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Une conférence pour “Oser dire non” aux violences sexistes et sexuelles

Une conférence pour “Oser dire non” aux violences sexistes et sexuelles

Oser dire Non Conférence sur les violences sexistes et sexuelles

Opération sensibilisation à l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, ce mardi 25 janvier. L’association étudiante “Oser Dire Non” a réuni, à l’occasion d’une conférence sur les violences sexistes et sexuelles, quatre spécialistes du sujet. Une opportunité pour déconstruire idées reçues et tabous. 

Les violences sexuelles ont augmenté de 33% en 2021. Un chiffre du ministère de l’Intérieur qui vient s’ajouter aux affaires Bourdin, Ménès ou encore Hulot, répliques du séisme Metoo qui a débuté en 2017. Des cas médiatisés parmi beaucoup d’autres, dont on parle de plus en plus, pas toujours de la bonne façon. Pour mieux faire face à ce sujet complexe, l’association étudiante Oser Dire Non a été fondée en 2020, à l’Académie ESJ. Elle compte une vingtaine de membres qui mènent des actions de sensibilisation pour se battre “contre tout type de violences, sexuelles, psychiques ou physiques”.

Ce mardi, quatre spécialistes des violences sexistes et sexuelles (VSS) sont conviés lors d’une conférence à l’Ecole Supérieure de Journalisme (ESJ) : Guillemette Stevens, sexologue, Déborah Diallo, avocate, Frédérique Warembourg, psychiatre et Nicolas Gaud, pédopsychiatre. La conférence était animée par Tom Soriano et Clara Laine, membres d’Oser Dire Non.

Une “culture du viol” qui normalise les violences

La conférence s’ouvre sur une définition des VSS par les membres de l’association et la sexologue Guillemette Stevens. Elle distingue trois types de violences sexuelles, définis par la loi : agression sexuelle, viol et atteinte sexuelle. La première correspond à un contact sexuel exercé sur des zones intimes avec violence, contrainte, menace ou surprise.  S’il y a pénétration, on parle de viol. C’est un crime puni de quinze ans de réclusion criminelle. L’atteinte sexuelle, c’est tout acte sexuel entre un majeur et un mineur de moins de quinze ans, qui ne peut apporter un consentement éclairé en dessous de cet âge. À ces abus s’ajoutent les innombrables violences sexistes, tout ce qui  “vous rappelle que vous n’êtes […] qu’un corps de femme dans l’espace public, et que ça donne le droit à chacun et à chacune de faire des réflexions sur votre physique” affirme Guillemette Stevens. Des comportements systémiques qui objectifient la femme et peuvent banaliser des actes plus graves.

Tous ces abus s’intègrent dans un ensemble plus large, la “culture du viol”. Ce sont les pratiques et idées reçues qui minimisent, voire encouragent les violences sexuelles, souvent en les représentant de manière déformée. Ainsi, on imagine que les violences sexuelles sont commises dans la rue par un inconnu et qu’elles impliquent un affrontement physique. La réalité est souvent tout autre. La grande majorité des agresseurs font partie de l’entourage proche de la victime. La psychiatre Frédérique Warembourg explique que ce genre de situation peut provoquer un stress trop important qui empêche le corps de réagir normalement. Un phénomène de “sidération” pétrifie l’organisme, qui ne se protège pas. Ce mécanisme, méconnu, entraîne une culpabilisation de la victime par les proches mais aussi par les institutions, considérant que si iel n’a pas réagi, c’est “qu’au fond iel le voulait”. Ce type de réactions peut donner l’impression de récits confus ou inventés, alors qu’il est en fait typique des traumatismes psychologiques. Pire, cela peut aggraver l’état de trauma.

Puis, c’est au tour du pédopsychiatre Nicolas Gaud de s’exprimer. Emmitouflé dans son pull en laine blanc, clairement habité par son sujet, il expose au pas de charge les traumatismes subis par les jeunes victimes de VSS. Celles-ci sont souvent commises par des proches. Une victime mineure, qui associe son cercle intime à une sécurité dont elle a besoin pour mûrir, peut subir de graves troubles du développement. À ceux qui pensent qu’un enfant va “oublier”, ou qu’il “n’a pas compris”, Nicolas Gaud répond clairement : ce sont ses patients les plus jeunes qui sont les plus durement touchés.

Aider les victimes malgré les limites des institutions

Si l’on se contentait de lire les textes de loi, on pourrait penser que les VSS sont durement réprimées en France. Cependant, le manque de moyens ainsi que l’insuffisance des formations des policiers et gendarmes aggravent la situation. C’est ce que dénonce la dernière intervenante, l’avocate Déborah Diallo. On estime que seule une personne victime de violence sexuelle sur dix porte plainte, ce qui mène dans 10% des cas à une condamnation. Faites le calcul, et 99% de ces actes ne seraient pas punis par la justice. Maitre Diallo plaide pour des cellules spécialisées au sein des commissariats, et il est évident que l’État peut en faire beaucoup plus pour les victimes de VSS.

Témoigner, c’est s’aider soi-même, mais aussi aider les autres” Clara Laine d’Oser Dire Non

La cause n’est pas vaine pour autant. De nombreuses associations se battent afin de sensibiliser aux VSS. Delphine Beauvais intervient pour présenter SOLFA; Elle est directrice de son pôle “violences faites aux femmes”. Cette association vient en aide aux femmes vulnérables, dont les victimes de VSS, et est présente dans plusieurs communes du Nord. Elle leur fournit notamment de l’accueil d’urgence, des consultations pour enfants ainsi l’initiative de l’opération “En voiture Nina et Simon.e.s”, qui vise à partir à la rencontre de victimes de violences dans un van pour sensibiliser, écouter et libérer la parole. 

C’est aussi l’objectif d’“Oser Dire Non” qui a organisé la conférence. Les animateurs, Clara Laine et Tom Soriano, se sont confiés à nous. “Lutter contre les VSS représente le cœur de l’association” nous explique Clara. Avec fierté, elle poursuit : “La conférence est assez représentative de ce que [nous portons] et représente notre plus grand succès. Tout comme la campagne d’affichage de sensibilisation sur les VSS à Lille 1, 2 et 3 ainsi qu’à l’ESJ et sur les sites internet”. Tom précise que d’autres projets ont été suspendus par la pandémie, notamment un concours d’éloquence. Mais d’autres initiatives auront lieu en 2022.

Si Oser Dire Non n’est pour l’instant présente qu’à l’ESJ, “ce n’est pas du tout réservé aux membres de l’ESJ. C’est une association ouverte à tous et à toutes”. D’ailleurs, pour rejoindre “Oser Dire Non” c’est “très simple” déclare Clara. Elle explique : “Sur les réseaux sociaux ou par mail, il suffit d’envoyer un message ou un mail en expliquant ses motivations pour entrer dans l’association, sans campagne de recrutement ou entretien”. “Témoigner, c’est s’aider soi-même, mais aussi aider les autres” avait-elle dit au début de la conférence. Libérer enfin la parole des victimes pour qu’elle noie le vacarme des idées reçues et le silence oppressant des non-dits.

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