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Pourquoi le rap dérange ?

Pourquoi le rap dérange ?

Photo rap

Avec un nombre d’auditeurs en constante augmentation au fil des ans, le rap s’impose aujourd’hui incontestablement comme l’un des premiers genres musicaux au monde. Pourtant, ces dernières semaines, les polémiques s’enchaînent : sexiste, violent, et parfois même négationniste ; quand le rap dérape, et qu’il dérange.

Né dans les années 70 aux États-Unis, le message du rap se veut clair : mettre en avant le racisme et l’exclusion sociale qui gangrènent à l’époque les ghettos noirs américains. Année après année, le rap a su s’imposer comme une véritable culture de masse, dépassant les frontières, devenant un objet de marketing outrancier où les provocations en tous genres sont devenues monnaie courante. S’il est plébiscité par un public large, le rap peut également susciter l’indignation, jusque dans les plus hautes sphères de l’État.

« Des propos inqualifiables »

C’était il y a quelques jours, par voie d’un tweet, que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin évoquait des « propos inqualifiables », appelant Facebook et Twitter « à ne pas diffuser ces immondices ». Ces propos, ce sont ceux du rappeur Freeze Corleone. Jeune figure montante du rap français, qui sortait son dernier album LMF (La Menace Fantôme), le 11 septembre dernier. La polémique naît peu de temps après que les titres qui composent ce nouvel opus soient disponibles sur les réseaux sociaux et plateformes de streaming : des clips sombres et des paroles crues, le chanteur se dit par exemple « déterminé comme Adolf dans les années 30 » ; il renchérit un peu plus tard « Tous les jours, RAF [Rien à Faire] de la Shoah ».

Des allusions clairement antisémites, des références à l’idéologie nazie qui mettent le feu aux poudres : dans les jours qui suivent la parution de l’album, la Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA) réclame la fin de l’impunité et demande publiquement « à l’ensemble des acteurs partenaires [du rappeur, ndlr] de prendre leurs responsabilités ».

« Sous couvert de l’art, on ne peut pas tout dire »

Peu de temps après cette dénonciation, Rémy Heitz, procureur de la République de Paris, annonce l’ouverture d’une enquête pour « provocation à la haine raciale et injure à caractère raciste » : enquête portant sur plusieurs clips et morceaux du rappeur. S’ensuit un communiqué d’Universal Music France, dans lequel le poids lourd de l’industrie musicale, filiale du groupe Vivendi, annonce « mettre un terme à toute collaboration avec Freeze Corleone », invoquant « des propos racistes inacceptables » révélés par la sortie de l’album, non compatibles avec les « valeurs de tolérance et de respect » défendues par le label.

Cependant, cette décision ne semble pas avoir fait l’unanimité : les fans du chanteur s’insurgent sur les réseaux sociaux, revendiquant « l’hypocrisie » de la maison de disque, et apportant leur soutien à Freeze Corleone, faisant valoir la liberté artistique du rappeur. Mais alors jusqu’où cette liberté peut-elle aller ? Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, confiait à propos de l’affaire à France Info que « Sous couvert de l’art, on ne peut pas tout dire […] la liberté d’expression n’est pas absolue ».

« Le rap dit violent est une minorité du rap disponible aujourd’hui »

Le rap ne se résumerait-il alors qu’à la violence verbale et physique ? Pas si sûr : selon Lucie Cayrol, journaliste au HuffPost et auteure d’un mémoire portant sur le traitement journalistique du rap francophone, « le rap dit violent est une minorité du rap disponible aujourd’hui ». En 2019 était même créée la « Victoire de l’album rap de l’année », décernée lors de la mythique cérémonie des Victoires de la Musique : preuve incontestable de la démocratisation de ce genre musical à part entière, qui séduit par-delà les âges et les milieux sociaux. Si la vulgarité de certains morceaux dérange, le rap n’en demeure pas moins l’un des genres musicaux les plus écoutés en France et dans le monde : l’an dernier, 11 des 20 meilleures ventes d’albums dans l’hexagone faisaient partie de la catégorie « Musiques urbaines ».

Par Robin le Cornec

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