Pomme remet à l’ordre du jour le #MusicToo
La veille de la cérémonie des Victoires de la Musique, la chanteuse Pomme décide de recentrer l’attention médiatique sur le sexisme et les agressions dans le monde musical en publiant sur Médiapart une lettre ouverte. Une opération réussie, en plein essor du #MusicToo.
« J’en ai déjà parlé il y a quelques années, mais à l’époque, je n’avais pas la place que j’occupe aujourd’hui, c’était plus facile, ça faisait moins de bruit. Je vais redire les choses. Que ça fasse plus de bruit aujourd’hui, tant mieux. » Après que #MusicToo ait levé le voile sur les violences dans le monde de la musique l’été dernier en récoltant plus de 300 témoignages d’agressions, la chanteuse Pomme donne un nouvel écho au mouvement un peu oublié. Alors nommée dans la catégorie « Artiste féminine », déjà gagnante de la catégorie « Album révélation » en 2020, Pomme partage dans une lettre sur Mediapart son expérience traumatisante dans l’industrie musicale.
La libération de l’écoute
Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, déclarait à propos du #MusicToo en janvier 2021 : »On peut espérer que la parole va se libérer, mais la pression sur les victimes est énorme. » Il semblerait pourtant que des voix avaient déjà commencé à s’élever : né durant l’été 2020, le mouvement #MusicToo, lancé par le compte Instagram homonyme, avait récolté de juillet à septembre plus de 300 témoignages de victimes d’agressions dans le milieu de la musique. L’attention médiatique s’était concentrée sur Moha La Squale et Roméo Elvis, deux rappeurs accusés d’agressions sexuelles. Utilisant sa notoriété grimpante, la chanteuse Pomme libère l’écoute à propos des violences de l’industrie musicale dans une lettre sur Mediapart, la veille de la cérémonie des Victoires de la Musique. Un sujet qu’elle avait déjà abordé par le passé, à une époque où sa voix ne portait pas autant.
Par l’écriture de cette lettre, la compositrice de Saphir veut toucher et montrer à d’autres victimes qu’elles ne sont pas seules dans leur combat : « Il est temps que la honte et la peur changent de camp. » Elle rend compte de la difficulté de témoigner dans un système qui protège les agresseurs, des « hommes riches, puissants assis sur des sièges de velours brodés de leurs noms en lettres d’or, desquels rien, pas même la justice ne saurait les déloger ».
« Il est temps que la honte et la peur changent de camp. » – la chanteuse Pomme, dans sa lettre publiée sur Médiapart
Un soutien unanime
Unanime, le monde de la musique répond en montrant son soutien à la jeune artiste. La chanteuse Louane s’exprime à ce sujet sur le plateau de Clique TV : « Qui peut lever la main en disant dans ce milieu je n’ai pas vécu de harcèlement ? Personne. » Christine and the Queen a choisi de prendre la parole sur son compte Twitter : « Chacune, nous avons connu une forme plus ou moins ténue de harcèlement, des remarques sexistes, comme toutes nos sœurs qui marchent dans des bureaux, qui rentrent tard la nuit, qui sont de corps de métiers radicalement différents du nôtre. » De son côté, Pomme poursuit son engagement jusqu’à la scène des Victoires de la Musique lorsqu’elle reçoit le prix de l’artiste de l’année : « J’espère que cette industrie sera de plus en plus safe pour les femmes et que cette nouvelle génération de femmes saura s’imposer. » Un moment retranscrit à plusieurs milliers de téléspectateurs.
Roselyne Bachelot a elle aussi réagi aux déclarations de l’artiste. Le Parisien publie une interview de la ministre à quelques heures de la cérémonie des Victoires de la Musique. Elle y affirme son soutien au #MusicToo et sa volonté d’obtenir justice face aux prédateurs sexuels. Se félicitant d’avoir fait quatre signalements en six mois au procureur de la République, la politicienne explique sa volonté de mettre en place un « plan complet de lutte contre les agressions sexuelles et le harcèlement sexiste ». Celui-ci continuerait dans la lignée du protocole mis en place par le Centre National de la Musique (CNM) adopté le 14 janvier dernier : il engage les structures publiques ou privées à respecter le code du travail via un ensemble d’actions éducatives et formatives à destination des équipes de gestion des structures sur les thèmes des violences sexuelles et des agissements sexistes. Si ce protocole n’est pas respecté, l’accès aux aides du CNM sera suspendu. Et oui, en 2021, respecter le code du travail en France ne tombe pas encore sous le sens. Une réforme similaire avait été adoptée en 2019 par le Centre National du Cinéma (CNC) suite au mouvement #MeToo.