The Devil All The Time, voyage au bout de l’enfer américain
Adapté du roman du même nom de Donald Ray Pollock, le nouveau film d’Antonio Campos (Simon Killer), The Devil All The Time, est sorti sur Netflix depuis le 16 septembre. L’annonce d’un casting cinq étoiles et une bande-annonce assez prometteuse avaient gonflé les attentes. Mais qu’en est-il réellement ?
Émergeant du Southern Gothic, cheminant dans une Amérique profonde pervertie par la violence et la religion, le roman de Pollock relevait de la densité inadaptable. Une folie, une richesse et des ambitions trop grandes pour rendre possible une mise à l’écran fidèle en seulement deux heures de temps.
Assez peu original
Et il faut conclure que ces craintes se vérifient bien, en partie du moins. Car The Devil All The Time n’est malheureusement rien de plus qu’une belle redite de toutes ces références. Il n’invente ou ne réinvente rien, n’allant jamais plus loin que ce qui avait déjà été fait. Le film nous balance beaucoup de situations techniquement irréprochables, mais finalement très convenues. Il ne surprend presque jamais et, en ce sens, peine à partager ses émotions. Alors que le récit traverse presque 20 années, parcourant les générations, il ne convainc pas totalement et manque cruellement d’ampleur jusqu’à en devenir oubliable. De plus, tout le propos autour de l’inéluctabilité de nos actes arrive bien trop tard pour prendre forme.
Indéniablement soigné
Pour autant, il n’en reste pas moins un bon film. Car s’il y a une qualité qu’on ne peut pas lui enlever, c’est bien la minutie de sa construction. La réalisation de Campos immerge impeccablement dans cette atmosphère poisseuse, à la végétation aussi belle que trompeuse. L’auteur prend un malin plaisir à disséminer une foule de détails symboliques qui élèvent toute la dimension du récit. Celui-ci ne tombe d’ailleurs jamais dans les écueils habituels des flashbacks, tout est très fluide et la voix-off bien utilisée.
Toujours calculés avec une précision effilée, ses cadres illustrent à merveille les doutes de ses personnages, perdus entre traumatismes et bigoteries, rongés par la violence ou la folie. Mais tout ça reste très sobre, à l’image du traitement de la violence. Les possibilités pour en faire une ode au gore ne manquaient pas, mais le réalisateur choisit de laisser de côté toute surenchère bien crasse qui aurait nui aux personnages.
Le casting sauve la mise
Des silhouettes plus que crédibles qui manquent tout de même d’un peu de place pour exister. Car à part Arvin Russell, personnage interprété par Tom Holland (Spiderman Homecoming), le scénario peine à les développer, si bien qu’ils en sont réduits à une histoire survolée qui manque de temps pour devenir réellement tangible.
De ce côté, heureusement que le casting est là pour réussir à incarner toute la profondeur invisible à la surface. Bardé de seconds couteaux ultra talentueux et reconnaissables, de Bill Skarsgard (le Pennywise de Ça) à Jason Clarke (HHhH) en passant par Mia Wasikowska (Stoker) et Riley Keough (Mad Max : Fury Road), tous se permettent d’exploser dans l’incarnation de ces ordures violentes et torturées.
Autre réjouissance du casting, et pas des moindres, Tom Holland parvient enfin à montrer tout son talent. S’il incarne un Spiderman plutôt touchant, ce personnage principal lui donne enfin toute la sobriété et la crédibilité dont l’acteur avait besoin pour s’affirmer. Une prestation d’autant plus remarquable qu’elle ne pâlit pas face à un Robert Pattinson qui continue de prouver qu’il est un des meilleurs acteurs du moment.
En reste un très bel hommage au genre, brillamment construit et très soigné, mais qui peine à introduire une véritable ampleur dans un récit assez convenu.