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Miss, une comédie attendrissante qui interroge sur la transidentité

Miss, une comédie attendrissante qui interroge sur la transidentité

Extrait du film Miss de Ruben Alves

“Une fable libératrice pleine d’humour qui redéfinit la notion de féminité et appelle à aimer nos différences”, selon LCI. Une fable sensible qui interroge la notion de féminité”, pour La Voix du Nord. Largement salué par la critique, Miss est sorti le 21 octobre dernier. Revenons sur ce film à la fois touchant et dénonciateur.

Dans cette comédie française émouvante et engagée, Alexandre Wetter joue un jeune homme du même nom qui navigue entre les genres. Son souhait le plus cher depuis l’enfance : devenir Miss France. À 26 ans, Alex trouve enfin le courage de s’assumer et, sortant de son genre d’homme, se lance dans la compétition.

Une critique de la place des femmes

Ruben Alves, le réalisateur, expose dans Miss les coulisses quelque peu édulcorées des concours de beauté. Cependant, le film ne s’arrête pas là. En quête de sa féminité, Alex nous fait remettre en question cette notion. Et c’est grâce à des personnages engagés et hauts en couleur que le réalisateur soulève de nombreux problèmes sociétaux. Il fait réfléchir sur la place de la femme dans la société et l’influence des concours de beauté, mais aussi sur les conditions de vie des prostituées. Les personnages de Yolande, mère de famille, jouée par Isabelle Nanty, et de Lola, une prostituée transgenre au rôle de mentor pour Alex, permettent de donner un nouvel angle au film.

Loin de mettre en exergue les concours de beauté, le film relativise le propos. Yolande fait une diatribe contre les concours de Miss, dénonçant l’objectification de la femme et la trop grande place accordée aux physiques “parfaits”. Par ailleurs, le personnage de Lola permet de montrer les vies dégradantes et dangereuses des prostituées. Lors d’une belle tirade, Lola juge la valeur d’Alex lui donnant un prix par rapport à son physique et à sa jeunesse, objectifiant là encore la femme, ne la réduisant qu’à un jouet sexuel sans évoquer ni intelligence, ni émotion.

Harcèlement sexuel, tabous, misogynie, sexisme, machisme… Le film nous donne un échantillon de ce qu’une femme subit tout au long de sa vie. D’Alexandre à Alexandra, le personnage principal affronte critiques et découragements mais garde la tête haute en s’affirmant, avec l’aide d’alliés et d’amis, dans ce monde qui tend à le rejeter.

Vivre sa transidentité

Tout au long du film, le personnage principal s’identifie à un genre différent de son genre de naissance. Sans pour autant s’affirmer transgenre, il se sent plus fort en femme”. Sans faire de démarche chirurgicale, il porte un corset pour affiner sa taille et rembourre ses soutiens-gorge.

Sam*, un jeune homme de 21 ans, nous a raconté son parcours et les épreuves qu’il a dû affronter pour s’affirmer. Ses parents, peu compréhensifs, associaient cette quête de genre à son homosexualité ou à une envie de se faire remarquer. Face à leurs nombreuses critiques et refoulements forcés, le jeune homme a eu beaucoup de mal à s’accepter. Mais son frère et sa copine étaient là pour lui : “Mon frère a bien voulu me passer l’un de ses pulls, que je portais H24, du coup ma mère a essayé de le jeter plusieurs fois, m’a fait du chantage pour s’en débarrasser mais je l’ai gardé. […] Ça m’a freiné des années et j’avais honte de me regarder dans le miroir.”

Certains parents plus tolérants et attentionnés acceptent la différence de leur enfant. Néanmoins ce changement reste souvent compliqué pour eux. Ils ont parfois du mal à le comprendre ou font des amalgames. C’est le cas de la famille d’un autre adolescent transgenre de 14 ans. “Maintenant que j’ai fait ma transition, lorsque je mets des vêtements dits féminins, une robe, une jupe ou autre, ou que je me maquille, ma famille est déroutée, pense que je suis indécis. Elle est compréhensive et bienveillante, mais reste influencée par les stéréotypes de genre. Or cela n’a rien à voir, ce n’est pas parce que je m’habille de façon féminine que je redeviens une fille.”

Enfin, même si la famille est le premier rempart face à l’acceptation de soi, la société, l’école, et le regard extérieur influent aussi : Depuis ma naissance j’ai été élevée par mes sœurs et ma mère, avec l’absence de mon père je n’ai pas grandi avec l’image du garçon de la société, et c’est à l’école que j’ai vite compris que je n’étais pas celui que tout le monde voyait” raconte Ana*, une jeune femme transgenre.

Une transidentité encore trop peu représentée dans la société

Parents et proches qui ne veulent ou ne peuvent pas comprendre, manque d’éducation de la population sur ce sujet (notamment sur le vocabulaire à employer), transphobie et moquerie, les personnes transgenres ont encore beaucoup de mal à faire valoir leur place dans la société et à être acceptées.

En décembre 2018, l’Espagne était le premier pays au monde à envoyer une candidate transgenre en finale d’un concours de beauté. En France le règlement des concours de Miss stipule maintenant qu’il faut être “de sexe féminin” et non plus être “né de sexe féminin”. Pour Sylvie Tellier, directrice générale de la société Miss France, une candidature transgenre n’est donc pas “interdite dans le règlement mais reste compliquée dans les faits”. La France n’a pour le moment jamais présenté de candidate transgenre.

Par ailleurs, malgré les efforts du cinéma pour faire parler de la cause, il y a encore trop peu de représentations transgenres à l’écran et certaines personnes transgenres déplorent que de tels personnages soient joués par des acteurs cisgenres et “détournés ou clichés”. Pour d’autres, le problème principal des films traitant de transidentité est qu’ils restent “dans un schéma très binaire, sont interprétés et réalisés par des personnes cisgenres parfois maladroites dans leurs propos”

*Tous les prénoms ont été modifiés.

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