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Municipales : À la recherche des partis politiques

Municipales : À la recherche des partis politiques

(crédit photo : Louison Leroy)

À quelques jours du premier tour du scrutin, la campagne des municipales bat son plein à Lille. Mais dans le tumulte de la compétition entre les candidats au Beffroi, un mystérieux phénomène frappe la ville : les partis politiques semblent avoir disparu ! Alors munissez-vous de votre plus belle casquette d’inspecteur et tendez votre loupe, le Pépère News part à leur recherche et mène l’enquête à vos côtés.

Top-départ. Le sprint des élections municipales est lancé et tous les prétendants à la mairie semblent être partis bien à temps des starting-blocks. Les athlètes bien échauffés peuvent compter sur le soutien de leurs fidèles supporters ainsi que sur celui, naturel, de leurs équipes de campagne respectives pour espérer remporter la course. Or, un acteur indispensable se fait pourtant très discret au milieu de cette foule d’encouragements. Régulièrement pointé du doigt, accusé voire méprisé, le parti politique semble banni de toute compétition. Absent des discours, des affiches, des tracts… Bref, recalé. Alors comment ces organisations politiques au pouvoir d’ordinaire si structurant sont-elles passées d’acteurs incontournables à persona non grata ? Les candidats s’affranchissent-t-ils réellement des partis ? En d’autres termes, les partis sont-ils partis ?

Un vrai jeu de cache-cache

Charlie semble avoir laissé son bonnet à pompon rouge à La France Insoumise (LFI), La République En Marche (LREM), le Rassemblement national (RN) ou Les Républicains (LR) et Parti socialiste (PS). En effet, aucune trace des partis politiques. Certainement bien cachés, ils ne peuvent pas être bien loin. Pour les trouver, l’expérience n’est en apparence pas difficile en période électorale. Vous pensez qu’il suffit d’arpenter les rues de la ville aux abords des différentes permanences de campagne pour enfin mettre la main sur ces étiquettes partisanes clairement identifiables par leurs identités visuelles, de la rose rouge à la flamme tricolore. En vain. À l’exception d’une seule formation, aucune liste à Lille n’affiche ostensiblement le moindre symbole ou slogan qui fasse référence au parti politique affilié au candidat investi.

Le local de campagne de Violette Spillebout, candidate LREM à Lille
À Lille, aucun signe distinctif sur la permanence de campagne de Violette Spillebout ne laisse deviner la couleur politique de la candidate La République En Marche. (Crédit photo : Louison Leroy)

La candidate LREM Violette Spillebout – dont la permanence de campagne figure ci-dessus – peut être rassurée, l’effacement des partis n’épargne personne. Voyez par vous-même. Le logo du mouvement de Jean-Luc Mélenchon se fait lui aussi timide sur le site internet de la liste présentée par La France Insoumise à Lille. Même chose pour la rose tendue du PS qui se fait toute petite sur les affiches et sur le site de la liste menée par la maire sortante, Martine Aubry, grande favorite du scrutin. Celle qui dirige la ville depuis dix-neuf ans semble en effet ne plus sentir le besoin d’afficher son étiquette. La marque Aubry étant certainement plus vendeuse que la marque PS à Lille.

Les formations politiques lissent leurs images, polissent leurs angles et avancent masquées. Une stratégie troublante pour les électeurs, au point que les différents slogans de campagne se fondent dans un ensemble homogène. Pas facile d’imaginer spontanément la liste associée au slogan “Décidez pour Lille“. Plus dur, encore, de trouver qui se cache derrière le slogan “Tous pour les Lillois“. Enfin, chapeau à celui ou celle qui devine que le slogan “Faire respirer Lille” n’appartienne pas à la liste des Verts, mais bien à celle de La République En Marche. L’objectif est clair, rassembler au-delà des clivages partisans.

Des élections moins partisanes ?

En mars, on vote pour un maire et pas pour un parti.” Les électeurs feraient abstraction des étiquettes partisanes pour Alexandre Bitam, membre de l’équipe de campagne de la liste Tous pour les Lillois menée par le candidat Les Républicains Marc-Philippe Daubresse. Le militant qualifie la campagne de la liste de droite de “rassembleuse, ouverte et transpartisane”, en atteste l’alliance avec l’ex-candidat de centre-droit Thierry Pochet ainsi que l’ancienne marcheuse, Valérie Petit.

Si les récents résultats électoraux du parti laissent penser que la liste délaisse une étiquette de plus en plus lourde à porter, ce-dernier ne remet pas en cause l’image du parti de droite. “Nous ne cachons pas l’investiture Les Républicains de notre candidat Marc-Philippe Daubresse”, précise-t-il. Cependant, il reconnaît opter pour une stratégie d’un genre nouveau. “Nous vivons dans une époque où les choses bougent, c’est pourquoi nous refusons de nous enfermer dans une digue idéologique.” C’est donc à cela que se résumerait, aujourd’hui, le parti politique.

La permanence de campagne des Verts, à Lille
Impossible de passer à côté du local de campagne de la liste présentée par Europe Écologie Les Verts dans la capitale des Flandres. (Crédit photo : Louison Leroy)

Tous les partis semblent se tapir. Tous ? Non ! Une seule liste peuplée d’irréductibles écologistes résiste à l’envahisseur et cette fois-ci, difficile de rater le tournesol jaune que brandit fièrement la permanence du candidat Stéphane Baly. Surfant sur de bons résultats aux élections européennes en 2019, Europe Écologie Les Verts (EÉLV) fait figure d’exception et se distingue de ses concurrents directs. Pour Maroin Al Dandachi, co-secrétaire des Verts à Lille, jeter les étiquettes politiques aux oubliettes n’est rien d’autre qu’une “escroquerie électorale“. Il se justifie : “En se cachant derrière des visages, on trompe-l’œil des électeurs. Nous, nous avons la capacité de rassembler sans s’affranchir de notre parti.” Un discours toutefois plus facile à entretenir quand sa famille politique a le vent en poupe.

Le parti, ennemi politique numéro un

Mais pourquoi jouer au caméléon ? Les partis politiques ne vendent plus ? Cela ne fait aucun doute pour Rémi Lefebvre, enseignant-chercheur en science politique à l’Université de Lille et à Sciences Po. “Ce sont les institutions les plus détestées. Elles sont associées à la trahison, à la corruption et à tout un lot de représentations négatives”, explique-t-il. Pas étonnant donc que les candidats cherchent à s’en affranchir. Il ajoute : “Aujourd’hui, le fonctionnement des partis se base sur des élus qui ne se réclament pas d’eux”. Je t’aime, moi non plus.

“Les partis sont invisibles et omniprésents.” Six mots suffisent à l’enseignant pour faire état de la situation. Pour lui, les partis politiques mènent un double jeu : “Ils sont cachés vis-à-vis de l’opinion mais en réalité, ils sont partout.” Si cela ne frappe pas au premier coup d’œil, ce-dernier insiste cependant sur l’importance des élections municipales pour les partis : “Ils ont besoin de cadres car la véritable ressource des partis ce ne sont pas leurs adhérents, mais bien leurs élus.” Un enjeu d’autant plus vital pour la droite ou pour le Parti socialiste, à qui ces élections municipales offrent une ultime chance d’exister.

La maire sortante, Martine Aubry, en campagne à Lille
Sur les affiches de la liste menée par Martine Aubry, la rose rouge du Parti socialiste fait pâle figure face à la maire sortante. (Crédit photo : Louison Leroy)

Ils nous échappaient, mais on les tient enfin. Nous sommes parvenus à mettre la main sur les partis. Une discrétion révélatrice des contradictions que les candidats entretiennent avec eux : distants et proches à la fois, autonomes et dépendants, libres et prisonniers. Mais une chose est sûre, même si l’on tente de s’en éloigner, le parti n’est jamais bien loin.

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