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Rattrapages. 30 ans de Nevermind, avec Nirvana le mainstream devient antisystème

Rattrapages. 30 ans de Nevermind, avec Nirvana le mainstream devient antisystème

La pochette de l'album Nevermind, sorti le 24 septembre 1991. © Kirk Weddle

Il y a 30 ans sortait Nevermind, le 2e album studio du groupe de rock Nirvana. Véritable bombe sortie de nulle part, l’album à la pochette devenue iconique a chamboulé l’industrie du disque tout entière et est devenu l’icône de toute une génération.

13 titres, 49 minutes. Il n’en fallait pas plus pour que le monde de la musique bascule dans une nouvelle dimension. C’en est désormais fini des années 80, décennie marquée par le culte du superficiel, de la virilité et du cliché “sexe, drogue et rock’n’roll”, à l’image de groupe à succès comme Aerosmith ou Gun’s and Roses. La sortie de Nervermind en 1991 balaie tout cela et laisse place au désenchantement du monde. Ce succès inattendu va rameuter toute l’industrie du disque autour de ce nouveau mouvement jusqu’alors underground : le grunge. Ceux pour qui le mainstream était l’incarnation même du diable vont devenir, malgré eux, sa mascotte. 

Les marges prennent le pouvoir

Rien ne semblait annoncer le succès planétaire de Kurt Cobain et de ses acolytes. Lui vient d’Aberdeen, ville de l’État de Washington dont il qualifie la population de “beaufs bigots mâchonneurs de tabac, flingueurs de cerf, tueur de pédés, un tas de bucherons”. Il se trouve alors bien loin des plaques tournantes de l’industrie de la musique, que sont New York et Los Angeles. Réfugié dans la musique pour échapper à sa vie désastreuse -il vit très mal le divorce de ses parents, se fait harceler au lycée et dort souvent dehors-, Cobain monte plusieurs groupes jusqu’à fonder Nirvana avec qui il sortira un premier album en 1989. Intitulé Bleach, il ne fait pas grand bruit et ne permet pas au groupe de décoller. Rien ne semblait donc le prédestiner au succès.

C’était sans compter la sortie de leur deuxième album Nevermind, le 24 septembre 1991. Le clip de son single Smells Like Teen Spirit tourne en boucle sur MTV dans les semaines qui suivent et propulse le marginal d’Aberdeen au rang de légende de la musique. C’est toute une génération désabusée qui se reconnaît en la personne de Kurt Cobain. Avec ce succès, l’industrie du disque n’a désormais qu’une obsession : trouver le prochain Nirvana. Prise de panique, elle est prête à signer avec n’importe quel groupe aux cheveux sales et aux sons de guitares sursaturés. Le tsunami grunge, initié par Nirvana, permet à d’autres groupes, eux aussi tapis dans l’ombre depuis quelques années, d’apparaître au grand public. C’est le cas d’Alice in Chains ou encore de Pearl Jam.

La décennie est marquée par l’empreinte de Nevermind et de ses guitares rageuses accompagnées par la voix maladive de Kurt Cobain et la mode suit aussi. L’indifférence au style que porte Cobain sur scène devient le style par excellence : jeans troués, converses usées, chemise écossaise et tee-shirt de seconde main ne se sont jamais aussi bien vendus. 

Rejet du mainstream jusqu’au bout

Avec cette prise de pouvoir culturel, Nirvana aurait pu se ranger du côté du commercial sans jamais cesser de recommencer la recette magique de Nervermind. Mais, pour eux, le mainstream c’est le diable et ils cherchent à tout prix à s’en éloigner. On retrouve un premier signe de cette détestation dans l’évolution de leur musique post-Nervermind. Le son de leur 3e album studio, In Utero, sorti en 1993 est beaucoup plus brutal et violent que le précédent, tout comme celui de la compilation Incesticide, sortie entre les deux, en 1992. Pourtant, le grand public continue d’écouter Nirvana.  

Kurt Cobain et Dave Grohl sont interviewés en 1991 par Kurt St Thomas pour WFNX à Boston © Julie Kramer / Wikimedia
Kurt Cobain et Dave Grohl sont interviewés en 1991 par Kurt St Thomas pour WFNX à Boston © Julie Kramer / Wikimedia

Face à l’attention des médias, l’attitude du groupe ne cachait pas ce désir de rejet du mainstream. Cobain détestait les interviews et le faisait savoir. Lorsqu’un journaliste lui demande ce qu’il pense des interviews, le chanteur répond de manière cinglante : “vous savez la réaction que j’ai eu quand vous m’avez demandé d’en faire une ? J’ai dit putain non !“. L’exemple le plus marquant reste la performance du groupe dans l’émission britannique Top of the Pops en novembre 1991. À l’époque, la politique de l’émission exigeait que les artistes chantent en direct sur des pistes préenregistrées. Le groupe, ne voulant pas laisser passer ça sans rien faire, sabote exprès leur passage : Cobain change les paroles et chante de manière ridicule, Grohl (le batteur) frappe ses cymbales aléatoirement et Novolesic (le bassiste) fait même tournoyer sa basse au-dessus de sa tête. Malgré cela, les médias ne manquent pas une occasion de les inviter.

“Nirvana ne s’est pas adressé au mainstream, le mainstream est venu à Nirvana.” – Krist Novoselic

Mais, si Nirvana a tout fait pour se détacher de l’image d’un groupe commercial, le mainstream a toujours rattrapé le groupe. Krist Novoselic, bassiste et co-fondateur résume bien ce phénomène lors d’une interview : “Nirvana ne s’est pas adressé au mainstream, le mainstream est venu à Nirvana”Le problème, c’est que le mainstream fait mal au groupe, et surtout à Cobain qui supporte de moins en moins le succès. Il ne voulait pas endosser le rôle de “porte-parole d’une génération” qu’on lui avait attribué, et commence alors à détester son tube Smells Like Teens Spirit devenu “l’hymne de l’adolescence”. Tous ses problèmes liés au succès s’aggravent avec son addiction à l’héroïne, dont il justifie la prise par le soulagement de violents maux d’estomac. Tout cela aura finalement raison de lui le 5 avril 1994, date à laquelle il se suicide d’une balle de fusil dans la tête. 

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