ayant pas eu accès à un job alimentaire, ses ressources sont d’autant plus limitées. En dehors du contexte sanitaire, il n’existe pas de réelles données pour chiffrer un problème qui paraît pourtant si massif. Mais à mesure que les tabous et discriminations s’atténuent, le débat public s’empare de l’affaire. Des organisations étudiantes ont lancé une enquête d’envergure. Les résultats seront visibles début février.

Un pas pour l’écologie

Au-delà du coût financier, les protections périodiques “classiques” représentent un coût considérable pour la planète. Dans les années 1960, les Français découvrent les tampons et serviettes jetables. Ce qui était alors une révolution se transorme en drame écologique et sanitaire. Au cours de sa vie, une personne menstruée est susceptible de consommer 10.000 à 15.000 protections jetables. Au total chaque année, 45 milliards de protections périodiques sont jetées. Or, cette quantité écrasante de déchets ne met pas moins de 500 ans à se dégrader. Les protections conventionnelles contiennent souvent des produits nocifs : chlore, lindane, glyphosate, quintozène, etc. Autant de perturbateurs endocriniens et produits cancérigènes passibles d’entraver la fertilité et de provoquer un choc toxique.

Face au problème, l’Université de Lille remplace en 2019 les protections jetables par des protections écologiques lors de ses distributions. Elle se tourne vers des marques aussi locales, pratiques et responsables que possible : Claripharm pour les coupes, Dans Ma Culotte et Déesse Padma pour les serviettes. Pour Solène, la distribution est une bonne opportunité de tester gratuitement ces alternatives, quitte à les adopter par la suite. Loïs n’aurait pas pu se lancer dans des alternantives écologiques sans cette distribution. Il avait “l’envie mais pas les moyens”. En effet, si ces méthodes sont plus économiques à long terme, elles représentent un investissement important en premier lieu. Même si les considérations écologiques sont louables, Solène regrette que l’Université soit passée au tout-écolo. Les protections jetables pourraient en effet être plus adaptées à certaines situations de précarité.

Une action nécessaire mais marginale

500 bénéficiaires par distribution, c’est peu face aux 75.000 étudiants que compte l’Université de Lille. Si l’action est nécessaire, son envergure déçoit. Des collectifs féministes invitent à voir plus loin, à rêver plus grand. En réaction à l’intervention d’Emmanuel Macron sur le sujet, des associations prennent la parole. Fondation des femmes, Georgette Sand et Règles Elémentaires signent un communiqué de presse le 11 décembre. Elles invitent à des actions concrètes : mise à disposition de protections gratuites pour les personnes précaires et dans les milieux scolaires. Le 15 décembre, Elisabeth Moreno et Olivier Véran font une annonce retantissante. Le budget alloué à la lutte contre la précarité menstruelle devrait passer de 1 à 5 millions d’euros en 2021. Un pas de plus vers un système à l’écossaise, où a été voté cet automne la gratuité universelle des protections périodiques ?

L’action de l’Université de Lille demeure marginale. Mais les initiatives positives pour les étudiants se font si rares en tant de Covid que celle-ci offre une perspective d’espoir. Ces distributions luttent à la fois contre la précarité étudiante et pour l’écologie. En somme, fin du monde, fin du cycle, fin du mois : même combat. 

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