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Pour le retour des néonicotinoïdes ? Génération Écologie sonne l’alarme

Pour le retour des néonicotinoïdes ? Génération Écologie sonne l’alarme

Réunion publique de Génération Écologie au café Peacock de Lille

Ce mardi 15 Septembre, le parti politique Génération Écologie de Lille organisait une réunion publique pour évoquer le sujet des néonicotinoïdes, pesticides qui animent le débat entre les Verts et le gouvernement. 

Il sera présenté à l’Assemblée nationale le 5 octobre, mais ce projet de loi, décidé en pleine période de crise sanitaire, divise. Autoriser les néonicotinoïdes à nouveau ? On l’a vu sur Twitter, dans la rue ou encore lors du tour de France, le sujet échauffe par l’importance de ses enjeux. Durant deux heures ce mardi, des intervenants de Génération Écologie ont pris la parole pour nous expliquer l’intérêt de leur campagne.

Un débat sans fin

« Petit, il était impossible de rouler 200 kilomètres en voiture sans s’arrêter pour retirer les insectes collés au pare-brise », se remémore d’un air nostalgique un homme assis au fond de la salle. Aujourd’hui, cela n’arrive plus, et ce constat donne le ton. La survie de la biodiversité est en effet le sujet de la réunion organisée par Génération Écologie, présidée par David Weksteen et animée par Mathilde Bullot. La réunion fait suite à la remise en cause de la part du gouvernement de deux lois fondamentales : l’interdiction des néonicotinoïdes, et le principe de non-recul sur les avancées écologiques. L’association environnementale a donc lancé une campagne.

Objets de toutes les tensions, les néonicotinoïdes sont des insecticides extrêmement puissants. Depuis 1990, leur succès est indéniable, représentant 30 à 40% des pesticides vendus dans le monde. Pourtant, leur action néfaste sur la biodiversité n’est plus à prouver et, le 8 août 2016, Barbara Pompili, actuelle ministre de la transition écologique, proclamait leur interdiction. Mais si celle-ci a été prononcée en 2016, ce n’est qu’en 2018 qu’elle est réellement mise en place. Loi récente donc, et pourtant ! Suite à la crise sanitaire, la voilà rediscutée, et un projet de loi visant à ré-autoriser les néonicotinoïdes sera examiné à l’Assemblée nationale le 5 octobre.

« La situation est suffisamment grave pour justifier ces mesures. » — Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse, à propos de la loi de 2016

Un bras de fer argumentatif

Deuxième producteur mondial de betteraves à sucre, la France fait aujourd’hui face à une baisse de rendement suite à la jaunisse des betteraves, provoquée par les pucerons. Les pesticides seraient donc exceptionnellement ré-autorisés : « Les betteraves étant récoltées avant de fleurir, elles ne risqueraient pas d’affecter les pollinisateurs« , selon le gouvernement. Des mesures strictes seraient mises en places : utilisation limitée à 120 jours, pulvérisation interdite, cultures suivant celles de betterave ne devant pas attirer les pollinisateurs pour ne pas les exposer aux résidus éventuels…. Mais dans les faits, cela n’est pas si simple, et le projet de loi défendu par le gouvernement est plus que controversé.

David Weksteen, conseiller municipal délégué à l’écologie participative et à l’Agenda 21, répond aux questions d’une participante. © Prune Avemani

Génération Écologie le rappelle : « Le lobbying du sucre est énorme, et, désavantagées par les résolutions de 2016, les firmes font pression. » Didier Demarcq, apiculteur, avertit : « Les pesticides seront utilisés 120 jours, mais ils restent 20 ans dans le sol ! » Le docteur Judith Louyot précise également que même si les pulvérisations sont proscrites, « les néonicotinoïdes sont des pesticides systémiques. Ils ne se posent pas seulement sur la feuille, ils pénètrent toute la plante, contaminant sols et cours d’eau. Tout l’écosystème alentour est contaminé. » Les intervenants poursuivent : « La France produit cinq millions de tonnes de betteraves par an. Nous n’en consommons que la moitié. Ce qui inquiète, ce sont les pertes financières des grosses sociétés. » Et, à y regarder de plus près, la jaunisse est loin d’en être la seule coupable… En effet : avant, les producteurs avaient des quotas. Ils ont été supprimés en 2018, entrainant une surproduction, une augmentation de la concurrence, et une baisse du coût de la betterave. A cela s’ajoute la sécheresse des sols. Autoriser les pesticides sur les cultures de betteraves pose donc de sérieuses questions, puisque celles-ci représentent un demi-million de la surface agricole en France, et parce que la dérogation risque d’être étendue aux autres plantations.

« Ce ne sont pas les lobbies, comme les firmes produisant les pesticides néonicotinoïdes, qui doivent faire la loi en France. » — Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres 

Une biodiversité en péril

Thierry Dereux, président de France Nature environnement Hauts de France, énumère : « 1/3 des oiseaux des champs disparus en 15 ans. 67% de la biomasse disparue en 10 ans. 37 % des colonies d’abeilles décimées dans l’Union européenne. Pourtant, 84 % des cultures en France dépendent d’elles ! » Les oiseaux, les insectes, les invertébrés… Et les humains dans tout ça?

Notre exposition perpétuelle aux pesticides nous empêche d’avoir des études fiables sur les risques que nous encourrons, mais celles menées sur les animaux nous donnent un aperçu qui ne rassure pas : « Risque d’autisme, troubles de la mémoire, tremblements, malformation congénitales du coeur… Même s’il est difficile de prouver que ce sont bien les néonicotinoïdes qui causent ces dégâts, on sait que ces derniers sont directement liés aux pesticides, de quelques sorte qu’ils soient. »

Quelles sont les solutions ?

Puisque les insectes se renforcent à mesure que les insecticides évoluent, puisque les cultures bios ne sont pas, ou peu, touchées par la jaunisse, et puisque les néonicotinoïdes tuent les pucerons mais aussi leurs prédateurs, les coccinelles, la mise en place de cultures biologiques semble urgente selon le collectif. Mais cela impliquerait d’énormes changements et, selon les études, une réforme complète du modèle agricole prendrait près de 15 ans. Alors, on s’interroge : comment faire ? Comment convaincre, comment compenser les pertes ? Créer des fonds d’investigations ? Consommer moins de sucre industriel ? Soutenir l’agriculture biologique ? Génération Écologie questionne : « Comment créer du bon à un prix paysan ? »

Alors que les verts se font une place grandissante dans le paysage politique de ces dernières années, la décision sur ce projet de loi est plus que jamais redoutée, puisqu’elle sera décisive, pour notre environnement comme pour notre futur.

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