Oxygène, le huis clos asphyxiant de Netflix
Alexandre Aja, en maître de l’épouvante, signe Oxygène, sorti sur Netflix le 12 mai dernier. En temps réel, nous sommes témoin de l’histoire d’une femme, enfermée pendant 1h 40 dans un caisson cryogénique qui menace de devenir son cercueil. Le thriller suffoquant taquine claustrophobes, phobiques des aiguilles et des rats.
Oxygène se regarde une nuit sans lune, où la Covid sous-teinte tout d’angoisse et de morbide, en temps de couvre-feu, avec l’interdiction de s’échapper de chez soi. Face aux quatre murs de son appartement, face à son écran, face à soi-même. L’occasion d’affronter angoisses et souvenirs, de se rencontrer soi en profondeur.
Le concept : Omicron 267, une jeune femme campée par Mélanie Laurent, se réveille dans un caisson cryogénique. Incapable d’en sortir, elle ne sait rien d’elle et des circonstances qui l’ont poussée là. Entre psychose et panique, la jeune femme livre une course effrénée contre la montre. Le taux d’oxygène tend de plus en plus dangereusement vers le 0%. L’asphyxie est proche. Omicron 267 est précipitée de force dans un combat enragé contre l’amnésie et la folie. Pour survivre, elle doit partir en quête d’elle-même et d’une issue. Frissons crescendo garantis, à mesure que la mort menace.
Surfer sur l’atmosphère covidée
Oubliés les monstres et esprits poussiéreux. Pour faire peur, Alexandre Aja mise sur le futur. Au programme : dérives technologiques et humanité asservie par la science. Oxygène surf sur la science-fiction et tourne à la dystopie. L’univers de Liz, qui se résume aux deux mètres carrés d’un sarcophage cryogénique, rivalise de technologie. Une prison froide, ultra-médicalisée, aux lumières agressives. Pour seul compagnon, la captive a Milo, une intelligence artificielle peu coopérative. Une voix à la douceur glaçante, plus volontiers terrifiante que rassurante, campée par le timbre de Mathieu Almaric.
Réveillée par des éblouissements rougeâtres, étriquée dans un cocon, multi-branchée par des câbles et perfusions, Liz est prisonnière, confinée. Alexandre Aja navigue-t-il sur notre peur du futur ou sur nos angoisses du présent ? L’atmosphère anxiogène d’Oxygène n’est pas sans rappeler l’actualité. Un espace confiné, un virus destructeur, un monde fini en passe d’expirer, une obsession pour la colonisation, une course au progrès à l’heure où Thomas Pesquet nous photographie depuis l’espace. Si le réalisateur tire parti d’une année covidée dans le scénario, il a aussi su mettre à profit les contraintes sanitaires. Un seul décor, une seule actrice, un certain minimalisme et des rebondissements. Divertir dans deux mètres carrés, pousser les murs de l’imagination pour explorer toutes les possibilités d’un espace confiné, c’est le défi qu’a relevé Oxygène.
Des airs de Nolan
Oxygène, c’est d’abord une réalisation épatante. Pour accompagner les appels à l’aide de Liz, la bande-son virevolte, du piano aux chants envoûtants. Les lumières fusent agressivement. Les flashs mémoriels et psychotiques tranchent avec le décor unique de la capsule cryogénique. Le huis clos est rompu. De quoi alimenter tension et hypothèses. Les rats de laboratoire colonisent ainsi l’oeuvre. Alexandre Aja offre des sas de décompression à nos esprits en alerte, mettant en scène des moments de vie passée à la douceur rassurante. Des plans au ralenti attisent le mystère. On y voit des samares d’érable, ces petites feuilles aux hélices individuelles qui tournent et virevoltent dans leur chute, à l’image des structures moléculaires d’ADN. Seul bémol : le film manque de rythme, et peine à passionner dans la première partie.
Le scénario est parfaitement ficelé, avec des boucles, des grilles de lecture multiples, des indices dissimulés et des révélations à la Nolan. Mais la tension aurait pu être mieux maîtrisée. Le film aurait gagné à abréger les longueurs du début. Liz explore toutes les pistes. Elle rationalise et explique à voix haute ses hypothèses, quitte à miner le réalisme et la sincérité du film. Les premières minutes s’étirent jusqu’à frôler l’ennui. Si la première moitié du film s’éternise, les réponses apportées à mi-chemin nous plongent dans une nouvelle dimension. La course haletante à la survie reprend, le voyage au plus profond de soi renait. Mélanie Laurent redouble alors de talent, offrant un jeu d’actrice à faire pâlir la profession. Appels à l’aide désespérés et cris glaçants résonnent longtemps dans nos esprits. Oxygène, c’est une captivité qui sait captiver. De quoi combler les carences en frissons de la génération confinée.