Rattrapages. Les hirondelles de Kaboul, le film d’animation au cœur de l’actualité
Réalisé par Ellea Gobe-Mellevec et Zabou Breitman en 2019, le film Les hirondelles de Kaboul vient de ressurgir sur la plateforme MyCanal. Le film d’animation se déroule en été 1998. Pourtant, l’histoire qu’il raconte se confond avec l’actualité.
Les hirondelles de Kaboul est l’un des rares longs-métrages d’animation visant un public adulte. Plein de poésie tout en portant un fort message politique, le film raconte avec une certaine mélancolie l’histoire de plusieurs habitants de Kaboul dans les années 90, lorsque la ville était aux mains des talibans.
Depuis la prise de Kaboul par les talibans le 15 août 2021, cette histoire redevient actuelle. Kaboul est tombée après 20 ans de liberté et l’Afghanistan est à nouveau sous la dictature des talibans. Le pays replonge réellement dans le récit relaté dans Les hirondelles de Kaboul. La capitale afghane, dont les rues sont arpentées par soldats talibans, connaît à nouveau des scènes de lapidation et de punitions publiques avec l’obligation de pratiquer la charia.
Kaboul libre
Dans le film, Kaboul est un personnage. Parfois, l’histoire traverse le temps et plonge le spectateur au cœur de la Kaboul libre, avant la prise de pouvoir des talibans. On y aperçoit des jeunes gens qui vont au cinéma, un couple se rendant à la librairie, la ville haute en couleur et en vie. Toute cette culture disparaît ensuite, pour ne laisser place qu’à une Kaboul morte, arpentée par des talibans et des femmes prisonnières, considérées comme des objets. Les habitants de la ville sont partagés entre fuir et rester pour se battre. Beaucoup n’ont plus d’espoir et sont résignés : la ville n’est plus qu’une immense prison, “les talibans nous détruisent”, implore l’un des personnages.
Depuis que les talibans ont pris Kaboul en 2021, celle-ci redevient la ville déshumanisée qu’elle était dans les années 90. Les cinémas, les librairies et les théâtres disparaissent tout comme n’importe quel autre lieu destiné à la culture. Y aller, c’est pécher. Le film parle de la ville avec mélancolie, en montrant la Kaboul libre avec nostalgie. Une nostalgie palpable depuis le 15 août 2021.
Les femmes en Afghanistan
Durant le film, on comprend que les droits des femmes sont oubliés. La gent féminine est esclavagée. Les femmes n’existent plus que comme des objets. Elles sont condamnées à errer dans cette ville, toujours accompagnées d’un homme et sous un imposant voile, qu’elles ne portent pas toutes de leur propre volonté, ne laissant voir que leurs yeux. Elles sont déshumanisées, plus rien ne les distingue à tel point que dans l’une des scènes, un enfant confond sa mère avec sa tante.
Les hirondelles de Kaboul fait alors écho à la Kaboul d’aujourd’hui, une nouvelle fois occupée par les talibans, où les femmes sont considérées comme des propriétés. Dans le film, une discussion entre deux amis talibans illustre cette propriétarisation de la femme. L’un confie à l’autre qu’il est malheureux car sa femme est malade. Son ami lui conseille de la répudier : “tu ne dois pas être soumis à ta femme”, assène-t-il. Le film montre les talibans qui déambulent, qui contrôlent la moindre personne, la moindre femme qui sort du rang. À plusieurs reprises, des talibans demandent à des personnages féminins de se recouvrir, lorsqu’on aperçoit leurs chevilles.
Résistance
Dans cette Kaboul meurtrie, des personnes essayent de résister face à l’adversité. Notamment un jeune couple faisant partie des personnages principaux du film. La jeune femme, Zounaïra, interprétée par Zita Hanrot, ne pouvant sortir uniquement qu’affublée de son long voile, se dévoile quand elle est à l’intérieur de sa maison. Son seul endroit de liberté au sein d’une ville emprisonnée dans l’obscurantisme. La maison est l’unique endroit où elle et son compagnon peuvent vivre leur amour sans qu’elle ne soit considérée comme la propriété de son mari. Quant à lui, c’est un ancien professeur qui résiste, car l’éducation libre n’existe plus. C’est aussi le cas dans la réalité.
Dans Les hirondelles de Kaboul, comme aujourd’hui en Afghanistan, les professeurs résistent en donnant des cours clandestinement pour ne pas être contrôlés par les lois des talibans. L’un des professeurs appelle à rejoindre ces rangs en promettant une réelle éducation : “une autre école, une école secrète, où l’on arrive à apprendre aux enfants la littérature, apprendre, l’histoire, l’art, la littérature, l’histoire, la vraie”.