Un pays qui se tient sage, le scanner à violences policières de David Dufresne
Un pays qui se tient sage, le dernier film du journaliste et réalisateur David Dufresne, est arrivé dans nos cinémas le 30 septembre et n’a pas arrêté de susciter la controverse. Le débat sur les violences policières en France est plus tendu que jamais. Il s’ouvre à nouveau avec ce film, réalisé à partir d’images filmées par des amateurs sur leurs téléphones.
Le film tient son titre de la vidéo tournée à Mantes-la-Jolie. Ces images ont choqué l’opinion publique et ont permis d’interpeller le gouvernement sur sa gestion des forces de l’ordre. David Dufresne relance une nouvelle fois le débat en prenant le temps de décrypter ces images que l’on a l’habitude de voir en scrollant sur les réseaux sociaux.
Un film qui interroge
La crise des Gilets jaunes a marqué le débat public des dernières années. En 2019, le parquet de Paris a conclu 146 des 212 enquêtes ouvertes pour des soupçons de violences policières en lien avec le mouvement des Gilets Jaunes. À travers ces images, des questions émergent. Pourtant, Un pays qui se tient sage ne prétend pas être une réponse. Il apporte des pistes de réflexions, des opinions et des témoignages. Il illustre aussi l’importance du travail de la presse et son rôle dans cette crise avec la participation du journaliste indépendant Taha Bouhafs, célèbre pour ses images ayant abouties à l’affaire Alexandre Benalla.
« La caméra, c’est l’arme des désarmés » – David Dufresne
Le film se construit sur une alternance d’entretiens avec sociologues, historiens, policiers, manifestants, juristes, écrivains ou encore journalistes. Tous s’expriment et réagissent face à des images de violences policières pendant des manifestations Gilets Jaunes projetées sur grand écran. De nombreux thèmes y sont abordés avec des points de vues très différents. L’objectif est ici de chercher à comprendre comment s’expliquent ces violences. Comment s’organise le rapport de force entre manifestants et policiers ? Quel est le rôle du gouvernement dans cette crise ? David Dufresne ne cherche pas ici à apporter une solution ou à porter la responsabilité sur qui que ce soit. Il souhaite interroger la gestion du maintien de l’ordre en France et la légitimité de l’usage de la violence par l’État.
Un film nécessaire
Un pays qui se tient sage apparaît comme essentiel pour comprendre la crise des Gilets Jaunes. Devenu lanceur d’alerte sans vraiment le vouloir, le réalisateur nous présente un film équilibré et poignant. En choisissant de ne pas censurer les images, cela nous rappelle qu’il est peut-être temps que l’on s’attarde sur la réalité de ce qui est arrivé. L’analyse de ce que l’on peut voir sur ces images est primordiale pour appréhender ce qui se joue aujourd’hui avec cette crise.
David Dufresne donne la parole aux manifestants avec des témoignages touchants qui révèlent la violence subie quotidiennement. Il tente aussi de donner la parole à la police, d’en comprendre le fonctionnement et les enjeux. Le réalisateur nous offre une radiographie de ces images de violences policières en permettant un dialogue qui semblait rompu, comme l’illustre très bien Didier Lallement, le préfet de police de Paris : « Nous ne sommes pas dans le même camp. »
Un film à forte résonance
C’est un premier long-métrage pour David Dufresne, et c’est bien un film de cinéma (soutenu par la Quinzaine des réalisateurs). Un pays qui se tient sage est actuellement diffusé en France mais aussi aux États-Unis, en Belgique et en Suisse. Le débat sur les violences policières s’ouvre bien et s’exporte. Aux États-Unis, le sujet fait écho au mouvement Black Lives Matter. En France, les récentes réformes du maintien de l’ordre sont une parfaite illustration de la fracture dans le pays. L’objectif de ce film immanquable est d’interroger et de chercher à renouer le dialogue sur une situation qui ne fait que s’intensifier.
Ce film ne se veut pas être une réponse à une situation complexe mais si une chose est sûre, Un pays qui se tient sage est le film à voir en ce moment.