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Nightline Lille, un service d’écoute nocturne par et pour les étudiants

Nightline Lille, un service d’écoute nocturne par et pour les étudiants

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Lancé en 2016 à Paris par un étudiant revenu de Dublin, Nightline, un service d’écoute nocturne tenu par des bénévoles formés à l’écoute active, déploie son antenne à Lille. Gratuits, bienveillants, non directifs, sans jugements et anonymes, les appels débuteront le 12 novembre, de 21h à 02h30. Un tchat est également à la disposition des étudiants.

Dépression, anxiété, pensées suicidaires… La vie étudiante ne se résume pas qu’à faire la fête et vivre les plus belles années de sa vie. Trop souvent réduits à la psychiatrie, les problèmes de santé mentale peuvent affecter n’importe qui. Or, il existe une forme de tabou autour des troubles psychiques, alimentée par un faible niveau de connaissance de la population, des proches et des aidants professionnels. Une bonne santé mentale ne se résume pas à l’absence de troubles mentaux. L’objectif que s’est alors fixé Nightline : déstigmatiser et démocratiser l’idée de santé mentale, en particulier pour les étudiants. Rencontre avec Simon Lottier, président de Nightline Lille.

Un cadre bienveillant et confidentiel

Les étudiants peuvent appeler pour tout. « Notre but, c’est d’être présent pour les étudiants qui en auraient envie ou besoin, pour ceux qui se sentiraient seuls, ou tout simplement pour ceux qui ressentiraient le besoin de parler, sur quelque sujet qui soit », indique Simon Lottier, président de Nightline Lille. Au-delà des appels, un tchat est mis à disposition des étudiants qui ne souhaiteraient pas téléphoner.

L’association repose sur quatre grands principes. L’anonymat, pour les étudiants qui appellent comme pour les bénévoles, pour se confier sereinement. La confidence, tout ce que l’étudiant confie reste entre le ou la bénévole et lui. La non-directivité, l’étudiant est maître de la conversation là où les bénévoles l’aident simplement à exprimer librement ses sentiments. L’absence de jugement, il n’y a pas de mauvaise raison d’appeler, les bénévoles ne hiérarchisent pas l’importance des sujets et n’ont aucun tabou. « On n’est pas des psychologues donc on ne donne pas de conseils, notre but est d’être une oreille attentive. »

Simon a 23 ans. Il a décidé de s’engager dans l’associatif il y a trois ans et demi, alors étudiant en école d’ingénieurs à Paris. « J’avais vu pas mal de gens autour de moi qui n’allaient pas bien et j’avais beaucoup joué ce rôle d’écoutant. J’ai compris qu’on pouvait ne pas forcément donner de conseils car c’est difficile de les rendre applicables à la situation de la personne que l’on a en face de nous. Je me suis rendu compte que beaucoup de gens avaient simplement besoin d’être écoutés. »

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Pamplemousse Magazine et Bordel de Droit ont réalisé une enquête sur la santé mentale des étudiants en situation de confinement, auprès de 4 580 étudiants en droit, courant avril 2020. L’enquête révèle des chiffres alarmants. © Pamplemousse Magazine et Bordel de Droit

Au bout du fil ou derrière l’écran d’ordinateur, tous sont étudiants. « On est formés à l’écoute active par des bénévoles plus expérimentés », explique Simon Lottier. Après une phase d’entretien et de recrutement, les bénévoles sont formés deux week-end durant autour des quatre principes de l’association. Cette formation initiale est élaborée en partenariat avec des psychologues spécialistes de l’écoute. « On apprend que certains appels nous obligeront à réagir de manières différentes. On fait ensuite beaucoup de roleplay et d’entraînement pour se mettre en condition aussi proche que réelle, et après c’est parti, on devient bénévole écoutant. » L’écoute active, c’est le fait que la discussion soit centrée sur la personne qui parle, tout en restant actif dans l’objectif de discuter, d’être présent et de montrer à la personne que l’on est là pour elle.

Les étudiants peuvent véritablement appeler pour tout. D’un problème particulier sur lequel ils veulent se confier à une discussion pour parler cinéma, toutes les raisons sont bonnes pour appeler ou tchater. « Les étudiants nous appellent principalement pour la vie personnelle, mais certains veulent juste papoter. D’autres vont aborder des sujets plus sérieux. Certains ont vécu des choses horribles et c’est plus fréquent qu’on ne le pense. » 

La santé mentale étudiante, quésaco ?

Entre le stress des cours, financier, du job étudiant, le chemin des études se transforme souvent en véritable parcours du combattant. Pour faire simple, la santé mentale c’est l’état d’équilibre individuel et collectif qui permet de se maintenir en bonne santé malgré les épreuves et difficultés. Elle ne consiste pas seulement en une absence de maladie psychologique. En 2017, ce sont 2/3 des étudiants qui présentaient des signes de dépression (tristesse, pensées suicidaires, trouble du sommeil…). Et le confinement ne vient rien arranger, au contraire. Durant cette période, 1 étudiant sur 10 estime avoir besoin de soutien psychologique.

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© Pamplemousse Magazine et Bordel de Droit

L’isolement augmente les risques de dépression et d’anxiété chez les étudiants. Le confinement peut également représenter un danger pour la communauté LGBT+, qui profite des études pour s’émanciper de contextes familiaux parfois difficiles. Les membres de la communauté ne peuvent alors plus profiter des associations de soutien pour rencontrer leurs pairs et parler de leurs difficultés. Le problème est que très peu d’étudiants sont informés des structures vers lesquelles se tourner en cas de besoin, mais aussi et surtout que la santé mentale est très peu prise au sérieux en France.

« Il faut démocratiser l’idée que la santé mentale, c’est valable pour tout le monde, en particulier pour les étudiants. » – Simon Lottier, président de Nightline Lille

Nightline France se fixe comme objectif de libérer la parole sur des sujets jugés encore trop tabous. « Ce qu’on aime bien se dire c’est que la santé mentale, c’est comme la santé physique. C’est pas parce que tu n’as pas une grosse maladie physique que tu ne peux pas avoir de plus petits bobos qui ne nécessitent pas qu’on s’y attarde. Si tu as une ampoule au doigt, tu ne vas pas te dire qu’elle n’existe pas, même si ce n’est qu’une ampoule », résume Simon Lottier. Pour la santé mentale, il existe des pathologies psychiatriques, mais il existe aussi des personnes qui n’en sont pas atteintes mais, qui par une situation personnelle ou un événement particulier, peuvent ne pas aller bien et avoir des problèmes de santé mentale. « Il faut démocratiser l’idée que la santé mentale, c’est valable pour tout le monde, en particulier pour les étudiants. »

Une mission de prévention et de déstigmatisation

À la question « Penses-tu que la santé mentale est un sujet pris au sérieux en France ? », Simon émet un rictus nerveux. « Non, clairement pas », répond-il. Emmanuel Macron a récemment affirmé que c’était dur d’avoir 20 ans en 2020. Mais Simon n’est pas d’accord, « c’est jamais facile d’être étudiant ». Il faut avoir conscience que Nightline existe depuis 50 ans en Grande-Bretagne, que des dizaines d’antennes sont déjà implantées en Allemagne, tandis que la structure a émergé en France il y a seulement trois ans et demi. « Le pire, c’est que quasi personne ne s’occupe de santé mentale étudiante dans le milieu associatif », déplore Simon. Il existe des services d’aide psychologique aux étudiants comme le BAPU ou le SUMPPS. Mais ces structures sont saturées par manque de personnel.

« La santé mentale est un sujet clairement sous-développé en France, et on s’en est bien rendus compte avec le confinement. » Au delà d’être un service d’écoute, Nightline a pris le parti de mener des actions en faveur de la déstigmatisation de ce sujet, dans le but de faire évoluer les mentalités et le regard que porte le grand public sur la santé mentale. Nightline France aborde alors des sujets tels que le stress, les troubles du comportement alimentaire ou l’insomnie au travers d’interviews, de témoignages et d’articles postés sur leur site et réseaux sociaux. « Il faut investir dans ces services d’aide psychologique comme les associations, en faisant de la communication pour expliquer aux gens que c’est normal de ne pas toujours aller bien, que c’est normal d’avoir besoin de parler, ce n’est pas être faible. »

Le deuxième volet de leur action consiste à faire de la prévention. L’objectif est de mener des actions de fond pour que le sujet soit connu et compris de tous et toutes, dans le but que chacun soit à même de préserver sa santé mentale et celle de son entourage, et connaître les facteurs qui peuvent l’affecter. Le pôle prévention est alors en charge de la sensibilisation auprès des étudiants, professeurs et équipes médicales scolaires. Il intervient en classes préparatoires, réputées pour être des formations exigeantes et sources de stress.

Pour finir, Nightline Lille recrute. En quête de nouveaux bénévoles, il est possible de candidater pour répondre aux appels et aux tchats, après les prochaines formations qui devraient avoir lieu courant décembre. Une belle occasion de s’engager auprès de ses pairs tout en s’enrichissant soi-même.

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