On était au procès de Tommy Shelby à la faculté de droit
Le club de débat Révolte-Toi Lille et l’association Droits pour tous organisaient ce jeudi à Lille 2 le procès fictif de Thomas Shelby, personnage phare de la série Peaky Blinders (réalisée par Steven Knight). Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ on n’aurait pas aimé être à la place du bandit le plus célèbre de Birmingham.
Sur les coups de 18 heures, hier soir, l’amphi Cassin était fin prêt pour accueillir l’un des événements annuels initiés par Révolte toi-Lille, club de débat parlementaire affilié à la Fédération Francophone de Débat du Nord. Le drapeau britannique flottait au centre de l’estrade transformée pour l’occasion en tribunal, tandis que résonnait Red Right Hand, la bande originale de la série. Et dès les premières secondes, Winston Churchill, procureur désigné pour le procès, donnait le ton de ce qui allait suivre : « Thomas Michael Shelby, vous êtes accusé de meurtre, de sédition, de corruption, de mise en place de paris illégaux […] Au vu des chefs d’accusation précédents, je requiers auprès du jury la sentence maximale ». La particularité de ce jugement était l’absence de l’accusé, officiellement pour des raisons de sécurité. S’il voulait éviter la pendaison, Tommy Shelby ne pourrait donc compter que sur son avocate, maître Lévy.
Une tension palpable
Celle-ci commençait par appeler le frère de l’accusé, le vigoureux Arthur Shelby. Dans un français qui n’aurait guère plu à Jean-Baptiste Poquelin, la forte tête des Peaky Blinders s’efforça de convaincre les jurés de l’innocence de Thomas en s’attribuant l’intégrale responsabilité des crimes reprochés à son frangin. Son discours fit en tout cas forte impression dans l’assistance, chaque attaque résonnant comme une claque assénée aux aristocrates qui tentaient d’enterrer Tommy. Il est au contraire décrit comme un « entrepreneur modèle, un exemple pour tous les citoyens de ce pays ». Vraiment ?
Linda Shelby n’était pas de cet avis. L’ex-femme d’Arthur, chrétienne convaincue, décrit d’une voix émue l’attitude manipulatrice de Thomas Shelby, accusé de s’être servi de son frère comme d’un pion. Ce qui ne manqua pas de faire réagir la défense, de l’autre côté de la salle d’audience. Linda conclut son témoignage en requérant la peine de mort « pour le bien de la famille, de Birmingham et de toute l’Angleterre ».
Tommy Shelby, ange ou démon ?
On sent alors le procès se déporter sur des questions morales. La question n’est plus de savoir ce que Tommy a fait mais quel homme il était. Ada Shelby sa sœur, appelée à la barre, loue sa bonté, son intelligence et son engagement socialiste sans manquer d’interpeller avec sarcasme Winston Churchill. La réponse du député Mosley ne se fera pas tarder : Thomas n’est pour lui qu’un homme pleutre, lâche, qui aurait bâti son empire sur la corruption. Rappelons qu’Oswald Mosley, dans la saison 5, est l’adversaire politique principal de Tommy Shelby à la Chambre des Lords.
Les deux derniers témoins seront déterminants. D’un côté Polly Gray, tante et conseillère de l’ombre de Thomas Shelby. De l’autre, Michael Gray, son fils, qui fut recueilli par une famille avant de rejoindre le gang mais finalement le trahir. A la dignité familiale ardemment défendue par Polly, Michael oppose l’hypocrisie des Shelby face à un business illégal. Autant vous dire qu’il n’était pas facile de trouver un verdict à ce procès. Alors qui, de la défense ou de l’accusation, aura le dernier mot ? Tommy Shelby sera-t-il condamné à la pendaison ?
Pour le savoir, et comme je ne voudrais pas divulguer toutes les péripéties de l’audience, rendez-vous sur la page Facebook de Révolte-Toi Lille, qui propose une retransmission du procès.
Pari gagné
A la fin de la représentation, le public semblait conquis. Le jury, présidé par l’avocat Mikaël Benillouche et le doyen de la faculté Jean-Gabriel Contamin, a choisi d’attribuer le tout nouveau prix de l’émotion à Laura Roiné pour son interprétation passionnée de Linda Shelby. Margot Chakoub, dans le rôle de Polly Gray, a quant à elle reçu le prix spécial. Mais il faut bien sûr saluer tous les orateurs, qui ont écrit eux-mêmes leurs textes : Edouard Colcomb, Louison Asselin-Bizet, Thomas Fatin-Rouge, Amina Boudari, Zackaria Mellag, Valentin Boudens et Agathe Boyet. A noter également les costumes d’époque, choisis avec soin pour rendre le procès encore plus immersif. Enfin, le prix du meilleur orateur a été décerné à Salim Ibrahimi, très convaincant en Arthur Shelby, qui s’empressa de déclarer : « Ils m’ont bien khalass ». By order of the Peaky Blinders.