Présidentielle. Zemmour à Lille, le prétendant au Grand Palais

Le candidat d’extrême droite, Éric Zemmour, tenait un meeting ce samedi au Grand Palais de Lille. Devant près de 6.000 personnes, le polémiste condamné à plusieurs reprises a étayé un programme clivant centré sur le pouvoir d’achat et l’immigration. Sa présence a révolté de nombreux Lillois,  qui se sont emparés des rues pour protester contre la venue du populiste. 

Dans une ambiance surchauffée, les drapeaux tricolores flottent au-dessus d’une foule agitée. Des pancartes arborant des slogans tels que “Ben voyons” ou “Zemmour 2022″ sont abondamment brandies par ses partisans. Certains sont venus seuls, d’autres en famille à la rencontre de celui qu’ils considèrent comme le dernier espoir face au “grand remplacement”. Avant de débuter, Éric Zemmour affiche fièrement ses prises de guerre des dernières semaines au sein du Rassemblement National et des Républicains. Une stratégie assumée par le polémiste dont l’objectif est l’union des droites, bénéfique à sa candidature.

Un meeting électrique

Mise en scène théâtrale, casquettes “Zemmour 2022″, musiques héroïques, tout est invoqué pour galvaniser le public. Un quiz est proposé à la foule qui scande les réponses. “Le sport préféré d’Éric Zemmour ?” “Le foot !” . “C’est une personne que je suis depuis longtemps”, nous confie un sympathisant. Pendant le meeting, l’ambiance est électrique, elle est à son apogée lorsque les corons sont chantés, saturant les micros des journalistes. La symbolique est très marquée, il souhaite s’afficher comme fédérateur dans la capitale des Flandres. Les boucs émissaires habituels sont hués avec virulence, presque par automatisme : la gauche, les étrangers, la bureaucratie, la communauté LGBT+… “Nous allons chasser SOS Racisme et les lobbies LGBT de nos écoles”, martèle Guillaume Peltier, ancien de LR qui a rejoint E. Zemmour.

“Nous allons chasser SOS Racisme et les lobbies LGBT de nos écoles” – Guillaume Peltier, porte-parole de Reconquête.

Le discours se conclut sur un dialogue hypnotique entre le public et le candidat : “Le courage.. c’est nous ! Le travail.. c’est nous ! L’histoire, c’est nous !”. “Nous” contre “eux”, un ressort classique de la politique de l’extrême droite, une méthode qui a porté ses fruits. Quand Anthony, un jeune Orchésien de 21 ans nous parle, il en a encore des étoiles dans les yeux : “Il était droit dans ce qu’il a dit”. Autre rencontre : “C’est le premier homme politique de ma vie où je peux me dire : «il n’essaie pas de nous entuber »“ abonde Thomas, étudiant et responsable de Génération Z pour la deuxième circonscription du Nord. Vraie “star” auprès de ses partisans transformés en “fans”, Éric Zemmour joue de son image, mais son programme fera-t-il adhérer malgré ses nombreuses condamnations ?

Le travail et le mérite, mais la jeunesse ?

Le candidat commence son discours par un éloge aux travailleurs, s’axant sur le pouvoir d’achat. L’ancien journaliste du Figaro présente trois grands axes afin de conquérir de nouveaux électeurs encore hésitants. Dans un premier temps : “arrêter de gaspiller l’argent public” en supprimant la redevance de l’audiovisuel public (une mesure qui ne ferait que renforcer l’emprise de son soutien, le géant des médias Vincent Bolloré), les subventions des associations, ainsi que les allocations pour les étrangers. Ces mesures s’insèrent dans une critique de l’assistanat qui nuirait aux “travailleurs” : “Pas de chèque, pas d’assistanat chez nous, mais du travail” déclare Antoine Diers, directeur adjoint de la stratégie de campagne d’E. Zemmour. Le polémiste promet aussi “une prime zéro charge” pour les salariés, menant à un 13ème voire un 14ème mois, selon le bon vouloir de l’employeur. Cette mesure qu’il qualifie de “révolution économique” ne ressemble en réalité qu’à une copie conforme de la “prime Macron“, créée pendant la pandémie.

“Pas de chèque, pas d’assistanat chez nous, mais du travail “- Antoine Diers, Directeur adjoint de la stratégie de campagne d’E. Zemmour.

En terres du Nord, il présente des mesures en faveur d’un électorat pro-Rassemblement National, un moyen de grappiller des voix à Marine Le Pen. Éric Zemmour cherche à élargir son influence par du clientélisme. Les grands absents de ce “grand remplacement” sont les jeunes, pourtant bien présents dans le public. En effet, le polémiste a annoncé vouloir soutenir les enfants des classes moyennes qui “auront enfin accès aux bourses d’études”. Cette maigre proposition n’indique que très peu de pistes sur le programme jeunesse du candidat à l’Élysée.

Devant Lille Grand Palais pour le meeting d’Eric Zemmour. © Valentin Maio

Des valeurs ultra-conservatrices affirmées

Selon le candidat, la France “disparaît” et les habitants ne peuvent fuir. Un thème récurrent dans sa campagne réactionnaire qui séduit surtout les plus de 50 ans, un très large socle électoral. La France est encore la “fille aînée de l’Église”, ayant des “racines chrétiennes” selon Bruno North, le président du Centre National des Indépendants et des Paysans (CNIP), un de ses soutiens. La France est pourtant un État laïc et la loi de séparation entre les Églises et l’État de 1905 est toujours en vigueur. Elle garantit notamment la liberté de culte. Eric Zemmour veut “supprimer les aides aux étrangers” avec un arrêt des subventions aux mineurs isolés qui nuiraient au pouvoir d’achat des classes moyennes selon le polémiste. Il feint de croire que les étrangers sont des sortes de fantômes : n’achetant rien, ne produisant rien, ne vendant rien, ne contribuant pas à l’économie. Il évoque également Roubaix comme l’“Afghanistan à deux heures de Paris”, faisant référence à l’émission de M6, “Zone Interdite” consacrée au fondamentalisme religieux. Un programme qui a fait s’insurger les conservateurs, en décrivant une commune gangrenée par ”l’islamisme”. La religion investirait le champ politique d’après leurs dires.

“L’Afghanistan à deux heures de Paris” – Éric Zemmour.