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Été 2022 : les coups de coeur littéraires de la rédac

Été 2022 : les coups de coeur littéraires de la rédac

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Cet été, la rédaction a pris des vacances et en a profité pour faire le plein de lectures. Pour ce retour au travail, elle partage ses coups de cœur littéraires afin de repartir un peu en congés et savourer un temps de pause dans le rythme effréné de la rentrée.

Novecento : pianiste, un aller sans retour sur les eaux

Novecento : pianiste est une histoire poétique qui vaut la peine d’être lue et même racontée à voix haute, comme le souhaite son auteur Alessandro Baricco. Ce petit livre de quatre-vingt pages, premièrement destiné à être joué sur scène, se lit d’une traite. L’écriture nous entraîne à bord du Virginian, bateau où naît, grandit et meurt Danny Boodman T.D. Lemon Novecento. Un nom comme le sien ne présage rien d’une vie ordinaire et ennuyeuse. Ce bébé, puis cet enfant et enfin cet homme, voguera sur l’eau du début à la fin et s’imprégnera tellement du rythme de l’océan qu’il apprendra sa langue. Loin d’être un marin, Novecento est pianiste, il parle le langage de l’eau, des vagues et des flots. Au rythme des allers-retours entre les continents et sans jamais poser un pied à terre, il s’exprime sur son piano en livrant une musique pleine d’émotions à en faire pleurer les plus robustes.

En un trajet de train ou de voiture, ce livre est plié. Pour autant, on l’aime pour son lyrisme et son histoire de voyage qui, même en temps de rentrée, nous emmène loin. Au-delà de l’océan certes, mais aussi dans les entrailles profondes de la poésie, de la beauté des choses et du rythme des émotions.

La couverture du livre Novecento : pianiste d'Alessandro Baricco © Folio
La couverture du livre Novecento : pianiste d’Alessandro Baricco © Folio

Chanson douce, la cruauté insidieuse d’une nourrice tueuse

Louise est nourrice. Elle garde les deux enfants de Myriam et Paul, un jeune couple parisien banalement ambitieux. Myriam croule sous la charge mentale. Elle veut renouer avec la grandeur de sa carrière d’avocate. Louise est là pour ça. Dans le foyer, elle va se substituer aux parents. Surtout à Myriam, parce que le père est transparent dans le roman, presque absent. Louise est une nourrice parfaite. Ordonnée, bien élevée, attentionnée, enjouée, expérimentée. Mais Louise va tuer. 

Dès le début, le lecteur le sait. Les deux enfants vont être assassinés par leur nounou adorée. Au fil des lignes, on cherche la faille. Comment un équilibre familial si parfait peut-il tourner au drame ? Qu’est ce qui pousse une employée, douée sous tous rapports, à vriller, à tuer ? 

C’est en répondant à ces questions que Leïla Slimani transforme des tracas du quotidiens insignifiants en thriller oppressant. Son écriture tranchante et son intrigue haletante lui ont valu un prix Goncourt. De cache-cache malsain en morsure discrète, d’incidents légers en vengeance à base de squelette de poulet, Louise va – tout doucement – perdre pied. Au bout d’une longue dérive silencieuse, le meurtre marque la fin de l’histoire. Chanson Douce finit dans la même brutalité qu’elle a commencé : les enfants sont morts assassinés. 

couverture chanson douce leila slimani
La couverture du livre Chanson Douce de Leïla Slimani © Folio

Charlotte, une femme exceptionnelle au destin tragique 

Cette biographie romancée est le treizième roman de David Foenkinos et transporte le lecteur au coeur des années 1930. La vie de Charlotte Salomon, jeune artiste allemande, est retracée avec douceur et justesse tout au long de ces pages. Mêlant amour passionnel, histoire familiale, problème psychologique et drame, cette biographie fait passer le lecteur par toutes sortes d’émotions allant de la joie aux larmes. 

Une vie également menacée par le contexte historique. En effet, les nazis sont au pouvoir en Allemagne et la jeune artiste juive doit fuir famille et amant pour ne pas finir exécutée. Elle se réfugie donc en France pour commencer sa nouvelle aventure. 

Un hommage que rend David Foenkinos à Charlotte : une femme talentueuse, silencieuse et totalement habitée par son art. Celui qui lui fait combattre le désespoir et la barbarie de son époque. Charlotte, ce n’est pas seulement la description d’une artiste au talent exceptionnel pour son âge, c’est aussi le récit d’une quête. Celle de son écrivain, subjugué et hanté par cette femme, qui part à sa recherche. 

couverture Charlotte David Foenkinos
La couverture du livre Charlotte de David Foenkinos © Folio

Confiteor, récit magistral d’une vie qui s’effrite

Ce roman aussi époustouflant qu’exigeant demande un temps d’adaptation dû à sa forme de narration inhabituelle. Le narrateur étant le personnage principal de l’histoire, on comprend dès les premières pages qu’il raconte sa vie alors qu’il est âgé et perd la tête peu à peu.

La trame s’articule donc autour de confessions d’Adrià Ardèvol, qui permettent de suivre ensemble l’histoire de sa famille enchevêtrée avec l’Histoire européenne, de Barcelone dans les années cinquante à l’Allemagne nazie, en passant par l’Espagne d’aujourd’hui. Adrià naît dans une riche famille, tiraillé entre son père qui veut faire de lui un humaniste polyglotte et sa mère qui le destine à une carrière de violoniste virtuose. C’est justement un violon extrêmement rare et porteur d’une riche histoire qui va être le détonateur d’un mystère familial en nous catapultant d’une époque à une autre, d’un pays à l’autre…

Si le livre peut paraître abrupt de prime abord, le style de l’auteur catalan Jaume Cabré reste cependant limpide et clair, nous amenant d’un bout à l’autre du récit d’une main de maître. Confiteor est un roman d’une incroyable densité qui n’attend plus qu’un lecteur se perde dans le dédale des bribes éparses de la mémoire disloquée du narrateur.

couverture Confiteor Jaume Cabré
La couverture du livre Confiteor de Jaume Cabré © Actes Sud

Neuromancien, ou la genèse du Cyberpunk

Est-il possible d’imaginer une couleur inconnue ? À quoi ressemblerait-elle ? Comment la décrire ? Neuromancien s’ouvre sur une ébauche de réponse : ” Le ciel au-dessus du port avait la couleur d’une télévision allumée sur une chaîne défunte.” L’auteur introduit son personnage principal, Case, alors qu’il entre dans un bar pour expatriés de Tokyo. Mais l’exposition ne dure pas, et très vite, on se retrouve confronté à des termes et expressions inconnues : l’Étendue, la matrice, la reconnexion neuronale… William Gibson ne prend pas le temps d’expliquer d’où ses concepts viennent et vers quoi ils amènent. Il les pose là, dans le milieu du récit, pour nous perdre dans un futur opaque qu’il faut alors combler soi-même. Alors on s’imagine les quartiers d’un Tokyo brutalement défiguré par les avancées technologiques, les corporations, la pègre et les excès qui vont avec.

S’il est possible de s’imaginer plus ou moins clairement le monde de Neuromancien, c’est bien parce qu’il est le père, avec Blade Runner, du cyberpunk. Le genre le plus trash et technophile de la SF prend ses racines ici, dans la Cité Nocturne de Case, voyou parmi les mercenaires, gaijin et autres pourritures plus ou moins garnies d’améliorations et implants divers. Les univers visuels des films Matrix, Ready Player One, Total Recall, Tron ou encore Minority Report, sont tous plus ou moins hérités de Neuromancien. De plus, les thématiques explorées par ce roman fondateur sont la base de ce genre de la SF. On y retrouve évidemment les implants et autres biotechnologies, l’informatique, l’usage de drogues, la prostitution, l’amour, l’intelligence artificielle, ou plus largement des notions de liberté et de moralité, qui sous-tendent l’œuvre.

Malgré un début très maigre en explications, Neuromancien reste accessible aux initiés de la SF, qui voudront suivre Case jusqu’à ce que tout s’accélère : sa rencontre mouvementée avec Molly, le mystérieux Armitage, et le très secret Finlandais. Si la presse de l’époque de Zola désignait Thérèse Raquin comme de la « littérature putride », alors que dire du chef-d’œuvre de William Gibson ? De la littérature charcutière, crue et amère, qui n’a de sympathie ni pour son lecteur, ni pour ses personnages. Pour ceux qui ont de la place dans leur bibiliothèque pour un grand format, l’édition récente d’Au Diable Vauvert est un régal, avec ses illustrations magnifiques de Josan Gonzalez.

couverture Neuromancien William Gibson
La couverture du livre Neuromancien de William Gibson © Au Diable Vauvert
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