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Travailleurs au poste #1 : les rênes de l’hexagone confiné

Travailleurs au poste #1 : les rênes de l’hexagone confiné

Alors que le Covid-19 frappe à nos portes, certains Français les ouvrent tous les matins pour aller travailler. En effet, pendant que l’on saigne les tréfonds de Netflix et que d’autres ont la chance de pouvoir télétravailler au chaud depuis leur canapé, certains n’ont pas le choix et doivent toujours se déplacer. Nous sommes partis à la rencontre de ceux sans qui nous ne pourrions ni commander, ni manger, ni recevoir notre courrier…. [Certains prénoms ont été modifiés, ndlr]

Pas le choix : les livreurs doivent se déplacer

Pendant que vous restez chez vous, des personnes travaillent encore, justement pour vous éviter de vous déplacer. Les livreurs, par besoin économique ou par obligation, sont sur les routes même en ces temps de confinement. Nous avons pu discuter avec Arthur, livreur UberEats dans les Hauts-de-France, Benoît et Kylian, tous les deux facteurs, et Hugo, conseiller dans une entreprise de livraison de surgelés.

La Poste et l’entreprise de surgelés ont mis en place des mesures de protection contre le coronavirus, avec la mise à disposition de gants, masques, gels hydro-alcooliques. Benoît, le facteur, nous explique qu’il dépose les colis dans la boîte aux lettres ou sur le palier. Il en est de même pour Hugo, qui récupère les commandes par téléphone ou devant les portes, sans aucun contact avec les clients.

Pour Arthur, c’est plus compliqué. UberEats propose de rembourser les achats liés à la protection contre le coronavirus…. à hauteur de 25 euros. Le livreur doit donc mettre de sa poche pour acheter son équipement de protection.

Des livreurs en pause méridionale © Quentin Saison

“Au tout début c’était un peu panique à bord”, explique Hugo. Mais dans son entreprise, personne n’a décidé d’arrêter de travailler. L’entreprise a de plus en plus de commandes. À La Poste, Benoit explique que “beaucoup de collègues ont décidé d’exercer leur droit de retrait“. Kylian, lui, a des horaires de travail plus légers. Il explique que “le courrier est distribué normalement mais le flux a beaucoup baissé cette semaine”.

Chez UberEats, Arthur ne peut pas arrêter de travailler, pour des raisons économiques. Mais les clients se font rares : courses peu rémunérées, attente interminable pour avoir une commande, nombre de clients très limité… “Je veux bien continuer à faire mon travail, mais si je n’ai plus de commandes, à quoi ça sert de prendre des risques ?” Le livreur dit ne pas pouvoir bénéficier des aides promises par l’État, à cause de son statut d’indépendant assez particulier…

En première ligne, les employés de supermarchés tiennent bon

Tel la fourmi de La Fontaine, les Français s’emparent depuis une semaine déjà de rouleaux de papier toilette par centaines et inondent leurs caddies de dizaines de kilos de pâtes. Ceux grâce à qui nous passons un confinement serein sont indispensables, débordés, fatigués et surtout exposés.

Sullivan, étudiant de 20 ans, employé dans un supermarché à Lille, a “demandé à travailler très tôt le matin pour éviter au maximum le contact avec les clients”. Il souligne être “étonné qu’on ne limite pas le flux à plus de 100 personnes”. Vanessa, quant à elle, vendeuse dans une épicerie de village dans la Drôme, oblige tous les gens qui rentrent dans son échoppe à se désinfecter les mains avec le gel antibactérien.

Nombreux sont ceux qui continuent de travailler © Maxime Laurent

Si dans un magasin de petite taille, les précautions sont relativement simples à mettre en place, ce n’est pas le cas des grandes surfaces comme Auchan. Elisa, hôtesse de caisse en parallèle de ses études dans une des enseignes en région parisienne, a été mobilisée pour 30 heures par semaine pendant le confinement. Elle salue tout de même les efforts de précaution. “En tant qu’employés, on nous distribue régulièrement des bouteilles d’eau et on nous a donné du gel hydroalcoolique. On a aussi le droit de quitter notre caisse à tout moment pour se laver les mains”.

Mais elle dénonce aussi les conditions difficiles: “Les gens crient, râlent, s’insultent parce qu’ils se sont fait doubler ou voler un paquet de pâtes. Ou même m’insultent parce qu’il n’y a pas assez de caisses”. Pour l’étudiante, “les magasins sont devenus des fourmilières. Les gens se comportent comme des animaux : c’est la loi du plus fort, et voir les rayons vides c’était flippant.

“C’est la période de tous les records”

François, préparateur de commandes clic&collect chez Monoprix dans l’Essonne, observe que “le nombre de commandes quotidiennes à été multiplié par 10 depuis le début de semaine”. Un rythme plus « speed » s’impose, les contrats étudiants s’amplifient et les queues ne cessent de rallonger. Emma est étudiante en droit et préparatrice/livreuse chez Auchan Drive à Toulouse. Elle est passée, face à la situation sanitaire actuelle, de 12 heures par semaine à 34 heures par semaine. Ses méthodes de travail ont changé. “Avant, le client sortait de sa voiture et nous procédions ensemble à la mise en coffre des courses. Mais depuis la semaine dernière, le client doit ouvrir son coffre avant notre arrivée. Il doit remonter dans sa voiture et n’en sortir qu’une fois que nous avons totalement chargé les courses”. Pour Gabriel, lycéen en alternance dans un bureau de tabac, les mesures sont semblables. “On a installé une affiche où on donne l’ordre aux clients de rentrer deux par deux dans le magasin. Sur le sol, on a installé plusieurs bandes distancées d’un mètre, et un système d’allée pour séparer les clients.”

Quand les courses deviennent romantiques. © Chloé Lavoisard
Quand les courses deviennent romantiques. © Chloé Lavoisard

Tous observent l’augmentation folle du nombre de clients dans leurs magasins respectifs. “Il y a eu beaucoup plus de clients peu avant le confinement, la queue même en dehors du magasin. Tout le monde faisait son stock de cigarettes, on en vendait pratiquement tout le temps plusieurs cartouches à la fois.” souligne Gabriel.

Merci à eux, ces héros de l’ombre, de braver la fatigue et l’exposition au Covid-19 pour nous permettre de nous approvisionner, de vivre.

Alors il faut être raisonnable, suivre les consignes, ne pas sortir pour acheter un seul et unique citron, mais ne pas abuser non plus des stocks. Respecter leur travail, et être civilisé.

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