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Troisième marche à Roubaix, un climat joyeux et baroque

Troisième marche à Roubaix, un climat joyeux et baroque

Marche pour le climat à Roubaix © Eliott Biger

Roubaix. Samedi 27 novembre. Après un appel citoyen et transpartisan, malgré des conditions défavorables, près de 500 personnes se sont réunies sur la Grand’Place pour cette troisième édition de la marche pour le climat. Animée par une troupe de théâtre et un orchestre, la marche porte une critique des facteurs économico-politiques sans épargner les comportements individuels. Une démarche profondément engagée qui réussit à réunir les militants, mais peine à toucher les masses.

Alors que Lille porte le gilet jaune, les roubaisiens enfilent le gilet de sauvetage. L’initiative vient de “l’Université Populaire et Citoyenne” de Roubaix, l’événement est censé alerter les institutions et pousser à la transition des villes face aux enjeux écologiques. S’ils revendiquent un mode de vie localier, joyeux et sobre, la marche était à coup sûr joyeuse, mais aucunement sobre.

Pap 40 priant le marché © Eliott Biget
Pap 40 priant le marché © Eliott Biget

“Il faut créer des petites communautés joyeuses et frugales”

C’est l’appel que l’on pouvait entendre dans une Saynète organisée devant la gare de Roubaix par la troupe de théâtre Detournoyment qui accompagne le cortège. Empruntant le registre religieux, “frère transition et sobriété” donne la réplique à “pap 40”. L’objectif est de singer les discours venant du MEDEF en interagissant avec le public.

L’itinéraire de la marche est sans équivoque, de la mairie jusqu’à la gare, en passant par le centre commercial et une banque : “la critique écologique ne peut se faire sans critique sociale” sous-entendant les discours prononcés devant un bâtiment de la Société Générale.

Un constat cohérent partagé par un rassemblement de militants et convaincus, qui malgré une certaine diversité d’âge, composent l’essentiel de la marche. Contrastant avec l’oisiveté des tambours qui ponctuent la marche, la Cop 26 reste comme un goût amer dans la bouche des militants. La date n’est pas choisie au hasard, c’est aussi la période du Black Friday, pour les organisateurs “symbole de la surconsommation”. Une occasion de sensibiliser, ou plutôt de blâmer les passants sur leur mode de vie, même si ceux-ci ont attendu ce moment pour “enfin s’acheter de quoi s’habiller pour l’hiver”.

Face au risque d’effondrement, la transition, des villes, des modes de vie.

Cette marche est aussi le moment de rappeler quels sont les enjeux climatiques dans la région du Nord. Selon l’institut de recherche Climate Central, près de 400.000 personnes sont concernées par la future montée des eaux dans le département. Ce sont des villes entières comme Calais et Dunkerque qui pourraient être avalées par la mer.

“La Terre ne peut plus supporter les activités humaines, il faut changer nos façons de faire […] c’est peut être déjà trop tard !” – une convaincue de l’effondrement

Parmi les familles présentes, beaucoup appliquent déjà une “politique de zéro déchets”. La ville de Roubaix est par ailleurs la première ville de France à l’appliquer depuis 2014. Ces familles pensent que le modèle de la ville n’est pas adapté aux enjeux, “il faut recentrer l’activité humaine au niveau local” répète “frère transition et sobriété” de la troupe de théâtre, reprenant ainsi les thèses de Pierre Rabhi, “la sobriété heureuse” et la “théorie du colibri” loin de faire l’unanimité parmi les différentes organisations présentes.

Des propositions en partie expérimentées progressivement dans la ville, comme avec le principe d’économie circulaire lancé en 2017 sensé promouvoir un développement à faible impact sur la nature. Roubaix n’en reste pas moins fortement touchée par la misère sociale, difficile de convaincre que les problèmes climatiques se résoudront par un changement drastique des comportements individuels.

Vilipender les passants, un mal nécessaire ?

Les manifestants et la rue entretiennent un rapport joyeux, ils interagissent. La marche a réussi à mobiliser parmi tous les horizons, se sont ajoutés quelques gens curieux de l’ambiance. Elle a tout de même un défaut : l’incompréhension des passants freine la démarche de sensibilisation. Si le “pap 40” esquisse sourires et applaudissements, il n’en est pas de même pour les passants et automobilistes sermonnés.

 “Sortez de votre voiture, rejoignez-nous, la voiture pollue.” – dit une militante à un vieux modèle poussiéreux.

Bien que les transports en commun gratuits soient une des revendications de la marche, Roubaix reste une ville où le chômage des classes populaires est élevé. Or la mobilité est essentielle pour trouver un travail. Les emplois disponibles à Roubaix ne sont pas en adéquation avec la population qui l’habite, ce qui rend les déplacements pendulaires inévitables. L’enjeu de la marche est de montrer qu’il est possible de concilier la question écologique et sociale au travers d’horizons cohérents.

Les animaux ramassant les déchets des Hommes © Eliott Biget
Les animaux ramassant les déchets des Hommes © Eliott Biget
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