Présidentielle. Un meeting de l’Union populaire pour mobiliser les Lillois
Mercredi 10 novembre, les députés de La France insoumise Ugo Bernalicis, Alexis Corbière, Mathilde Panot et Adrien Quatennens ont porté la voix de Jean-Luc Mélenchon à Lille. Entre improbation du quinquennat Macron et exposition des grandes lignes de leur programme, L’Avenir en commun, retour sur ce meeting de l’Union populaire à cinq mois de l’élection présidentielle.
19h30, la salle du Gymnase est pleine. L’organisation a peur de dépasser la limite de sécurité autorisée et laisse quelques sympathisants repartir bredouille. Finalement, 500 personnes sont présentes annoncent les présentatrices. Une forte mobilisation pour un meeting de campagne présidentielle sans la présence du candidat. À l’entrée, le pass sanitaire n’est pas demandé, mais le public est invité à respecter les gestes barrières. Le parti en profite pour demander aux militants présents de remplir leurs coordonnées sur une liste de contacts. Un clip vidéo amorce le meeting. Sur fond musical, défilent les images des AMFIS d’étés de La France insoumise (LFI) : concerts, festivals, débats, personnes non-masquées… Le ton est donné et Mathilde Panot l’affirme ensuite : l’Union populaire veut “rouvrir les jours heureux”.
“Pas d’ordre public possible sans justice sociale” pour Ugo Bernalicis
“Je pense que si on peut gagner cette élection c’est sur les questions sociales. Mais on pourrait perdre à cause de la sécurité”. C’est avec cette phrase que le député de la 2e circonscription du Nord, Ugo Bernalicis, débute son intervention sur la justice et la sécurité. Ce n’est pas le sujet sur lequel LFI fait campagne, mais dans un climat médiatique qualifié de “fascisant” par le député insoumis et une “surenchère sécuritaire”, le parti veut se positionner sur le sujet. Alors que la droite et les sujets sécuritaires sont très présents dans cette campagne, Jean-Luc Mélenchon doit montrer qu’il ne laisse pas le sujet de côté s’il veut se faire entendre dans l’espace médiatique. Mais avant de s’étendre sur les propositions de l’Union populaire, les insoumis présentent, en image, une critique acerbe du “quiquennat beaucoup trop violent” d’Emmanuel Macron.
L’alternative mélenchoniste propose d’augmenter le nombre de magistrats, de remplacer la BAC (brigade anti-criminalité) par une police de proximité et d’instaurer “une police judiciaire respectueuse de la procédure”. LFI a des propositions pour la justice et la sécurité mais qui se basent sur le constat opposé de celui du reste des candidats à la présidentielle. “Les chiffres montrent que d’années en années la délinquance baisse mais on incarcère plus”. Le programme de Jean-Luc Mélenchon ne prévoit pas, bien au contraire, de sanctionner plus les délinquances. La mesure phare de ce volet, la légalisation du cannabis, en est la preuve. Pour l’élu insoumis, cela permettra de dégager du temps à la police et donc à la justice mais également de réduire la consommation de cannabis en France. Il conclut son discours par un sujet local : l’expulsion des migrants à Calais. Un moyen de fédérer les sympathisants lillois et de résumer la volonté de l’Union populaire : assurer la sécurité dans le respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Le passage à la VIe République pour “redonner le pouvoir au peuple”
Alexis Corbière, député LFI de Seine-Saint-Denis, présente, quant à lui, le projet colossal de L’Avenir en commun : la VIe République. Alors que “la Ve République est née sous un coup de force sur nos institutions” et que des élus sont “souvent imposés alors qu’il y a un refus majoritaire du peuple”, le programme de LFI a pour ambition de renverser la Constitution de 1958. Selon le député, la forme d’organisation des institutions de la Ve République permet à un président minoritaire de concentrer d’immenses pouvoirs. Ce qu’il voit alors comme un “régime autoritaire alors que c’est le résultat des élections de 2017” serait aboli si Jean-Luc Mélenchon est élu en 2022.
« Nous ne proposons pas seulement de changer le monarque mais d’abolir la monarchie présidentielle. » – Alexis Corbière
Le programme L’Avenir en commun veut rompre avec la Ve République et mettre en place des institutions plus démocratiques. Alexis Corbière insiste : “Jean-Luc Mélenchon est le seul à proposer cela”. Il faut cependant rappeler que le candidat à la présidentielle Arnaud Montebourg propose également le passage à la VIe République. Pour le député insoumis, sa proposition n’est pas démocratique car il propose des référendums sur une nouvelle Constitution dont les modalités n’auront pas été construites par le peuple. “C’est au peuple de se prononcer” clame-t-il. LFI propose de convoquer une assemblée constituante “pour que le peuple rédige lui-même une nouvelle Constitution”. En réalité, des “délégués constituants” seraient élus, et peut-être certains tirés au sort, et travailleraient sur un projet de Constitution qui serait ensuite soumis à un référendum populaire.
Même si Jean-Luc Mélenchon souhaite laisser le peuple s’exprimer, il a quand même quelques idées quant aux possibles nouveautés de la Constitution. Son programme propose notamment un droit de révoquer les élus, ce qui selon Alexis Corbière pourrait être une solution à l’abstention de masse. D’ailleurs, il propose également la prise en compte du vote blanc. “Pas de démocratie ni de souveraineté populaire si le peuple ne vient pas voter” pour l’élu insoumis, acclamé par les sympathisants.
Promesses écologiques sur un fond de lutte des classes
C’est ensuite au tour de Mathilde Panot de prendre le micro. Bien accordée avec ses homologues masculins, la nouvelle présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale dresse le bilan “catastrophique” du volet écologique du quinquennat Macron. Armée d’une longue énumération dénonçant la signature d’accords de libre-échange comme le CETA, le non-respect des mesures de la Convention citoyenne pour le climat ou encore la construction d’EPR (Réacteur -nucléaire- pressurisé européen), la députée condamne la politique du “chacun pour soi” menée par le président de la République. Applaudie par les sympathisants et soutenue par quelques sifflements, elle poursuit sa tirade “Macron, il a choisi le camp des pollueurs, des multinationales et de l’égoïsme”. Mais c’est en s’inscrivant dans l’actualité de la COP26 que Mathilde Panot introduit les grandes lignes écologiques de L’Avenir en commun. Après avoir défini l’enchaînement des COP comme “30 années d’inaction climatique”, elle présente et vante l’intérêt d’établir une planification écologique : “ça permet de se réapproprier le temps long sans laisser le marché décider”.
“La première chose qu’il faut arrêter de produire, ce sont des riches dans notre pays” soutient ensuite Mathilde Panot. Pour la jeune députée, la crise écologique s’inscrit au cœur d’une crise économique. “Les premières victimes de cette crise climatique, ce sont les plus pauvres” raconte-t-elle avant d’affirmer que la seule solution pour faire face à ces crises en poupées russes est “l’écologie populaire”. Encadrée par la planification, l’écologie populaire est la ligne directrice du volet écologique de L’Avenir en commun, “elle promet une rupture nette avec le système capitaliste incompatible avec l’urgence climatique” explique l’élue insoumise avant de dresser la liste des promesses électorales de Jean-Luc Mélenchon : sortir du nucléaire, créer 300.000 emplois pour une agriculture paysanne et écologique, ou encore inscrire la ligne verte “qui implique de ne pas prélever à la nature davantage que ce qu’elle ne peut reconstituer, ni produire plus que ce qu’elle ne peut supporter” dans la Constitution.
Adrien Quatennens veut “rallumer la flamme”
Adrien Quatennens clôture le meeting. Chargé de présenter le volet social de L’Avenir en commun, le député de la 1ère circonscription du Nord et coordinateur de La France insoumise revient d’abord sur le meeting qu’il estime être une réussite. “Souvenez-vous, mes amis, de la démonstration de force que l’on fait ce soir et ce qu’elle signifie : à cinq mois de la présidentielle, aucun groupe politique n’est capable de faire un meeting d’une telle envergure sans la présence de son candidat”. Une réalité vraisemblable sur laquelle il n’hésite pas à surfer pour affirmer la solidité du programme porté par Jean-Luc Mélenchon. Derrière ces démonstrations de force, le député ne cache pas une certaine crainte de l’abstention. Tout en présentant un triptyque de sondage prévoyant de 53 % à 70 % de participation à la prochaine élection, d’un ton impératif, Adrien Quatennens prévient qu’il “ne faut pas céder au pessimisme ambiant”. Il en profite pour rappeler que les sondages montrent que le score du candidat de La France insoumise augmente à mesure que l’abstention baisse. Désireux de “rallumer la flamme des Français”, il s’adresse directement au public : “il faut se mobiliser pour cette élection”.
“Le bilan de Macron c’est un océan de pauvreté jonché de richesses toujours plus concentrées” – Adrien Quatennens
“Ce que nous voulons faire c’est sécuriser et soulager les gens” explique le député pour résumer le programme social de LFI. En s’appuyant sur la dernière allocution du président de la République, qu’il qualifie de “discours de campagne”, Adrien Quatennens assure que “le pays va mal”. Tout en revenant sur les annonces faites par Emmanuel Macron mardi 8 novembre, il présente l’alternative promise par Jean-Luc Mélenchon. Alors qu’il dénonce le renforcement des contrôles par Pôle Emploi, il annonce “qu’avec Jean-Luc Mélenchon tout ceux qui gagnent moins de 4.000€ par mois paieront moins d’impôt” ; alors qu’il dénonce la réforme des retraites, il promet qu’avec “Jean-Luc Mélenchon il n’y aura pas de retraite inférieure au SMIC pour ceux ayant travaillés toute leur vie” ; alors qu’un rapport de France Stratégie a conclu que la suppression de l’ISF n’a pas permis le ruissellement des richesses espéré, il propose de le rétablir. Ainsi de suite, avant de conclure le meeting par un poème de Paul Eluard. Adrien Quatennens n’a cessé de jouer aux ricochets entres les annonces d’Emmanuel Macron et les promesses sociales de son candidat.