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Malcolm & Marie, les conséquences des non-dits

Malcolm & Marie, les conséquences des non-dits

Malcolm & Marie

Réalisé discrètement en seulement quatorze jours durant le premier confinement, Malcolm & Marie est disponible depuis le 05 février sur la plateforme Netflix. Une œuvre théâtrale livrée à l’écran en noir et blanc, où les scènes de ménage viennent troubler le calme d’une demeure isolée.

Le film, tourné en huis-clos, est le résultat d’un scénario écrit et terminé en six jours à peine par son réalisateur Sam Levinson, à qui l’on doit Assassination Nation et Euphoria. Dans celui-ci, Malcolm (John David Washington) et Marie (Zendaya) rentrent chez eux après avoir assisté à la première du nouveau film de Malcolm. Ce dernier laisse d’abord éclater son enthousiasme suite aux critiques reçues mais déchante vite lorsque Marie commence à l’accabler de reproches. Et à raison : parmi toutes les personnes que Malcolm a remerciées ce soir, il l’a oubliée.

Quand la muse sort de son mutisme

Marie, somptueuse dans sa robe de gala, prépare silencieusement ses « Mac and cheese » tandis que Malcolm se félicite de son succès, un verre de scotch en main. Les reproches de la jeune femme sont silencieux, Malcolm est trop porté sur lui-même pour s’en apercevoir. Mais inévitablement, la dispute éclate et le couple vide enfin son sac. Le face-à-face est étouffant, chacun a des reproches à faire, des paroles trop longtemps gardées et la goutte d’eau vient d’être versée. Une épreuve subie par tous les couples un jour ou l’autre, où les sentiments sont mis à l’épreuve. Les différends au sein d’un mariage est un thème assez banal en soi, ce qui a valu au film d’être souvent comparé à Marriage Story sorti un an plus tôt. Mais Malcolm & Marie a su se désolidariser de cette comparaison injuste pour devenir une œuvre incroyablement belle et intense. Un film rythmé où les monologues, puissants, s’enchaînent et dans lequel chacun balance sa vérité crue au visage de l’autre. Le long-métrage oscille entre ses moments de calme et ses dialogues véhéments, entre tensions insupportables et scènes d’amour passionné.

Malcolm & Marie
Malcolm (John Washington) et Marie (Zendaya) après une nouvelle dispute. © Netflix

Cette dispute est autant un conflit entre deux personnes qui s’aiment qu’un différend entre un artiste et sa muse. Marie accuse en effet Malcolm de s’être inspiré d’elle pour le film qui lui a valu tant de compliments. Sam Levinson ne fait pas qu’étudier le couple, il interroge le cinéma et plus globalement, la création artistique. La reconnaissance recherchée par des réalisateurs égocentriques, le lien systématique fait entre la production d’un artiste noir et la dénonciation du racisme supposée par les critiques, et l’égocentrisme des personnages sont ainsi soigneusement sondés par l’œil de la caméra. Comment, en tant que cinéaste noir, parler de son époque sans rentrer dans le politique ? Malcolm & Marie est donc très actuel et pose des questions sociologiques intéressantes dans l’ère des mouvements Black Lives Matter et #MeToo.

Zendaya, celle que l’on n’oubliera pas

Malcolm & Marie est un film réalisé en un temps record : écrit en six jours et réalisé en seulement quatorze. Tourné uniquement de nuit pendant le premier confinement avec une équipe comptant 22 personnes, le long-métrage d’1 heure 46 est filmé en 35 mm. Comme une métaphore de la part de ces passionnés, venus créer alors même que la période ne s’y prête pas, et suivant deux personnages enfermés dont la fureur éclate alors que nous étions confinés. Ce huis-clos minimaliste aux moyens limités nous offre des plans très épurés épousant l’architecture de la maison. Grande demeure qui enferme malgré tout les personnages dans leurs tourments, les oppresse jusqu’à explosion. La caméra suit entre deux musiques jazz les accrochages des deux protagonistes durant la nuit, presque en temps réel. Nonobstant ses grandes qualités, le film, un peu trop long, fait rapidement du surplace avec ses tirades à rallonge et le noir et blanc, bien qu’élégant, n’apporte pas grand-chose à la réalisation si ce n’est un effet de style supplémentaire.

Malcolm & Marie
Zendaya est incroyable à l’écran. © Netflix

Le jeu des acteurs est théâtral : les monologues s’enchaînent et chacun finit par hausser le ton. John Washington excelle dans son rôle bien mieux que dans Tenet, car bien qu’assez caricatural, le film et ses tirades dramatiques se prêtent mieux à l’exposition de ses talents. Qu’il balance ses vérités à Marie ou qu’il pète un plomb suite à la critique pourtant positive d’une journaliste, son interprétation de Malcolm n’en reste pas moins impressionnante. Pourtant, c’est Zendaya qui lui vole la vedette. La jeune femme, grandiose du haut de ses 24 ans, crève l’écran. C’est la première fois que l’actrice, touchante et juste dans le rôle de Marie, obtient le premier rôle féminin dans un film. Son interprétation bouleversante est à couper le souffle et elle ne cesse de nous impressionner un peu plus à chaque scène. Parfois odieuse, parfois fragile, Marie est un personnage qui laisse le champ libre à l’actrice pour étaler le florilège de ses talents sous nos yeux, nous éblouissant complètement. Si le film peut paraître lent et parfois ennuyeux, il suffit de porter son regard sur Zendaya pour aller mieux. Si l’actrice n’avait plus rien à prouver depuis Euphoria, elle est ici saisissante et fait partie intégrante de la beauté du long-métrage.

Malcolm & Marie est un film un peu répétitif s’étendant en longueur, mais qui ne manque sûrement pas de passion. Les acteurs sont remarquables et les plans mémorables, épousés par un noir et blanc élégant pour un film qui, on l’espère, trouvera son public.

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